Le facteur de mérite TS2s/k qui caractérise le rendement d’un dispositif thermoélectrique est proportionnel au coefficient de Seebeck S et au rapport des conductivités électrique s et thermique k. Un effort considérable a été accompli récemment pour diminuer k, sans affecter s, en fabricant des dispositifs nanométriques dont les dimensions sont inférieures au libre parcours moyen des phonons, mais supérieures à celui des électrons. Il existe aussi une classe de matériaux thermoélectriques (skuterrudites) où le libre parcours moyen des phonons se trouve naturellement réduit par l’existence de « cages » dans lesquelles certains atomes ont un large espace pour se mouvoir librement. On parle en anglais de « rattling », que nous prendrons la liberté de traduire par « effet hochet ».
Figure 1: Ordre des atomes de sodium dans le composé thermoélectrique Na4/5CoO2. Les atomes de sodium (en vert) occupent les sites de plus basse énergie et forment des cages enfermant trois lacunes et trois atomes de sodium (en rouge) occupant d'autres sites d’énergie légèrement plus élevée. Cette structure est celle correspondant à la minimisation de l'énergie électrostatique. Les atomes en rouge se déplacent librement, à la manière de boules dans un hochet. Il contribuent à des modes de phonon de type Einstein, de basse énergie, qui en diminuant d'un facteur 6 la conductibilité thermique. augmentent le rendement pour une conversion de chaleur en énergie électrique
La maille élémentaire de ces matériaux comporte un très grand nombre d’atomes, ce qui rend difficile tout calcul ab-initio et la confrontation théorie/expérience. Ce « rattling » est aussi attendu dans un excellent matériau thermoélectrique: Na4/5CoO2 dont la structure, comporte des plans d’atomes de sodium, avec un ordre particulier, lié à deux positions non équivalentes Na1 et Na2 par rapport aux couches de CoO2 sous-jacentes [1]. Les atomes de sodium de type Na2 (en vert sur la figure) forment des cages contenant trois lacunes et trois atomes de type Na1 (en rouge) qui peuvent se déplacer plus librement. Ce motif est suffisamment simple pour envisager un calcul ab-initio de modes de phonons (figure 2), en utilisant la théorie de la fonctionnelle de densité (DFT), et de confronter les résultats à des mesures de diffusion inélastique de neutrons et de rayonnement synchrotron. Un mode de phonon à base énergie correspondant aux atomes de type Na1 a été observé [2]. C’est un mode de « type Einstein » correspondant à d’amples mouvements des ions Na1 avec une importante anharmonicité. La présence de ce mode diminue la conductivité thermique d’un facteur six par rapport à celle correspondant au composé stœchiométrique NaCoO2 qui ne comporte pas de cages. Cette étude ouvre d’importantes perspectives pour la recherche de nouveaux matériaux thermoélectriques en vue d’applications liées à la conversion de chaleur perdue en électricité.
[1] M. Roger, D.J.P Morris, D.A Tennant, M.J. Gutmann, J.P. Goff, J.-U Hofmann, R. Feyerherm, E. Dudzik, D. Prabhakaran, A.T. Boothroyd, N. Shannon, B. Lake, P.P. Deen, Nature 445, 631 (2007).
[2] D.J. Voneshen, K. Refson, E. Borisenko, M. Krisch, A. Bosak, A. Piovano, E. Cemal, M. Enderle, M.J. Gutmann, M. Hoesch, M. Roger, L. Gannon, A.T. Boothroyd, S. Uthayakumar, D.G. Porter and J.P. Goff, Suppression of thermal conductivity by rattling modes in thermoelectric sodium cobaltate, Nature Materials 12, 1028 (2013).