Les photons intriqués jouent un rôle fondamental pour la compréhension et la vérification expérimentale des aspects les plus spectaculaires de la physique quantique, notamment dans les expériences de violation des inégalités de Bell. En outre, ils constituent des ressources potentielles pour des protocoles de télécommunication et de transmission de l’informatique quantique. Nous avons récemment montré qu’une jonction Josephson polarisée en tension offre une source particulièrement simple et brillante de paires de photons intriqués.
Une jonction Josephson (jonction tunnel entre deux supraconducteurs) est un dispositif non dissipatif, tant que le passage de quasi-particules normales est impossible et que seules des paires de Cooper peuvent la traverser. Par conséquent, une jonction Josephson polarisée par une tension continue ne sera traversée par un courant continu que si la puissance fournie par le circuit de polarisation peut être absorbée par des excitations extérieures, par exemple des modes électromagnétiques. On obtient alors un courant inélastique de paires de Cooper, associé à l’émission de photons dans l’environnement. Notre expérience, schématisée par la figure 1, fonctionne sur ce principe : une jonction Josephson couplée à deux résonateurs micro-onde de fréquences νCe résultat nous a permis de déduire que les fluctuations thermiques résiduelles de la tension de polarisation limitent l’intrication. Nous avons ensuite identifié et mesuré un témoin d’intrication, qui établit que les photons émis par les résonateurs sont intriqués si leur temps de sortie est plus rapide que le temps de décohérence associé aux fluctuations thermiques de la tension de polarisation. Comme souvent, on prouve l’intrication en comparant une fonction de corrélation du système à sa valeur limite pour des états non intriqués. Comme le montre la courbe 2, l’expérience confirme que le corrélateur montrant l’intrication (en bleu) passe au-dessus de la limite classique (en rouge), démontrant l’intrication des champs émis.
L’intérêt de notre méthode, outre sa simplicité, est qu’elle est directement transposable à d’autres domaines de fréquence allant jusqu’au THz. Par la suite, nous envisageons d’augmenter le temps de cohérence des deux signaux en utilisant une source de tension Josephson étalon, bien plus stable. Nos collègues du Collège de France travaillent à l’heure actuelle à cette stratégie, que nous envisageons d’implémenter à Saclay prochainement.
Références
[1] M. Hofheinz, F. Portier, Q. Baudouin, P. Joyez, D. Vion, P. Bertet, P. Roche, et D. Esteve, Bright Side of the Coulomb Blockade, Physical Review Letters 106, 217005 (2011)
[2] M. Westig, B. Kubala, O. Parlavecchio, Y. Mukharsky, C. Altimiras, P. Joyez, D. Vion, P. Roche, D. Esteve, M. Hofheinz, M. Trif, P. Simon, J. Ankerhold, et F. Portier, Emission of Nonclassical Radiation by Inelastic Cooper Pair Tunneling, Physical Review Letters 119, 137001 (2017)
Collaboration
- A. Peugeot, M. Westig, O. Parlavecchio, Y. Mukharsky, C. Altimiras, P. Joyez, D. Vion, P. Roche, D. Esteve, M. Hofheinz, et F. Portier, Service de Physique de l'Etat Condensé (DRF/IRAMIS/SPEC, UMR 3680 CEA-CNRS), CEA Saclay
- B. Kubala et J. Ankerhold, Institute for Complex Quantum Systems and IQST, Université de Ulm
- M. Trif et P. Simon, Laboratoire de Physique des Solides, Université Paris-Sud
Contact CEA : Fabien Portier, Groupe Nanoélectronique, DRF/IRAMIS/SPEC