Preuve de concept d’une biopuce « 2 étages » à base de capteurs GMR pour du diagnostic précoce

Preuve de concept d’une biopuce « 2 étages » à base de capteurs GMR pour du diagnostic précoce

Un défi constant de la recherche dans le domaine de la santé, est le développement de techniques de diagnostic précoce, rapides, sensibles, transportables au chevet du patient, tout en étant peu coûteuses. L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a ainsi défini les critères ASSURED (Affordable, Sensitive, Specific, User-friendly, Rapid and robust, Equipment-free and Deliverable to end-users) que les tests de diagnostic terrain doivent remplir. La pandémie mondiale de COVID-19 a également démontré la nécessité de tels tests.

Les capteurs à magnétorésistance géante (GMR) [1] qui ont été développés pour une grande variété d'applications (industrie automobile, automatisme, informatique etc.), présentent également un réel potentiel dans le domaine de la santé, notamment pour le développement de dispositifs de diagnostic précoce sur les lieux de soins. Le principe de la technique repose sur l'utilisation de particules magnétiques fonctionnalisées par des anticorps monoclonaux dirigés contre les cibles d'intérêt (figure 1A). La détection dynamique des objets ainsi marqués est réalisée à l'aide de capteurs GMR, développés au CEA-SPEC. La sensibilité de ces capteurs permet le comptage individuel des objets biologiques (ici des cellules) magnétiquement marqués.

Après avoir validé la méthode sur un premier appareil, la réalisation d'un second dispositif à « double détection » permet d'atteindre une plus grande sélectivité, en réduisant fortement les faux-positifs.

Le présent projet a pour objectif de montrer la possibilité de détecter et trier de façon efficace des objets biologiques, en profitant de la sensibilité extrême de capteurs magnétiques basés sur le principe de la magnétorésistance géante (GMR). Dans le premier dispositif réalisé, le fluide, porteur de cellules magnétiquement marqués, passe dans un canal microfluidique au voisinage d'un capteur GMR.

Afin de marquer au mieux les objets biologiques, il est indispensable d’introduire dans le milieu des billes magnétiques en excès. Dans le mélange, on trouve alors trois types d’objets magnétiques : des cellules marquées, des billes individuelles surnuméraires et d’éventuels agrégats de billes. La plupart des objets biologiques, fonctionnalisés par un ensemble de billes, produisent un signal magnétique bien supérieur à celui des billes ou des agrégats. Le champ magnétique dipolaire de chaque objet, vu par le capteur GMR, est fonction du moment magnétique µ de l’objet et de sa distance Z au capteur, selon la loi :

On constate alors que dans le cas d’une biopuce ne possédant qu’une seule série de capteurs sous le canal microfluidique (dispositif initial) [2] un agrégat ou une bille qui passe à proximité du capteur GMR, donne un signal équivalent à celui d’un objet biologique magnétiquement marqué par plusieurs billes passant à distance du capteur, ce qui génère une sur ce qui est réellement détecté et entraine un certain nombre de faux évènements positifs.

Pour résoudre cette ambiguïté, une nouvelle biopuce avec des capteurs GMR placés de part et d’autre du canal microfluidique a été développée, puis brevetée [3]. Les mesures en coïncidence du passage des objets magnétiques (figure 1a) permettent alors de déterminer les deux quantités recherchées : le moment dipolaire magnétique porté par l'objet (proportionnel au nombre de billes magnétiques fixées sur l’objet) et sa position dans le canal.

Expérimentalement, la technique a pu être validée à l'aide d'un objet modèle biologique simple, non pathogène et facilement manipulable: des cellules eucaryotes de myélome murin, NS1 d'un diamètre de l'ordre de 7µm. Les billes magnétiques commerciales ont une taille de d’1µm et sont fonctionnalisées par des anticorps (anti-CD138) spécifiquement dirigés contre un récepteur (CD138) présent à la surface de cellules NS1. Les études préliminaires montrent que ces objets peuvent être magnétiquement marqués par une cinquantaine de billes. Deux types d'échantillons ont été préparés et analysés : des échantillons spécifiques contenant 7 × 103 cellules NS1/ml en présence de 1,5 × 107 par ml de billes magnétiques fonctionnalisées, et des échantillons de contrôle contenant uniquement les billes fonctionnalisées avec la même densité (figure 1B).

