O.Bezencenet, A.Barbier, D.Bonamy, R.Belkhou (SOLEIL), P.Ohresser (SOLEIL)
Avec l’avènement de l’électronique de spin (spintronique), il est devenu particulièrement important de visualiser et de comprendre la manière dont se forment les domaines magnétiques dans les structures magnétiques. Ceci est plus particulièrement délicat pour les couches antiferromagnétiques, qui ne présentent aucune aimantation macroscopique et n’interagissent par conséquent que faiblement avec des sondes.
Ces couches antiferromagnétiques constituent un élément essentiel dans les hétérostructures magnétiques où elles sont appelées à piéger l’aimantation de couches voisines via le phénomène de couplage d’échange magnétique. Ce type de structure est la base de fonctionnement des capteurs magnétiques modernes (capteurs à magnéto-résistance géante, vannes de spin et jonctions tunnel) et sera très probablement intégré dans les mémoires magnétiques non volatiles du futur tout comme dans les structures multiferroïques. Les parois de domaines magnétiques conditionnent le niveau de bruit électronique dans les dispositifs. Il est donc particulièrement important de les maitriser.
En utilisant l’imagerie magnétique par absorption des rayons X issus du rayonnement synchrotron nous avons pu visualiser, identifier et quantifier la structure en domaines magnétique d’une couche mince de cobalt déposée sur une couche mince antiferromagnétique d’un oxyde Fe2O3 dont l’élaboration est parfaitement maitrisée au laboratoire.
Les domaines magnétiques dans la couche de cobalt (observés par XMCD : X-Ray Magnetic Circular Dichroism) sont identiques aux domaines antiferromagnétiques de la couche Fe2O3 sous-jacente (observés par XMLD : X-Ray Magnetic Linear Dichroism). Ceci montre le couplage entre les deux couches. Usuellement, la structure en domaine de ce type de couche antiferromagnétique résulte de la forte anisotropie magnétocristalline et ne peut donc être aisément modifiée. De plus l’application d’un champ externe est sans effet sur une couche antiferromagnétique, dont l’aimantation globale est nulle.
L’analyse statistique des images montre que la distribution de taille des domaines antiferromagnétiques de Fe2O3 suit une loi d’échelle non triviale. En particulier le périmètre des domaines est fonction de l’aire selon une loi de puissance avec un exposant fractal, caractéristique d’une croissance selon un modèle d’Ising aléatoire (Random Ising Model). Il est ensuite remarquable que cette distribution caractéristique est invariable avec l’épaisseur du film, et que les lois statistiques restent les mêmes pour la couche de très faible épaisseur qui est ferrimagnétique. La structure en domaine antiferromagnétique est donc héritée de la couche initiale !
Cette couche initiale ferimagnétique est, elle, sensible au champ. Ceci suggère qu’il devient possible, en appliquant un champ magnétique intense (> 1 Tesla) au début de la croissance de la couche, de piloter la structure en domaine antiferromagnétique. La méthode a été vérifiée expérimentalement et a fait l’objet du dépôt d’un brevet. Nous disposons donc maintenant d’un bon procédé pour piloter la structure en domaine de de la couche ferromagnétique active de cobalt déposée.
Références :
Origin and tailoring of the antiferromagnetic domain structure in α-Fe2O3 thin fims unraveled by statistical analysis of dichroic spectro-microscopy (X-PEEM) images
O.Bezencenet, D.Bonamy, R.Belkhou, P.Ohresser and A.Barbier,
Physical Review Letters 2011, in press.
Voir aussi :
Beyond the Magnetic Domain Matching in Magnetic Exchange Coupling
H. Magnan, O. Bezencenet, D. Stanescu, R. Belkhou, and A. Barbier,
Phys. Rev. Lett. 105 (2010) 097204.