Les données historiques disponibles sur la consommation d’énergie et l’activité économique à l’échelle planétaire sont désormais de plus en plus détaillées. Elles permettent une étude quantitative de l’accroissement de l’efficacité économique de l’énergie, ratio du PIB global sur la consommation totale d’énergie finale par les entités économiques, machines, animaux ou humains, y compris leur nourriture. Sur les deux derniers siècles, cette approche met en évidence une croissance exponentielle de ce ratio en fonction de la consommation cumulée d’énergie, traduisant une proportionnalité simple entre l’activité économique et la capacité à améliorer ce ratio, et donc à innover.
Cette loi permet de se projeter dans le passé et dans le futur, en s’appuyant sur les estimations existantes de PIB ou d’énergie. Elle constitue un nouvel outil pour analyser les tendances de l’économie mondiale dans la présente transition énergétique, et pour calibrer les très nombreux scénarios du futur vis-à-vis de la capacité historiquement démontrée d’améliorer l’efficacité énergétique.
La lutte contre le changement climatique, atténuation et adaptation, est en grand partie un défi socio-économique et géopolitique à l’échelle du globe. Une approche systémique, inspirée par la physique statistique, pourrait apporter des indices utiles au pilotage des projets de transition énergie-climat. L’objectif est de comprendre quantitativement comment à l’échelle globale la consommation d’énergie, l’innovation et l’activité économique se nourrissent les unes des autres. Il s’agit tout particulièrement de combler un vide : dans la plupart des scénarios de transition énergétique, tels que recensés par le GIEC, les hypothèses d’activité économique d’une part et celles sur l’énergie d’autre part sont totalement décorrélées. En particulier, la possibilité d’un effet rebond décrivant un lien entre progrès de l’efficacité et accroissement de la consommation est marginale voire nulle dans les modèles économiques sous-jacent.
Au SPEC/SPHYNX, des chercheurs se sont intéressés depuis une dizaine d’années à cette approche globale de l’économie planétaire. Une première publication [1] a permis de travailler les données empiriques et les différentes approches théoriques. Il est apparu crucial de considérer aussi bien les sources d’énergie technique (combustibles fossiles, etc.) et toutes les énergies traditionnelles (fourrage pour les animaux de trait, nourriture des humains, bois de chauffage). Cette étape a été suivie d’un travail approfondi sur les données, visant à les normaliser de manière cohérente, ainsi que d’un effort sur le modèle économique sous-jacent, afin de simplifier les équations. Le résultat principal [2] met en évidence sur la période 1820-2020 une loi exponentielle liant consommation d’énergie finale (CEF) et efficacité énergétique (A) :

dont le paramètre χ est obtenu sur le graphe semi logarithmique ci-dessous :

Figure 1 : représentation semi logarithmique des données historiques globales d’efficacité énergétique A en fonction de la consommation d’énergie finale cumulée ( –––– ) et de son approximation par l’équation 1 ( – – – ).
L’équation 1 permet également d’analyser les récents scénarios de l’Agence Internationale de l’Énergie. Alors que les politiques en place conduisent à continuer la tendance des années 2010 (scénario STEPS « Stated Energy Policy Scenario »), le scénario APS (Announced Pledges Scenario) permet de revenir vers la loi exponentielle de la Figure 1, tandis que le scénario NZE (« Net Zero Emission », compatible d’un objectif d’1.5°C) suppose des progrès d’efficacité énergétique d’une ampleur encore inédite.
Référence :
[1] An energy-based macroeconomic model validated by global historical series since 1820. Bercegol, H., & Benisty, H. (2022). Ecological Economics, 192, 107253.
[2] Bercegol, H. (2025). An equation for global energy efficiency gains in the long-run. Ecological Economics, 236, 108666.
Contact :
Hervé Bercegol IRAMIS/SPEC/SPHYNX.