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Univ. Paris-Saclay
06 avril 2021
Plateforme graphène pour une optique quantique électronique ajustable
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Des chercheurs des équipes Nanoélectronique et Modélisation et Théorie du SPEC, en collaboration avec des expérimentateurs du NTT-BRL et du NIMS (Japon) et des théoriciens du KAIST (Corée), ont mis au point de nouveaux séparateurs accordables d'ondes électroniques au sein du graphène, dont le principe utilise ses symétries cristallines. En utilisant ces séparateurs de faisceau, les chercheurs montrent qu'il est possible de réaliser l'analogue électronique d'un interféromètre optique de type Mach-Zehnder, dont la transmission des séparateurs peut être ajustée. L'analyse des interférences quantiques électroniques observées montre que le graphène pourrait être utilisé pour réaliser des circuits quantiques complexes avec l'avantage d'un très haut degré de robustesse à la décohérence.

 

 

L'optique quantique électronique repose sur l'analogie entre la propagation des électrons dans un conducteur quantique et celle des photons dans les expériences d'optique quantique. Ce domaine de recherche, apparu à la fin des années 90, a ouvert la possibilité de manipuler des faisceaux d'électrons au sein de la matière condensée. Depuis lors, il a permis d'acquérir une compréhension fondamentale de l'électronique quantique, jusqu'à la manipulation de particules uniques.

En optique quantique électronique, les systèmes prototypiques sont des conducteurs bidimensionnels dans le régime de l'effet Hall quantique. Ce régime est atteint sous un fort champ magnétique (~ 9.2 T) perpendiculaire au plan atomique défini. Une de ses manifestations est l'ouverture de canaux électroniques unidimensionnels le long des bords de l'échantillon, où les électrons se propagent sans dissipation dans une seule direction. Pour les électrons, ces canaux de bord sont l'analogue des "fibres optiques" pour les photons.

Jusqu'à récemment, une grande majorité de ces expériences ont été réalisées dans des hétérostructures semi-conductrices telles que GaAs/GaAlAs, mais le graphène fait aujourd'hui l'objet d'une attention soutenue : il présente en effet une nouvelle physique riche dans le régime de Hall quantique, qui devrait offrir des propriétés de cohérence largement supérieures, nécessaire pour un traitement de l'information quantique porté par des charges individualisées dans un circuit. Cependant, un élément clé de l'optique quantique électronique faisait défaut aux architectures graphène : un séparateur de faisceau électronique accordable, permettant de diviser et combiner de manière contrôlée les paquets d'ondes électroniques sur différents canaux de bord, tout en préservant la cohérence quantique.

 

Le principe du dispositif réalisé dans ce but repose sur la structure électronique très spécifique au graphène, où bandes de valence et de conduction forment deux surfaces coniques qui se touchent aux points K et K' de la zone de Brillouin, où se place idéalement le niveau de Fermi. Du fait de la structure hexagonale du graphène, avec 2 atomes par maille, les points K et K' appartiennent à deux sous-réseaux distincts. L'application d'un potentiel déplace le niveau de Fermi, et deux "vallées" de conduction s'ouvrent au niveau des points K et K’, qui présentent des niveaux quadruplement dégénérés (deux fois en moment - sous réseaux K et K' - et deux fois en spin (↑ et ↓) ). L'application d'un champ magnétique intense définit les niveaux de Landau, pour lesquels les dégénérescences en spin et en vallée sont levées du fait de la présence d'un terme d’anisotropie entre les deux sous réseaux. A très basse température (~ 20 mK), la population de chaque canal de bord, avec un état de vallée et de spin bien défini, peut alors être finement ajustée.

Comme le montre la figure ci-dessous, les chercheurs du SPEC et leurs collaborateurs se sont appuyés sur ces états de vallée pour réaliser un interféromètre ajustable de type Mach-Zehnder.

