Le rôle des interfaces dans des  jonctions moléculaires mis en évidence par l’étude statistique de leur conductance

Le rôle des interfaces dans des jonctions moléculaires mis en évidence par l’étude statistique de leur conductance

D. Dulić, P. Lavie, S. Campidelli, A. Filoramo, collaboration : F. Pump et G. Cuniberti (Université de Dresde)

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Des chercheurs du Laboratoire d’Electronique Moléculaire (IRAMIS/SPEC) ont récemment publié un article intitulé « Controlled Stability of Molecular Junctions » dans la prestigieuse revue internationale Angewandte Chemie. Ce travail réalisé en collaboration avec le groupe du Prof. Gianaurelio Cuniberti de l’Université de Dresde porte sur l’influence des interfaces de contacts sur le transport à travers des molécules uniques grâce à la technique dite de jonction à cassure.

Le fonctionnement d’un interrupteur nous semble très simple : selon que le contact est ouvert ou fermé, le courant passe ou ne passe pas. Mais lorsque le contact entre deux conducteurs se fait via un petit nombre de molécules, voire une molécule unique (jonction moléculaire), on observe que la conductance du contact qui se forme varie lors des cycles répétés de formation/rupture de la jonction (ouverture-fermeture du contact). Ceci correspond aux différentes manières de réaliser le contact (nombre de molécules, conformation de la jonction).

Dans l’étude des jonctions moléculaires, ce sont ces fluctuations de conductance qui sont le plus souvent étudiées. L’analyse statistique montre que le système se stabilise préférentiellement sur différentes valeurs discrètes de conductance, liées aux différentes façons de réaliser le contact électrique (en particulier selon le nombre de molécules assurant « le contact » et la géométrie du contact électrode-molécule). Dans le présent travail, la stabilité exceptionnelle des jonctions moléculaires a permis de suivre l’évolution d’une même jonction (fluctuations autour d’une même valeur discrète de conductance définie par la première analyse) sur une période de plusieurs semaines. Dans ce cas, l’analyse statistique des fluctuations de conduction se rapporte à l’évolution temporelle des contacts entre les électrodes et la molécule.

En comparant deux molécules simples (un terphenylène P3 et un terthiophène T3 terminés par deux atomes de soufre), deux comportements différents peuvent être observés : pour les jonctions formées avec la molécule P3, la conductance montre des fluctuations stochastique importantes, alors que, par comparaison, elle reste extrêmement stable pour T3. Les fortes oscillations peuvent être attribuées aux déplacements de la liaison soufre-or sur les électrodes. Elle n’est pas observée dans le cas de T3 du fait des atomes de soufre supplémentaires qui renforcent les interactions électrode-molécule.

a) Image MEB. b) et c) Représentation schématique d’une jonction à cassure. d) et e) A gauche : exemples de l’évolution de la conductance en fonction du temps pour deux molécules (terphenylène P3 et terthiophène T3). A droite : histogrammes (violet et vert) des fluctuations de conductance d’une jonction stable. Insert : ils sont bien plus étroits que les histogrammes (rose et orange) des fluctuations de conductance au cours de cycles de formation/rupture de la jonction.

L’analyse statistique de la conductance des jonctions « stables » est bien distincte et complète utilement l’analyse des variations basée sur les cycles de formation/destruction des contacts. Elle permet de sonder finement les interactions entre les molécules et les électrodes (voir Figure).

Référence :

Controlled Stability of Molecular Junctions,
D. Duli, F. Pump, S. Campidelli, , P. Lavie, G. Cuniberti, A. Filoramo,
Angewandte Chemie International Edition 44 (2009)