Comprendre la génération d’un champ magnétique au cœur des étoiles et des planètes

Comprendre la génération d’un champ magnétique au cœur des étoiles et des planètes

Les mouvements de convexion des plasmas ou liquides conducteurs au cœur des étoiles et de certaines planètes sont à l'origine de l'émergence spontanée d'un champ magnétique par effet dynamo. Les chercheurs cherchent à comprendre cet effet par des simulations numériques et au laboratoire par des expériences modèles où des récipients contenant du sodium liquide, bon conducteur électrique, sont soumis à une agitation intense, via des turbines en rotation rapide.

Une équipe internationale incluant des chercheurs du Département d'Astrophysique (CEA-Irfu) et du Service de physique de l'état condensé (CEA-Iramis) a réalisée une simulation inédite, pour reproduire les résultats de l'expérience de dynamo Von-Kármán-Sodium (VKS) (CEA-CNRS-ENS) [1]. L'objectif est d'examiner de façon détaillée comment les tourbillons turbulents créés par le dispositif peuvent générer un champ magnétique. Les chercheurs ont étudié les effets de la résistivité électrique et de la turbulence des fluides sur la génération et la collimation du champ magnétique engendré. L'étude publiée dans le journal Physics of Plasma, est la première à examiner cet effet à haute résolution. Ces simulations doivent permettre d'améliorer le dispositif expérimental et la compréhension de ce processus fondamental, abondamment observé dans les étoiles et les planètes.

Créer un champ magnétique dans du sodium liquide

L'effet dynamo dans un plasma ou un fluide électriquement conducteur transforme l'énergie cinétique fourni par sa mise en rotation, en énergie magnétique avec l'émergence d'un champ magnétique intense. Dans l'expérience de dynamo VKS, cet effet est obtenu par la turbulence induite par la rotation rapide de deux pales de turbines de chaque côté d'un cylindre rempli de sodium liquide. Les mécanismes à l'origine de l'émergence de ce champ magnétique ne sont cependant pas encore tous bien compris. Plusieurs équipes ont déjà effectué des simulations numériques globales de l'effet dynamo avec du sodium, mais leurs modèles ne peuvent fournir que des résultats à faible résolution spatiale au niveau des pales des turbines. La nouveauté de l’étude actuelle est de se concentrer sur cette région au voisinage des turbines, pour conduire une étude montrant l’influence de la composition des turbines sur les cycles de conversion d’énergie cinétique en énergie magnétique.

« Nous espérons à l'avenir, pouvoir beaucoup mieux décrire les flux de matière« , déclare Jacobo Varela, auteur principal de l'étude réalisée au Département d'Astrophysique du CEA-Irfu, et aujourd'hui chercheur postdoctoral au Oak Ridge National Laboratory. « En utilisant cette approche, nous pouvons commencer à comprendre la dynamo observée dans les étoiles« .

L'étude actuelle montre que la rotation rapide des turbines engendre unflot de sodium en forme de vortex, localisé entre les deux pales de la dynamo VKS. « Le mouvement hélicoïdal du fluide entre les pales de la turbine crée une collimation du flux qui renforce localement le champ magnétique, à l'origine du champ global observé dans l'appareil« , déclare Jacobo Varela. Dans leur simulations, les chercheurs ont alors simplifié la géométrie de l'appareil et ont construit des simulations magnétohydrodynamiques ciblées pour mieux comprendre comment la turbulence et les caractéristiques des matériaux dans le dispositif affectent la collimation du champ magnétique.

« Nous avons constaté que lorsque nous utilisons des matériaux ferromagnétiques magnétisés, il y a une augmentation efficace de la collimation du champ magnétique, permettant ainsi la décroissance du seuil critique d’apparition de l’effet dynamo. C'est ce qui est observé dans l'expérience« , déclare Jacobo Varela. En revanche, l'utilisation de matériaux conducteurs dans la simulation numérique affaibli la collimation du champ. Cette découverte permet expliquer pourquoi les chercheurs peuvent déclencher plus facilement l'effet dynamo dans les expériences VKS lors de l'utilisation de turbines en fer doux.

Schéma représentant l’expérience dynamo Von-Kármán-Sodium. Le rectangle rouge indique la partie simulée du flux de liquide entre les deux lames. Crédit: Varela/Brun/Dubrulle/Nore.

Un moyen d'étudier la génération du champ magnétique dans les étoiles.

Les chercheurs ont également utilisé une approche en champ moyen de l'effet dynamo, utilisée couramment pour expliquer comment les étoiles et les planètes génèrent leurs champs magnétiques à grande échelle. Ils ont pu ainsi comprendre la boucle de dynamo dominante générée à l'intérieur de l'expérience modèle VKS. Dans la simulation, au fur et à mesure que la turbulence augmente, le champ magnétique passe d'un état stable à un état présentant des oscillations périodiques, comme celles observées dans certaines étoiles (cet effet a aussi été observé dans l'expérience VKS). Le champ magnétique du Soleil, par exemple, change de polarité environ tous les 11 ans, période résultant de la turbulence interne et de la vitesse de rotation de l'étoile sur elle-même.

Jacobo Varela et ses collègues de l'Université de Paris poursuivent le développement de ce modèle numérique pour mieux refléter la géométrie réelle de l'expérience. Il est ainsi prévu d'ajouter plusieurs paramètres supplémentaires, tels que la forme des lames et le champ magnétique de fond, afin de pouvoir simuler de manière plus précise ses performances et tester les moyens d'optimiser le dispositif expérimental.

« La simulation que nous avons effectuée n'est qu'une toute première étape, mais avec le modèle que nous avons en main, nous pouvons déjà reproduire une grande partie des effets physiques observés dans l'expérience de dynamo VKS », conclut Jacobo Varela. « Par la suite, les synergies entre nos simulations et les données fournies par l'expérience devraient apporter une meilleures compréhension de la génération de champ magnétique par effet dynamo dans les étoiles et les autres objets astronomiques ».

Vue 3-D des lignes de vortex et de champ magnétique dans la simulation pour des conditions aux limites ferromagnétique (à gauche A) et conductrice (à droite B). En rouge est superposée une iso-surface du champ magnétique à 0.002 Tesla vs 0.0008 Tesla, montrant la bien plus forte amplitude du champ induit dans le cas ferromagnétique via une collimation renforcée du vortex. Crédit : Varela/Brun/Dubrulle/Nore.

Contacts CEA : Bérangère Dubrulle (IRAMIS/SPEC) et Allan-Sacha BRUN (CEA-IRFU).


Publication :

Effects of turbulence, resistivity and boundary conditions on helicoidal flow collimation: consequences for the von-Kármán-Sodium dynamo experiment,
J. Varela (1), S. Brun (2), B. Dubrulle (3) and C. Nore (4), Physics of Plasma 24 (2017) 053518.

Collaboration :

Varela_et al 2017_PoP.pdf

Voir aussi :

[1] L’expérience « Von Karman – Sodium » (VKS) a débuté il y a 10 ans au centre CEA de Cadarache, dans les installations de la Direction de l’Énergie Nucléaire au Département des Technologies Nucléaires, expert en fluide métallique (sodium). C’est le fruit d’une collaboration de l’Institut IRAMIS du CEA Saclay avec le CNRS et les Ecoles Normales Supérieures de Lyon et de Paris.