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Univ. Paris-Saclay
09 septembre 2021
Observation du dipôle électrique associé aux ondes de spin dans un aimant quantique
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Sous un champ magnétique intense et à basse température, les spins des électrons d'un échantillon de graphène s'alignent. Les excitations élémentaires d'un tel aimant idéal, appelées ondes de spin ou magnons, sont des objets intrinsèquement magnétiques, mais qui possèdent également une nature électrostatique, car ils doivent être aussi porteur d'un dipôle électrique.

Des chercheurs du groupe Nanoélectronique du SPEC, en collaboration avec des théoriciens de l'Institut de Physique Théorique - IPhT et des expérimentateurs du NTT-BRL et du NIMS (Japon), ont  observé pour la première fois le dipôle électrique associé à des ondes de spin dans un ferromagnétique en condition d'effet Hall quantique, en utilisant un interféromètre Mach-Zehnder électronique. Cette expérience a été réalisée sur un échantillon de graphène de haute qualité, utilisé comme capteur quantique ultra-sensible.

 

 

Lorsqu'un fort champ magnétique est appliqué à très basse température (T ~ 13 mK) selon la normale à un système électronique bidimensionnel, tel qu'un plan de graphène, les électrons se répartissent en énergie sur des niveaux de Landau très espacés et hautement dégénérés. C'est la marque du régime dit "d'effet Hall quantique". Si le champ magnétique est suffisamment intense, les diverses symétries sous-jacentes aux niveaux de Landau (spin, vallée, etc.) sont brisées, donnant lieu à des niveaux de Landau secondaires bien identifiés et entièrement polarisés selon un état quantique bien défini.

En ajustant la densité d'électrons et le champ magnétique de telle sorte qu'un seul niveau de Landau polarisé en spin soit rempli, il est alors possible de créer un ferromagnétique bidimensionnel parfaitement ordonné, où tous les spins des électrons pointent dans la même direction. Dans le graphène monocouche, un tel "ferromagnétique à effet Hall quantique parfait" peut-être obtenu avec un facteur de remplissage ν=1, lorsque les symétries de spin et d'états de "vallée" sont brisées par les interactions électroniques. La propagation des électrons est alors limité le long de ce seul canal électronique polarisé en spin et en vallée, et localisé le long des bords de l'échantillon.  On peut noter que le plan qui est conducteur en champ nul, est devenu globalement isolant.

Des expériences récentes montrent que ce ferromagnétique parfait, obtenu dans ces conditions bien particulières, présente des excitations élémentaires sous la forme d'ondes de spin ou magnons. Elles peuvent être obtenues par la simple application d'un potentiel drain-source supérieur à l'énergie Zeeman de l'échantillon. De nombreuses propriétés fondamentales de ces magnons restent à observer et à étudier. En particulier, bien que ces excitations d'un ferromagnétique à effet Hall quantique soient magnétiques, elles ont également une nature excitonique intrinsèque, car elles doivvent être porteuses d'un dipôle électrique (exciton) orienté perpendiculairement à leur direction de propagation.

Pour observer ce dipôle électrique, les chercheurs du SPEC et leurs collaborateurs ont conçu une expérience, décrite dans la figure 1-a, dans laquelle un flux de magnons est émis vers un interféromètre de Mach-Zehnder électronique réalisé dans une jonction p-n en graphène, agissant comme un détecteur de dipôle électrique ultra-sensible. Le mécanisme de détection est double :

  • d'une part, le flux de magnons présente un angle d'incidence donné, fonction de la position de la source par rapport à l'interféromètre. Selon la valeur de cet angle, la partie positive du dipôle électrique peut être plus proche du bras de l'interféromètre que la partie négative, ou vice-versa (voir les encarts de la figure 1a). Cet effet dipolaire joue le rôle d'une porte électrostatique locale efficace, modifiant la différence de longueur apparente entre les deux bras de l'interféromètre (flèches bleues et jaunes centrales sur la figure 1a), ce qui entraîne un déphasage mesurable par l'interféromètre.
  • D'autre part, l'émission des magnons est aléatoire ce qui entraîne des fluctuations rapides du champ électrique au niveau de l'interféromètre, et une réduction du contraste de la figure d'interférence.
 
Fig. 1 | Mise en évidence de la nature excitonique des magnons
avec un interféromètre de Mach-Zehnder électronique.
(a) Schéma de l'expérience : un flocon de graphène est divisé par polarisation électrostatique en deux régions avec un dopage p- et n- opposé (zones bleues et rouges), créant à leur interface un interféromètre électronique de type Mach-Zehnder, dont chaque bras est porté par les canaux de bord de part et d'autre de l'interface (flèches bleues et jaunes). Un canal supplémentaire de spin opposé (flèche rouge) se propage également dans la région de droite mais ne joue ici aucun rôle. Une impulsion électrostatique Ⓔ appliquée en bord d'échantillon émet des magnons (flèches noires ondulées) en direction de l'interféromètre. Selon leur angle d'incidence par rapport à l'interface (flèches blanches), les dipôles électriques des magnons (boules rouges et blanches) présentent une orientation différente (encarts).
(b) Transmission électronique TMZ à travers l'interféromètre, mesurée en fonction de la tension de polarisation VE et du champ magnétique. Au-dessus d'un potentiel de polarisation (lignes pointillés noires), des magnons sont émis et les motifs d'interférence s'inclinent et perdent leur contraste, signature d'un déphasage entre les bras de l'interféromètre et de perte de cohérence.
 

Ce double effet de perte de contraste interférométrique est observé dans l'expérience (voir figure 1b), et interprété comme la première observation de la nature excitonique des magnons dans un ferromagnétique à effet Hall quantique. L'analyse des résultats montre aussi d'autres propriétés des magnons, notamment que le processus d'émission est Poissonnien, ce qui révèle que les magnons sont émis de manière aléatoire au cours du temps. Autre observation de leur comportement quantique : l'augmentation du potentiel drain-source augmente le taux d'émission des magnons plutôt que leur énergie.

Cette expérience montre la vraie nature des magnons, comme une excitation magnétique avec une composante dipolaire électrique, ce qui peut permettre de les contrôler électrostatiquement. A l'intersection de la physique quantique mésoscopique et de la spintronique, cette preuve expérimentale du couplage entre excitations magnétiques et conduction électrique ouvre tout un champ expérimental, basé sur une nouvelle classe de circuits quantiques.

 

Contact CEA: François Parmentier and Preden Roulleau, NanoElectronics Group (SPEC/GNE)

Publication:
Excitonic nature of magnons in a quantum Hall ferromagnet
A. Assouline, M. Jo, P. Brasseur, K. Watanabe, T. Taniguchi, T.Jolicoeur, D.C.  Glattli, N. Kumada, P. Roche, F. D. Parmentier, & P. Roulleau, Nat. Phys. 17, 1369–1374 (2021) - arXiv:2102.02068.

Collaboration:

  • Service de Physique de l’Etat Condensé (SPEC), UMR 3680 CEA-CNRS, Université Paris-Saclay
  • Institut de Physique Théorique (IPhT), UMR 3681 CEA-CNRS, Université Paris-Saclay
  • National  Institute  for  Materials  Science (NIMS), Japan
  • NTT  Basic  Research  Laboratories (NTT-BRL), Japan.
 
#3407 - Màj : 10/12/2021

 

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