Dans un atome, les niveaux d’énergie électroniques présentent une structure fine : certains niveaux se dédoublent du fait de l’interaction spin-orbite, qui couple le spin de l’électron à son mouvement orbital autour du noyau. Des chercheurs du Groupe Quantronique viennent de révéler une structure analogue dans le spectre d’excitation d’un circuit électrique supraconducteur comprenant un nanofil semiconducteur, au sein duquel le couplage spin-orbite est très fort. D’une façon remarquable, le spin d’un seul électron dans le nanofil a un effet mesurable sur les propriétés électriques globales du circuit, qui comprend plus d’un trillion d’électrons.
Le circuit (voir Figure 1) est constitué d’un nanofil de diamètre submicrométrique en InAs,non supraconducteur, fermant une boucle supraconductrice en Al. Du fait du couplage avec le supraconducteur, des états électroniques discrets localisés, appelés états liés d’Andreev, se forment au sein du nanofil . Chacun de ces états ne peut accueillir qu’un électron. Lorsque cet « atome artificiel » absorbe un photon micro-onde, deux types de transitions sont possibles (voir Figure 2) :
- si le système est initialement dans son état fondamental, où tous les électrons sont appariés, deux électrons sont excités vers deux états d’Andreev.
- si au contraire, un électron occupe déjà un état d’Andreev, il est promu vers un autre état de plus haute énergie.
Bien qu’il ne s’agisse que d’excitations microscopiques à une ou deux particules, il en résulte un changement d’inductance de la boucle, qui est un paramètre électrique du système macroscopique. L'exitation peut notamment être mesurée par le déplacement de la fréquence de résonance d’un résonateur micro-ondes couplé à la boucle.
Le spectre d’excitation mesuré (voir Figure 2) montre des faisceaux de quatre lignes reflétant le dédoublement des paires de niveaux d’Andreev. Un modèle simple, dont l’ingrédient principal est le couplage spin-orbite dans le nanofil, rend compte quantitativement des résultats.
A plus long terme, le défi sera la manipulation cohérente du spin d’une particule unique piégée dans l’un de ces états d’Andreev, mais néanmoins immergée dans le fluide électronique qui forme l’état fondamental du supraconducteur.
Référence :
Spin-Orbit splitting of Andreev states revealed by microwave spectroscopy
L. Tosi, C. Metzger, M. F. Goffman, C. Urbina, H. Pothier, Sunghun Park, A. Levy Yeyati, J. Nygård, P. Krogstrup
Phys. Rev. X 9 011010 (2019) ̶ Voir aussi le synopsis sur le site de l’APS.
Contact CEA-IRAMIS :
Marcelo Goffman et Hugues Pothier (SPEC, Groupe Quantronique)
Collaboration :
• L. Tosi, C. Metzger, M. F. Goffman, C. Urbina, H. Pothier (CEA/IRAMIS/SPEC, Groupe Quantronique)
• Sunghun Park, A. Levy Yeyati (IFIMAC, Condensed Matter Physics Center et Institut Nicolás Cabrera, Universidad Autónoma de Madrid)
• J. Nygård, P. Krogstrup (Institut Niels Bohr, Université de Copenhague)
Pour en savoir plus :
• Page web du Projet MASSS (projet Marie Skłodowska-Curie porté par Leandro Tosi)
• Fait marquant d’avril 2015 sur la « Manipulation cohérente d’états d’Andreev dans un contact atomique supraconducteur »