Comprendre la turbulence est un enjeu majeur pour la sécurité des transports aériens et maritimes, mais aussi en météorologie. Le mouvement d'un fluide peut être décrit par les équations de Navier-Stokes, dont les solutions peuvent être extrêmement complexes quand elles décrivent des phénomènes dynamiques sur plusieurs ordres de grandeur d'échelle spatiale, de quelques centièmes de millimètre à plusieurs centaines de mètres.
En 1963, le météorologue américain Edward Lorenz modélise la convection atmosphérique, sans turbulence, par trois équations déterministes. Celles-ci lui permettent de mettre en évidence pour la première fois l'effet papillon, signe d'un comportement chaotique illustré par cette interrogation : « le battement d'aile d'un papillon au Brésil peut-il déclencher une tornade au Texas ? » Cependant, pour les écoulements réels très fortement turbulents, les scientifiques n'ont pas réussi à trouver un modèle aussi simple que celui de Lorenz.
Pour relever ce défi, des chercheurs de l'Iramis et du LSCE ont analysé en détail une expérience de laboratoire, dite de von Karman, dans laquelle un écoulement très turbulent est produit par rotation de deux turbines dans un cylindre rempli d'eau. Ils montrent que la dynamique des tourbillons peut être décrite par un système de trois équations similaires à celles proposées par Lorenz, mais cette fois stochastiques.
Où se cachait donc la difficulté ? Jusqu'à présent, chaque vortex était décrit séparément. Or les petits vortex peuvent aussi être pris en compte comme une composante aléatoire capable d'influencer à chaque instant les grands vortex. Cette composante aléatoire introduit une nouvelle incertitude par rapport au chaos découvert dans le modèle initial de Lorenz, et renforce d'un degré supplémentaire l'effet papillon.
De tels modèles simplifiés pourraient être utilisés pour décrire la dynamique des écoulements turbulents naturels, comme les nuages et les précipitations en météorologie. La chasse aux « papillons » climatiques est désormais ouverte !
Abstract:
We report the experimental evidence of the existence of a random attractor in a fully developed turbulent swirling flow. By defining a global observable which tracks the asymmetry in the flux of angular momentum imparted to the flow, we can first reconstruct the associated turbulent attractor and then follow its route towards chaos. We further show that the experimental attractor can be modeled by stochastic Duffing equations, that match the quantitative properties of the experimental flow, namely the number of quasi-stationary states and transition rates among them, the effective dimensions, and the continuity of the first Lyapunov exponents. Such properties can neither be recovered using deterministic models nor using stochastic differential equations based on effective potentials obtained by inverting the probability distributions of the experimental global observables. Our findings open the way to low dimensional modeling of systems featuring a large number of degrees of freedom and multiple quasi-stationary states.
Références / References :
Stochastic chaos in a turbulent swirling flow,
D. Faranda, Y. Sato, B. Saint-Michel, C. Wiertel-Gasquet, V. Padilla, B. Dubrulle, F. Daviaud, Physical Review Letters (2017).
E. N. Lorenz,Deterministic nonperiodic flow. Journal of the atmospheric sciences, 20(2) (1963) 130-141.
Contact SPEC : Bérangère Dubrulle.
Collaboration :
- Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement (LSCE-IPSL), UMR 8212 CEA – CNRS – UVSQ, CEA Saclay l’Orme des Merisiers, Université Paris-Saclay, 91191 Gif-sur-Yvette, France.
- Research Institute for Electronic Science (RIES), Department of Mathematics, Hokkaido University, N20 W10, Kita-ku, Sapporo, Hokkaido 001-0020, Japan.
- Laboratoire de Physique, ENS de Lyon, Université Claude Bernard, CNRS F-69342 Lyon, France.
- Service de Physique de l'Etat Condensé SPEC, UMR 3680 CEA-CNRS, Université Paris-Saclay, CEA Saclay 91191 Gif sur Yvette cedex, France.