Figure 1 - Vue d'artiste de l'échantillon : un échantillon de graphène (taille ~1µm) atomiquement propre est divisé en deux régions (rouge et bleu) de dopage opposé (p+ et n-) imposé par l'application d'un potentiel externe. Sous l'effet d'un champ magnétique externe intense (~ 9.2 T), des canaux de conduction (circuits fléchés bleu, rouge et jaune) s'ouvrent par effet Hall sur les bords de l'échantillon, où le sens de circulation des électrons est fonction de leur moment (K ou K') : canal jaune |K,↑>, canal bleu |K,↓>, canal rouge |K',↑>.

Les portes électrostatiques (surlignées en jaune sur la Fig.1) placées aux extrémités de la jonction p-n permettent de contrôler la séparation des électrons de chaque canal (jaune ou rouge) dans les deux canaux parallèles le long de la jonction de ~ 1.5 µm (canaux jaune et rouge, de même spin (↑) et d'états de vallée mixtes (K et K') ), réalisant ainsi des séparateurs d'état de vallée à effet Hall quantique.

 

En tirant parti du désordre cristallin présent sur les bords d'un échantillon de graphène, les chercheurs montrent que le mélange des états de canaux de bord porteur d'états de même spin, mais d'états de vallée différents, peut être finement ajusté en déplaçant le point de mélange le long du bord désordonné. Après avoir ainsi montré la possibilité de réaliser un séparateur/mélangeur accordable, les chercheurs ont combiné deux de ces éléments de manière à former un interféromètre de Mach-Zehnder électronique le long d'une jonction p-n en graphène.

Figure 2 : En combinant deux séparateurs d'états de vallée, l'ensemble du système est l'analogue électronique d'un interféromètre optique de Mach-Zehnder à double entrée. Le mélange entre états peut être finement ajusté en déplaçant électrostatiquement les séparateurs le long du bord du graphène. Le déphasage entre les deux voies de l'interféromètre est contrôlé par le champ magnétique externe.

 

 

Les interférences quantiques obtenues, qui dépendent de l'accord des séparateurs de faisceaux (voir la figure 2(b)) et de la tension de polarisation appliquée à l'interféromètre, montrent un comportement typique d'un interféromètre de Mach-Zehnder. Les premières observations montrent aussi une robustesse vis-à-vis de la décohérence, qui dépasse de loin celle des interféromètres électroniques réalisés dans des hétérostructures GaAs/GaAlAS conventionnelles.

Figure 3 – (a) Courant électronique à travers un des séparateurs de paquet d'onde électronique, en fonction de la tension de sa grille de contrôle V1. Bien qu'irrégulières, les oscillations observées sont stables et reproductibles. (b) Courant électronique à travers l'interféromètre de Mach-Zehnder formé par deux séparateurs. Des ondes sinusoïdales très régulières et très contrastées sont observées en fonction de la tension de grille et du champ magnétique externe appliqué.

 

Cette apparente robustesse, qui mérite d'être explorée de façon plus approfondie, est très encourageante pour de futures expériences dans des géométries plus complexes, telles que l'intrication contrôlée d'une paire d'électrons uniques indépendamment émis.

 

Cette recherche a bénéficié des financements du projet ERC Starting Grant COHEGRAPH et du Labex PALM (Université Paris-Saclay).

Référence :

Quantum Hall valley splitters and a tunable Mach-Zehnder interferometer in graphene, M. Jo, P. Brasseur, A. Assouline, G. Fleury, H. -S. Sim, K. Watanabe, T. Taniguchi, W. Dumnernpanich, P. Roche, D. C. Glattli, N. Kumada, F. D. Parmentier, and P. Roulleau, Phys. Rev. Lett. 126, 146803 (2021) – Editor’s suggestion – Featured in Physics

Contact CEA-Iramis : François Parmentier, Preden Roulleau, Nanoelectronics Group (SPEC/GNE) et Geneviève Fleury (SPEC/GMT)

Collaboration :

  • Service de Physique de l’Etat Condensé (SPEC), UMR 3680 CEA-CNRS, Université Paris-Saclay
  • Department  of  Physics,  Korea  Advanced  Institute  of  Science  and  Technology (KAIST Physics)
  • National  Institute  for  Materials  Science (NIMS), Japan
  • NTT  Basic  Research  Laboratories (NTT-BRL), Japan
 
#3357 - Màj : 01/07/2021

 

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