L’effet de proximité supraconducteur

L’effet de proximité supraconducteur

H. le Sueur, P. Joyez, H. Pothier, C. Urbina, and D. Esteve

Les éditeurs de la revue « Physical Review Letters » ont récemment attribué le label « Editor’s suggestion » à un article du groupe Quantronique du SPEC (Service de Physique de l’Etat Condensé): Phase Controlled Superconducting Proximity Effect Probed by Tunneling Spectroscopy, Phys. Rev. Lett. 100 (2008) 197002« . Par ce label les éditeurs souhaitent mettre en avant un petit nombre d’articles qu’ils considèrent comme particulièrement clairs et susceptibles d’intéresser des lecteurs en dehors de leur spécialité.

Cet article permet de donner pour la première fois une vue élégante, claire et complète de « l’effet de proximité supraconducteur ». Cet effet se produit aux interfaces entre métaux supraconducteur (S) et métaux résistifs « normaux » (N), où la supraconductivité peut « contaminer » localement le métal normal et le rendre non résistif.

PRL editors suggest…

La recherche pour comprendre l’effet de proximité (et plus généralement la supraconductivité inhomogène) a débuté dans les années 60, notamment sous l’impulsion de De Gennes lorsqu’il était à Orsay. Les progrès théoriques ont été rapides puisque l’essentiel de l’effet de proximité était compris théoriquement au début des années 70. Mais, comme c’est un phénomène qui se produit à très courte échelle (sub-micronique, généralement), il a fallu attendre le développement des techniques de nanofabrication et l’essor de la physique mésoscopique dans les années 90 pour que des tests expérimentaux viennent confirmer le tableau du phénomène dressé par la théorie, par petites touches successives, comme les pièces d’un puzzle disséminées dans de nombreuses publications. Malgré ce regain d’intérêt pour le sujet, quelques pièces importantes du puzzle manquaient encore.

L’expérience réalisée dans le groupe Quantronique ne se contente pas de compléter ce puzzle : elle fournit à elle seule pour la première fois une image d’ensemble de l’effet de proximité. Dans cette expérience, une cartographie directe et très précise des états électroniques accessibles dans les métaux au voisinage des interfaces N-S, quantité théorique fondamentale, a été obtenue. La comparaison expérience-théorie ne nécessite alors aucune interprétation sophistiquée des données et révèle un excellent accord sur l’ensemble des paramètres explorés.

Cette expérience fondamentale pour le domaine a été rendue possible par le développement d’un microscope combiné à effet tunnel et à force atomique à fonctionnant à très basse température (35 mK) sans équivalent dans le monde pour le moment. Cet appareil polyvalent va servir à réaliser de nombreuses autres expériences en physique mésoscopique.

Enfin, l’importance de ce travail a également été reconnu par l’Académie des Sciences qui vient de décerner son prix thématique Madeleine Lecoq à Hélène le Sueur, dont la thèse a porté sur le développement du microscope et la réalisation de cette expérience.

Densité locale d’état (LDOS) à travers une structure supraconducteur-normal-supraconducteur (SNS). Cette LDOS tient compte des effets géométriques et de diffusion aux interfaces. Un minigap du à l’effet de proximité supraconducteur est clairement visible dans la région de conducteur normal.

Phase Controlled Superconducting Proximity Effect Probed by Tunneling Spectroscopy
H. le Sueur, P. Joyez, H. Pothier, C. Urbina, and D. Esteve, Phys. Rev. Lett. 100 (2008) 197002.

(19-12-2008)