Pour obtenir ce résultat, les chercheurs ont cassé des échantillons de plexiglas® en variant la force effectivement appliquée pour ouvrir la fissure. Comme on peut s'y attendre, on observe que l'échantillon se rompt d'autant plus vite que la force appliquée est élevée. On observe qu'au-delà d’une certaine vitesse de rupture, la propagation de la fissure s’accompagne de la naissance, sur de minuscules défauts toujours présents dans le matériau, d'une multitude de microfissures en avant du front de fissure principal. Ces microfissures se créent au rythme effréné de centaines de millions par seconde (soit un temps caractéristique de 10 nanosecondes), ce qui rend impossible leur suivi en temps réel au cours de l’expérience. Cependant chaque microfissure laisse son empreinte sur les surfaces de rupture (voir figure), que les chercheurs ont tout le temps d’analyser après l’expérience. A partir de la géométrie du réseau d’empreintes, il a été possible de déterminer le point origine de l'ensemble des microfissures, la chronologie de leurs naissances, et la vitesse à laquelle elles se sont développées. Les chercheurs sont ainsi parvenus, pour la première fois, à reconstruire en détail l’histoire de la série d’événements ayant amené à la rupture rapide observée.
Ce résultat remet en cause la vision classique de la rupture et une première surprise fut d’observer que toutes les microfissures se propagent à la même vitesse, d’environ 200 m/s, indépendamment du niveau de force appliqué pour ouvrir la fissure (pour une vitesse de Rayleigh de l'ordre de 900 m/s). Ce comportement observé à l'échelle microscopique est très différent de celui observé à grande échelle, avec une vitesse de fissuration macroscopique qui augmente avec la force, et qui peut atteindre des valeurs bien supérieures à 200m/s, pouvant atteindre 500 m/s. Ces résultats contredisent aussi l’opinion qui prévalait jusque-là dans la communauté scientifique, selon laquelle la génération de microfissures dissipe un surcroît d’énergie et ralentirait la fissuration. Bien au contraire, c'est par la coalescence des microfissures avec la fissure principale, que l'on multiplie la vitesse de fissuration microscopique !
Réseau d'empreintes laissées par la nucléation, croissance et coalescence des microfissures, lors de la fracure rapide d’un échantillon de Plexiglas®. A droite : reconstruction numérique du réseau observé.
Ces résultats permettent de révéler le rôle important que jouent les défauts microscopiques présent dans un matériau sur son comportement en rupture. La prise en compte de ces effets doit permettre de mieux apprécier, -et à terme d’améliorer-, la résistance à la rupture des matériaux. Au-delà de cet aspect fondamental, la méthodologie développée pour reconstituer en détail l’histoire des événements se produisant au cours de la rupture catastrophique d’un matériau pourraient trouver des applications importantes. L’analyse postmortem des empreintes laissées sur les surface de rupture permet de remonter aux évènements qui se sont produits lors de la rupture du matériau et ainsi d'obtenir, par exemple, des indications sur les causes de l’effondrement d’une structure, d'un éboulement de terrain ou d'un tremblement de terre,
Référence :
Understanding fast macroscale fracture from microcrack post mortem patterns,
C. Guerra, J. Scheibert, D. Bonamy, D. Dalmas, Proc. Natl. Acad. Sci. USA 109 (2012) 390.
Communiqué de presse CEA-CNRS. Page CNRS.
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Contacts :
Collaboration : Laboratoire de Tribologie et Dynamique des Systèmes (LTDS-UMR 5513 Lyon), Laboratoire « Surface du Verre et Interfaces » (SVI CNRS/St Gobain) et Service de Physique et Chimie des Surfaces et Interfaces du CEA (IRAMIS/SPCSI).
Contact CEA : Daniel Bonamy (IRAMIS/SPCSI),
Contacts auteurs : Julien Scheibert (LTDS – Lyon).