Figure 1 A : Marquage des cellules avec des Dynabeads MyOne magnétiques de 1 μm. Étape 1 : Couplage des Dynabeads MyOne Streptavidin T1 avec des anticorps biotinylés. Étape 2 : Saturation et stockage des billes fonctionnalisées dans du PBS 0,1% BSA. Étape 3 : marquage magnétique des cellules avec les billes fonctionnalisées.
B : Protocole expérimental réalisé avec i) la solution de contrôle (à gauche) uniquement composé de billes marquées à l'anticorps anti-CD138 et ii) un test spécifique (à droite) avec des billes magnétiques fonctionnalisées en présence de cellules cibles NS1.

Figure 2 : A principe de fonctionnement de la « biopuce deux étages », B Schéma du dispositif expérimental.

Par cette technique innovante de double détection GMR, il est maintenant possible de distinguer les signaux spécifiques issus des objets biologiques labélisées, des faux-positifs provenant d’agrégats de billes [4]. Une étude complète, sur ce modèle biologique cellulaire montre qu’on peut ainsi gagner un facteur 100 sur la sensibilité de détection. La nouvelle biopuce deux étages permet ainsi l’identification des cibles biologiques à faible concentration, ce qui confère à la méthode un fort potentiel pour le diagnostic précoce. Le dispositif actuel est en outre peu encombrant et transportable.

Ce travail se poursuit par une nouvelle étude sur des bactéries, pouvant être labélisées par des nanoparticules magnétiques spécialement conçues par le CEA/LITEN pour ce projet et possédant une grande stabilité colloïdale, ce qui doit permettre d'améliorer encore la sélectivité et donc la sensibilité du procédé.

Figure 3 A : Comparaison du nombre de coïncidences en fonction de leur hauteur d'écoulement dans le canal microfluidique pour l'échantillon spécifique contenant des billes Dynabeads MyOne fonctionnalisées en présence de 7.103 cellules NS1/mL (rouge) et l'échantillon témoin contenant uniquement des billes fonctionnalisées (bleu).

B : Comparaison du nombre de billes par coïncidence pour l'échantillon spécifique contenant des billes fonctionnalisées en présence de 7.103 cellules NS1/mL (rouge) et l'échantillon témoin contenant uniquement des billes fonctionnalisées (bleu).


Contacts SPEC/LNO : Guénaëlle Jasmin et Maïkane Deroo.
Contacts JOLIOT/LERI : Cécile Feraudet Tarisse et Stéphanie Simon.

Références :

[1] Femtotesla magnetic field measurement with magnetoresistive sensors,
M. Pannetier, C. Fermon, G. Le Goff, J. Simola and E. Kerr, Science 304 (2004) 1648.

[2] Evaluation of in-flow magnetoresistive chip cell—counter as a diagnostic tool,
M. Giraud, F. D. Delapierre, A. Wijkhuisen, P. Bonville, M. Thevenin, G. Cannies, M. Plaisance, E. Paul, E. Ezan, S. Simon, C. Fermon, C.Feraudet-Tarisse and G. Jasmin-Lebras, Biosensors 9 (2019) 105.

[3] Brevet Français n° 1855217 (étendu par voie internationale) C. Fermon, M. Giraud, F.D. Delapierre, G. Jasmin. ’Dispositif et procédé de détection magnétique d'objets biologiques microscopiques’.

[4] Proof of concept of a two-stage GMR sensor based lab-on-a-chip for early diagnostic tests
Maïkane Deroo, Manon Giraud, François-Damien Delapierre, Pierre Bonville, Mathieu Jeckelmann, Aurélie Solignac, Elodie Fabre-Paul, Mathieu Thévenin, Frédéric Coneggo, Claude Fermon, Florent Malloggi, Stéphanie Simon, Cécile Féraudet-Tarisse and Guénaëlle Jasmin-Lebras, Lab Chip 22 (2022) 2753.

Collaboration :