Dans un matériau multiferroïque, le magnétisme coexiste avec la ferroélectricité, équivalent électrique du ferromagnétisme. De tels matériaux, dont on pourrait contrôler électriquement l’aimantation, sont des candidats très sérieux pour réaliser des mémoires vives non volatiles. Ils sont toutefois encore inadaptés ou mal maîtrisés. À température ambiante, les propriétés magnétiques et électriques ne cohabitent pas et l’une des deux domine. Il faut donc recourir à des matériaux composites encore mal compris, tout particulièrement à l’échelle nanométrique. Des physiciens de l’Institut des Nanosciences de Paris – INSP (CNRS / UPMC), en collaboration avec des collègues du CEA/SPCSI viennent de réaliser une nouvelle structure multiferroïque en superposant deux couches minces : l’une de cobalt et l’autre de titanate de baryum BaTiO3. Les chercheurs ont montré qu’à l’interface entre ces deux couches, le ferromagnétisme de la première se couple directement et très efficacement à la ferroélectricité de la seconde.
Cette étude, publiée dans la revue Physical Review B est la première à exclure totalement la présence d’actions secondaires telles une contrainte mécanique, dans le couplage électricité/magnétisme. Il s’agit d’une étape importante dans la compréhension de la multiferroïcité dans des matériaux composites de taille nanométrique.
Pour réaliser ce dispositif, une première couche de titanate de baryum BaTiO3 est déposée par épitaxie par jets moléculaires sous plasma d’oxygène sur un substrat de titanate de strontium SrTiO3(001) dopé au niobium. Lorsque l’épaisseur de cette couche dépasse 10 nanomètres d’épaisseur, elle adopte à température ambiante une structure cristalline tétragonale, avec une organisation spontanée de la polarisation électrique quasi monodomaine et perpendiculaire au plan de surface. L’application d’une tension électrique modérée peut, au besoin, renverser cet état de polarisation. La croissance ultérieure d’une couche de cobalt d’épaisseur comprise entre 5 et 40 nanomètres conduit à une couche polycristalline continue, avec une interface abrupte entre les deux matériaux. Une aimantation rémanente notable peut être obtenue, perpendiculaire au plan d’interface.
En sondant la réponse de l’aimantation du cobalt en fonction de son orientation par rapport à la polarisation électrique du titanate de barium, des mesures de résonance ferromagnétique fournissent alors une preuve directe du couplage entre ces deux grandeurs. Ce couplage magnétoélectrique entre polarisation et aimantation permet d’envisager le contrôle d’un état magnétique par le biais d’un champ électrique, et donc une écriture électrique des bits d’information magnétiques dans les mémoires actuelles.
Référence :
Strong magnetoelectric coupling in multiferroic Co/BaTiO3 thin films
N. Jedrecy1, H. J. von Bardeleben1, V. Badjeck1, D. Demaille1, D. Stanescu2, H. Magnan2, A. Barbier2, Physical Review B 88 (2013) 121409(R)
1 Institut des NanoSciences de Paris (INSP)
2 Service de Physique et Chimie des Surfaces et Interfaces (SPCSI) – CEA Iramis
Etude réalisée dans le cadre du projet MAEBA, financé par C'Nano Ile-de-France.
Communiqué sur le site du CNRS.
Contact CEA : Antoine Barbier (IRAMIS/SPCSI)
Contact UPMC : Nathalie Jedrecy, professeur (UPMC) à l’Institut des nanosciences de Paris (INSP).