Les sens de l’audition et de l’équilibre des vertébrés reposent sur quelques dizaines de milliers de cellules mécano-sensorielles – les cellules ciliées situées au coeur de l’oreille interne. En amplifiant le stimulus mécanique auquel elles sont soumises, l’oreille acquiert une sensibilité et une sélectivité fréquentielle stupéfiantes, lui permettant de ressentir des vibrations dont l’amplitude n’est que d’une fraction de nanomètre et de distinguer des sons dont les fréquences ne diffèrent que d’une fraction de 1%. Nos résultats suggèrent qu’un mécanisme d’amplification pourrait résulter d’un mouvement actif de la touffe de stéréocils, l’organelle mécanosensible de la cellule ciliée. Les cellules ciliées du saccule de la grenouille taureau (Rana catesbeiana) présentent des oscillations spontanées de leurs touffes ciliaires. En manipulant une touffe ciliaire oscillante à l’aide d’une micro-fibre de verre flexible, nous avons montré que la cellule ciliée peut mettre à profit les mouvements actifs de sa touffe ciliaire pour amplifier de minuscules stimuli sinusoïdaux, avec des forces appliquées de l’ordre du piconewton et des déplacements imposés à la fibre de l’ordre du nanomètre. De plus, la réponse d’une cellule ciliée à des stimuli d’intensité croissante est non linéaire : la cellule est plus sensible aux faibles stimuli qu’aux stimuli plus intenses. Nos mesures mécaniques à l’échelle de la cellule unique nous ont permis de mettre en évidence un mécanisme d’amplification faisant intervenir les canaux ioniques mécanosensibles qui sont responsables de la transduction mécano-électrique et un moteur moléculaire de type myosine, par ailleurs impliqué dans l’adaptation mécanique de ce système sensoriel aux stimuli statiques. En modélisant la touffe ciliaire comme un système dynamique opérant au voisinage d’une instabilité oscillatoire une bifurcation de Hopf – nous avons pu interpréter les propriétés de l’amplificateur ciliaire et en particulier décrire l’effet des fluctuations qui deviennent importantes aux stimuli les plus faibles. Cette étude suggère que la touffe ciliaire opère au voisinage d’un optimum de mécano-sensibilité.
Laboratoire Physico-Chimie Curie (UMR 168) Institut Curie/CNRS, 26 rue d’Ulm, F-75248 Paris cedex 05