Corrélations électroniques et topologie dans les monocristaux et films minces d’iridate 

Le 15 septembre 2022
Types d’événements
Thèses ou HDR
Paul Foulquier
SPEC Amphi Bloch, Bât.774,
Le 15/09/2022
de 14h00 à 17h00

Manuscrit de la thèse


Résumé :

Certaines phases d’iridate ont récemment attiré l’attention en raison de leur fort couplage spin-orbite associé à des fortes corrélations électroniques pouvant conduire à des propriétés physiques originales. Ainsi, la famille des pérovskites de type « Ruddlesden-Popper » présente trois composés aux propriétés intéressantes, avec des corrélations électroniques plus ou moins fortes selon la dimensionnalité du matériau. La phase Sr2IrO4 qui a les plus fortes corrélations, est un isolant de Mott, antiferromagnétique à basse température. Cet oxyde est devenu l’archétype de « l’isolant de Mott-spin-orbite ». La phase Sr3Ir2O7 est également isolante et antiferromagnétique, mais avec des corrélations plus faibles qui rapprochent cet oxyde de la transition isolant-métal. Enfin SrIrO3, le composé tridimensionnel est semi-métallique et présente en théorie une ligne de nœuds de Dirac, protégée par sa symétrie.

Nous nous sommes intéressés au cours de cette thèse à ces trois composés dont nous avons réalisé la synthèse sous forme de monocristaux, purs et substitués, ainsi que sous forme de couches minces cristallines à l’aide de la technique de l’ablation laser pulsé. L’ensemble de ces échantillons a été caractérisé structuralement, chimiquement et physiquement, notamment par des mesures de spectroscopie de photoémission résolue en angle (ARPES).

Dans le cas des couches minces de SrIrO3, nous avons étudié l’effet de la contrainte épitaxiale et de la direction de croissance induites par le substrat (SrTiO3(001), DyScO3(110) et DyScO3(001)) sur la structure électronique et en particulier l’impact des brisures de symétrie sur la morphologie des points de Dirac. La structure cristallographique a été sondée en détail par diffraction de surface. La structure électronique complète (tridimensionnelle) a ensuite été étudiée par ARPES sur rayonnement synchrotron. Nous avons mis en évidence l’effet des différentes structures cristallographiques des films de SrIrO3, sur le nombre de porteurs et l’apparition de nouvelles bandes pour certains points de haute symétrie. Les structures de bandes observées dévient assez fortement des calculs de bandes réalisés, ce qui rend l’interprétation encore difficile, notamment pour les points de Dirac.

Les monocristaux de Sr2IrO4 et Sr3Ir2O7 substitués en ruthénium nous ont permis dans un second temps d’étudier le passage d’un état isolant-antiferromagnétique à un état métallique où le magnétisme disparait. Bien que le ruthénium ait un électron de moins que l’iridium, celui-ci ne provoque pas un simple dopage en trous, mais plutôt une séparation de phase électronique avec une hybridation très progressive des bandes issues des iridiums et des ruthéniums, comme en témoignent les mesures ARPES.

Nous nous sommes enfin particulièrement intéressés à l’évolution de la structure électronique de Sr2IrO4 et Sr3Ir2O7 au travers de la transition de Néel (TN), qui peut être modifiée par des substitutions en ruthénium ou en lanthane. Dans une limite de corrélations fortes (de type Mott), l’état isolant ne semble pas dépendre de l’ordre magnétique, tandis que dans une limite de corrélations plus faibles (de type Slater), l’état isolant semble apparaitre au-dessous de TN. Dans Sr2IrO4 nous n’observons aucune évolution majeure de la structure électronique à TN, alors que dans Sr3Ir2O7, nous observons clairement une déformation des spectres d’ARPES ainsi qu’un déplacement des bandes vers le niveau de Fermi au travers de la transition magnétique. Nous associons cette différence de comportement à un caractère plutôt isolant de Mott pour Sr2IrO4 et isolant de Mott-Slater pour Sr3Ir2O7. Ces différents résultats expérimentaux sont confrontés à certains modèles théoriques, notamment dans le cadre de la théorie du champ moyen dynamique (DMFT).

Mots-clés : Couplage spin-orbite, Corrélations électroniques, Topologie, Monocristaux, Films minces, Iridate.


Topology and electronic correlations in iridate single crystals and thin films

Abstract:

Some iridate phases have been highly investigated because of their strong spin-orbit coupling combined with strong electronic correlations leading to unconventional physical properties. Then, the “Ruddlesden-Popper” perovskite family presents three compounds with interesting properties like tuneable electronic correlations as a function of dimensionality. Sr₂IrO₄, the most strongly correlated compound, is a Mott insulator and antiferromagnetic at low temperature. This oxide became the archetype of the “Mott-spin-orbit insulator”. Sr₃Ir₂O₇ is also an antiferromagnetic insulator but has weaker electronic correlations. Consequently, this oxide is closer to a metal-insulator transition. Finally, SrIrO₃ which has a tree-dimensional crystallographic structure, is a semi-metal and presents a nodal line protected by symmetry following band calculations.

Throughout this thesis we focused on the analysis of these three compounds. We realized the pure and substituted single crystal synthesis and the deposition of thin films by pulsed laser deposition. All the samples have been structurally, chemically and physically characterized, in particular by Angle Resolved Photoemission Spectroscopy (ARPES).

Concerning SrIrO₃ thin films, we studied the influence of epitaxial strain and growth direction induced by the substrate (SrTiO₃(001), DyScO₃(110) and DyScO₃(001)) on the electronic structure and in particular the impact of symmetry breakings on Dirac points morphology. The electronic structure was investigated by ARPES using synchrotron radiation. We demonstrated the effect of crystallographic structure variations of SrIrO₃ thin films on the number of charge carriers and the emergence of new bands at some high symmetry points. The observed band structures strongly deviate from band calculations making the interpretation difficult, especially concerning the Dirac points.

In a second study, we used ruthenium substituted Sr₂IrO₄ and Sr₃Ir₂O₇ single crystals to investigate the transition from an antiferromagnetic insulator to a non-magnetic metal. Even though ruthenium has one less electron than iridium it does not induce hole doping but rather an electronic phase separation with a progressive hybridization of the ruthenium and iridium bands as seen on ARPES measurements.

Finally, we deeply investigated the evolution of the electronic structure of Sr₂IrO₄ and Sr₃Ir₂O₇ through the Néel transition (TN) which was tuned by ruthenium and lanthanum substitutions. In the strong coupling limit (Mott type), the insulating state does not seem to depend on the magnetic order, while in the weak coupling limit (Slater type) the insulating state seems to appear below TN. In Sr₂IrO₄, we do not observe any major evolution of the electronic structure at TN, while in Sr₃Ir₂O₇ we clearly observe a deformation of the ARPES spectra and a movement of the bands towards the Fermi level through the magnetic transition. We associate this difference of behaviour to a rather Mott insulating character for Sr₂IrO₄ and a Mott-Slater insulating character for Sr₃Ir₂O₇. These experimental results were confronted to various theoretical models, in particular in the framework of Dynamical Mean Field Theory (DMFT).

Keywords: Spin-orbit coupling, Electronic correlations, Topology, Single crystals, Thin films, Iridate.

SPEC/LNO