Magnétocardiographie par capteurs à GMR (magnétorésistance géante)

Magnétocardiographie par capteurs à GMR (magnétorésistance géante)

La mesure de l’activité électrique cardiaque permet de suivre le fonctionnement dynamique du cœur. Habituellement mesuré à l’aide d’électrodes, lors d’un examen d’électrocardiographie (ECG), cette activité peut également être étudiée grâce à la composante magnétique induite par la circulation des courants cardiaques. On parle alors de « magnétocardiographie » (MCG). L'ultra-sensibilité des nouveaux capteurs magnétiques réalisés à l'IRAMIS/SPEC vont contribuer à faire émerger cette technique, qui présente l’avantage d’être sans contact, ne nécessitant pas la pose d’électrodes, et de permettre par une cartographie du signal, une imagerie dynamique du cycle cardiaque.

Les signaux magnétiques générés par l’activité cardiaque sont de très faible amplitude (de l’ordre de la dizaine de picoteslas ~ 10-12 T) et seuls des magnétomètres extrêmement sensibles comme des SQUIDs [1] (Superconducting Interference Devices) permettaient jusqu’à ce jour de les mesurer précisément.

La sensibilité étant le paramètre essentiel pour mesurer des signaux aussi faibles, nous avons utilisé des capteurs développés au SPEC sur le principe de l’électronique de spin pour réaliser des mesures de magnéto-cardiographie. Le principe de ces capteurs est d’associer un capteur de champ à magnétorésistance géante et une boucle de capture de flux magnétique supraconductrice [1]. Grâce à ce dispositif, des sensibilités de l’ordre de quelques femtoteslas (~ 10-15T) peuvent être atteintes.


[1] Un SQUID (Superconducting Interference Device) est un circuit électrique constitué de deux branches formant un anneau supraconducteur, comprenant chacune une mince barrière isolante (jonction Josephson). La tension résultante aux bornes des branches est fonction du flux magnétique traversant l'anneau qui doit être quantifié.

Représentation schématique d’un capteur mixte : quatre éléments à magnétorésistance géante (GMR, en bleu foncé) sont disposés sur la constriction d’une boucle supraconductrice (en bleu clair). La variation de tension (et donc de résistance) des GMR dépend du champ magnétique appliquée à la boucle. La constriction fait environ 5 µm de large et la boucle a une dimension de côté d’environ 20 mm.

La mesure a été réalisée dans la chambre magnétique blindée de Neurospin (DSV), qui permet de s’affranchir en grande partie des perturbations magnétiques extérieures, sur volontaires adultes sains. Le signal a été enregistré sans contact selon une grille de position au-dessus du torse de sujet. A partir de ces mesures ponctuelles, il est possible de tracer les isocontours de champ magnétique, puis de localiser et dimensionner le dipôle de courant associé à différents instants de la révolution cardiaque.

En suivant le principe de mesure ainsi établi, il est possible de concevoir dès maintenant une MCG clinique. Celle-ci contiendrait un réseau de 25 à 36 capteurs magnétiques qui permettra de réaliser en un temps très court, typiquement une minute, une image dynamique de l’activité électrique durant le cycle cardiaque. De plus, la combinaison de l’information reçue par l’ensemble des capteurs devrait nous permettre d’éliminer le bruit magnétique ambiant même en environnement non blindé en utilisant des techniques d’analyse de signaux développés pour la magnétoencéphalographie (MEG).

Cartographie en magnétocardiographie
En haut, signal de magnéto-cardiographie enregistré par le capteur mixte. En dessous, cartographies des isocontours de champ magnétique mesurés sur plusieurs points (en bleu composante négative du champ, en rouge composante positive) à deux temps différents du cycle cardiaque (segment QR, à 300 ms, et onde T à 650 ms). A partir de ces cartes, on peut reconstruire le dipôle de courant (flèche verte), et accéder à sa position, son orientation et son amplitude.
L’expérience est réalisée dans la chambre magnétique blindée du centre MEG de Neurospin. Le système de mesure (capteur refroidi dans un cryostat en fibre de verre) est positionné au-dessus du torse du volontaire. Le signal mesuré est amplifié sur deux niveaux puis envoyés sur la chaine d’acquisition. La mesure est totalement passive pour le volontaire, et ne requiert aucun contact.

Références :

Magnetocardiography with sensors based on giant magnetoresistance,
M. Pannetier-Lecoeur, L. Parkkonen, N. Sergeeva-Chollet, H. Polovy, C. Fermonand C. Fowley,
Applied Physics Letters 98 (2011) 153705.

Applied Physics Letters
[1] Femtotesla magnetic field measurement with magnetoresistive sensors
M. Pannetier, C. Fermon, G. Le Goff, J. Simola, and E. Kerr,
Science 304 (2004) 1648.

Science Mag

Voir aussi : la magnétoencépholographie.

Contact CEA : Myriam Pannetier-Lecoeur.