1Service de Physique de l’Etat Condensé (CNRS/MIPPU/URA 2464), DSM/DRECAM/SPEC, CEA Saclay, P.C. 135, F-91191 Gif sur Yvette, France.
2Dept. of Physics, University of Liverpool, Oliver Lodge Laboratory, Liverpool L69 7ZE, UK.
3Hahn-Meitner Institute, Glienicker Strasse 100, Berlin D-14109 Germany.
4Institute für Festkörperphysik, Technische Universität Berlin, Hardenbergstrasse 36, Berlin D-10623 Germany,
5ISIS Facility, Rutherford Appleton Laboratory, Chilton, Didcot, Oxon OX11 OQX, UK.
6Clarendon Laboratory, Parks Road, Oxford OX1 3PU, UK.
7H.H Wills Physics Laboratory, University of Bristol, Bristol BS8 1TL, UK.
8European Synchrotron Radiation Facility, BP 220, F-38043 Grenoble Cedex, France.
Les cobaltates sont des composés de type ABX (B désignant du cobalt ou un atome adjacent du tableau de Mendeleïev) qui ont un potentiel technologique important de par leurs propriétés thermoélectriques.
Ces propriétés dépendent crucialement de leur structure. Les cobaltates AxCoO2 présentent des couches successives d’oxyde de cobalt CoO2. La proportion variable x d'ions alcalins A s'insère entre ces couches. Ceci permet d’emmagasiner et restituer à volonté des charges électriques. Ainsi, les composés au lithium (A=Li) sont apparus depuis plusieurs années dans les batteries de nos appareils portables.
La possibilité d'ajuster ainsi la densité de charges électroniques conductrices dans les plans de cobalt permet de contrôler les propriétés électriques et magnétiques du matériau. Cette situation est analogue au cas très étudié des supraconducteurs à haute température critique, à deux différences près :
i) Contrairement aux réseaux carrés des cuprates, les atomes de cobalt sont ordonnés suivant un réseau triangulaire (voir figure).
ii) Les lacunes de sodium dans NaxCoO2 ne sont pas distribuées au hasard, mais s’ordonnent suivant une sur-structure nanométrique qui impose un potentiel de même période spatiale vu par les électrons mobiles des plans de cobalt sous-jacents.
C'est ce second point qui a fait l'objet d'un article dans la revue Nature, par un groupe européen rassemblant principalement un physicien du Service de Physique de l’Etat Condensé du centre CEA de Saclay, et des chercheurs de l’Université de Liverpool et de l’Institut Hahn Meitner de Berlin.
Pour le composé « saturé en sodium » NaCoO2 (x=1), le réseau d’ions sodium forme un empilement compact de sphères (vertes) se projetant au centre des triangles de cobalts (voir figure). Pour x < 1 les lacunes de sodium s'ordonnent en structure périodique dont la maille est de l’ordre de 5 fois la distance inter-cobalts (~ 1 nanomètre). Dans cette structure, la position de certains atomes de sodium (rouges) regroupés en amas triangulaires se projette sur les nœuds du réseau d’atomes de cobalt. Ils sont séparés des atomes en position centrée (verts) par trois lacunes reparties sur le pourtour du triangle rouge.
– Du point de vue de la conduction, ces amas triangulaires (rouge) exercent des forces électrostatiques répulsives importantes sur les charges mobiles des plans de cobalt sous-jacents qui sont ainsi canalisées. Suivant la proportion x d’ions sodium, les chemins de conduction peuvent être bidimensionnels (Na0.8CoO2) ou unidimensionnels (Na0.5CoO2). Dans tous les cas, les interactions entre porteurs de charges mobiles et leur « masse effective » s’en trouvent fortement augmentées. Concernant les vibrations atomiques, les « cages triangulaires de lacunes » donnent plus de liberté aux atomes de sodium de chaque amas leur permettant d'absorber partiellement tout transport de chaleur. Ceci explique la faible conductivité thermique observée.
Ces propriétés en font des matériaux à fort pouvoir thermoélectrique, apparaissant ainsi comme d’excellent candidats pour des applications technologiques (refroidissement contrôle de circuits électroniques ou –réciproquement- conversion de chaleur perdue en courant électrique). De plus leurs riches propriétés de transport et leur magnétisme peuvent être contrôlés via la proportion variable d’ions sodium.
Ces conclusions sont le fruit de résultats remarquables de diffraction de neutrons auprès de la source pulsée d’ISIS (Rutherford Appleton Laboratory, UK) et à l’Institut Hahn Meitner de Berlin, confrontés à un modèle simple prenant en compte essentiellement les interactions électrostatiques et les contraintes d’empilement stérique. D’excellents monocristaux ont été obtenus au laboratoire Clarendon d’Oxford par la technique de « zone flottante ». Les calculs numériques ont été réalisés à Saclay et sur l’ordinateur massivement parallèle MAP2 de l’Université de Liverpool.
Bibliographie :
M. Roger, D.J.P Morris, D.A. Tennant, M.J. Gutmann, J.P. Goff, J.-U. Hoffmann, R. Feyerherm, E. Dudzik, D. Prabhakaran, A.T. Boothroyd, N. Shannon, B. Lake and P.P. Deen,
Patterning of sodium ions and the control of electrons in sodium cobaltate
Nature 445 (2007) 631. Voir aussi : cond-mat/0507040
07-02-2007