Dissipation, cascade et singularités en turbulence

Le 17 janvier 2022
Types d’événements
Thèses ou HDR
Hugues Faller
En visio
Le 17/01/2022
de 14h00 à 14h00

Manuscrit de la thèse

La soutenance se tiendra en visioconférence (lien zoom).


Résumé :

Les écoulements turbulents sont régis par les équations de Navier-Stokes qui décrivent le mouvement des fluides des échelles macroscopiques aux échelles microscopiques, où des phénomènes de dissipation transforment l’énergie cinétique en énergie thermique. Deux particularités rendent difficile, voire impossible l’utilisation directe de ces équations pour simuler numériquement le comportement des fluides turbulents qui nous entourent :

  1. les écoulements s’étendent sur des gammes d’échelles gigantesques, impliquant un nombre de degrés de liberté trop grand pour être géré par nos super-calculateurs actuels ;
  2. ils conduisent au développement de structures localisées caractérisées par de très forts gradients, qu’on ne sait pas bien gérer numériquement, et qui pourraient être la signature de singularités ou de quasi singularités se développant dans la limite des grands nombres de Reynolds.

Dans cette thèse, nous proposons d’utiliser ce second phénomène pour contrer les problèmes liés au premier, i.e. d’améliorer la modélisation des écoulements turbulents en tenant compte de leur irrégularité. Ainsi, nous proposons des modèles de correction des équations de Navier-Stokes aux échelles macroscopiques ou mésoscopiques. Ces modèles sont guidés par les observations et confrontés à des données expérimentales ou des simulations numériques. Nous présentons tout d’abord les équations de Navier-Stokes et le fonctionnement des simulations numériques pour les écoulements turbulents réels, de l’algorithme à la conduite de calcul haute performance. Ensuite, nous nous intéressons à deux quantités macroscopiques des écoulements turbulents : la topologie des grandes recirculations et le flux d’énergie. Pour ces quantités, nous proposons deux modélisations: une première pour le comportement loin des parois des fluides, à l’aide d’une méthode de simulation des grandes structures, et une seconde de prise en compte des parois et d’étude de l’impact de la rugosité sur l’entraînement du fluide.

Après cette étude macroscopique, nous regardons d’un point de vue statistique les propriétés macroscopiques, mésoscopiques et microscopiques de la turbulence à l’aide des fonctions de structure et des flux locaux d’énergie inter-échelle. Notre analyse statistique met en lumière la faible régularité des écoulements observés qui ne semblent pas respecter la modélisation classique de Kolmogorov qui prévoit une échelle de régularisation fixe. Pour prendre en compte ce phénomène, nous proposons donc une nouvelle normalisation universelle des écoulements en utilisant les propriétés du modèle multifractal. Cette normalisation est interprétée dans un cadre thermodynamique, et liée à l’extensivité d’une énergie libre. Nous nous intéressons ensuite à la compréhension de la dissipation locale et de la variabilité observée de l’échelle de dissipation. Nous observons que cette dernière est corrélée avec l’existence de valeurs extrêmes de transfert d’énergie aux plus petites échelles, phénomène que nous interprétons comme une signature de l’existence de singularités ou quasi-singularités.

Forts de cette vision, nous proposons un modèle de description des fluides incluant des singularités baptisées pinçons qui interagissent entre elles et avec l’écoulement régulier qui les entoure. Toutes ces modélisations, des plus grandes échelles de l’écoulement jusqu’aux singularités reflètent l’impact des singularités (défauts ponctuels) à différentes échelles. Si l’existence des pinçons n’est pas attestée, leur prise en compte permet d’expliquer ou de modéliser plusieurs phénomènes: la détermination de la topologie des grandes recirculations de l’écoulement, l’apparition de puits d’énergie indépendants de la viscosité et maintenus par le caractère hors équilibre et l’universalité des statistiques filtrées locales.

Mots-clés : Turbulence, Physique hors équilibre, Dissipation, Singularité.


Dissipation, cascade and singularities in turbulence

Abstract:

Turbulent flows are governed by the Navier-Stokes equations which describe the motion of fluids from macroscopic to microscopic scales, where dissipation phenomena transform kinetic energy into heat. Two characteristics make it difficult, if not impossible, to use these equations directly to numerically simulate the behaviour of the fluids that surround us:

  1. the flows extend over gigantic ranges of scales, implying a number of degrees of freedom too great to be managed by our current super-computers;
  2. they lead to the development of localised structures characterised by very strong gradients, which we do not know how to manage numerically, and which could be the signature of singularities or quasi-singularities developing in the limit of large Reynolds numbers.

In this thesis, we propose to use this second phenomenon to counter the problems related to the first one, i.e. to improve the modelling of turbulent flows by taking into account their irregularity. Thus, we propose models for the correction of the Navier-Stokes equations at macroscopic or mesoscopic scales. These models are guided by observations and confronted with experimental data or numerical simulations. We first present the Navier-Stokes equations and the functioning of numerical simulations for real turbulent flows, from the algorithm to the high-performance computing. Then, we focus on two macroscopic quantities of turbulent flows: the topology of large recirculations and the energy flow. For these quantities, we propose two models: the first one for the behaviour far from the fluid walls, using a large eddy simulation method, and the second one taking into account the walls and studying the impact of the roughness on the fluid entrainment.

After this macroscopic study, we take a statistical look at the macroscopic, mesoscopic and microscopic properties of the turbulence using structure functions and local inter-scale energy flows. Our statistical analysis highlights the low regularity of the observed flows which do not seem to respect the classical Kolmogorov modelling which predicts a fixed regularisation scale. To take this phenomenon into account, we propose a new universal normalisation of the flows using the properties of the multifractal model. This normalisation is interpreted in a thermodynamic framework, and linked to the extensivity of a free energy. We then turn to the understanding of local dissipation and the observed variability of the dissipation scale. We observe that the latter is correlated with the existence of extreme values of energy transfer at the smallest scales, which we interpret as a signature of the existence of singularities or quasi-singularities.

Based on this vision, we propose a model to describe fluids including singularities called pinçons that interact with each other and with the regular flow that surrounds them. All these models, from the largest scales of the flow to the point singularities, are ultimately a reflection of the impact of the singularities (point defects) at different scales. If the pinçons do not necessarily exist, taking them into account would make it possible to explain or model several phenomena: the determination of the topologies of the large recirculations of the flow, the appearance of energy wells independent of the viscosity and maintained by the non-equilibrium character and the universality of the local filtered statistics.

Keywords: Turbulence, Out-of-equilibrium physics, Dissipation, Singularities.

SPEC/SPHYNX