Texture ferroélectrique de nanocristaux de titanate de baryum

Texture ferroélectrique de nanocristaux de titanate de baryum

Des équipes de laboratoires français, dont le SPEC/LEPO, et américains ont mis en commun leur savoir-faire pour étudier expérimentalement et théoriquement la structure ferroélectrique de nanocristaux de titanate de baryum (BTO) de forme cubique. Ces résultats, publiés dans la revue ACS Nano, ouvrent la voie à une conception nouvelle de nanocapteurs optiques ou thermiques.


À l’échelle nanométrique, les matériaux ferroélectriques présentent des structures de polarisation pouvant être complexes, et à même d’être mises à profit pour réduire la consommation énergétique de composants électroniques. La grande majorité des études porte sur des couches minces de ces matériaux.

Une collaboration d’équipes françaises et américaine a étudié des nanocristaux BTO (nanoBTO) synthétisés sous une forme cubique, avec une taille moyenne de ≈160 nm. La « texture » ferroélectrique de ces objets nanométriques a été sondée par microscopie de force piézoélectrique (PFM). Cette technique de mesure utilise une pointe comme sonde locale en contact avec l’échantillon, et tire profit du caractère multiferroïque des cristaux, à la fois ferroélectrique et piézoélectrique. En parallèle, des simulations de la distribution de polarisation électrique à l’équilibre et de la réponse PFM ont été conduites à l’aide d’un modèle de champ de phase (module FERRET).

Les mesures révèlent que les facettes de tous les nanoBTO étudiés ont une réponse PFM (déformation locale) à un champ électrique appliqué perpendiculairement, dans le plan. La modélisation par champ de phase permet d’expliquer cette observation. Elle révèle en effet que la polarisation à l’équilibre, constituée principalement de l’alternance de domaines up et down (alignés selon un axe cristallographique de la phase tétragonale du BTO), tourne de 90° au niveau des facettes orthogonales à cet axe. La simulation rend aussi compte qualitativement des champs de déformation mesurés par PFM.

Publiés dans ACS Nano, ces travaux montrent l’intérêt de la technique PFM et ouvrent la voie à la conception de nanocapteurs optiques (capteur de température ou de mesure de champ électrique, notamment) reposant sur des nanoBTO dopés avec des ions de terre rare. 

Les résultats de l’étude soulèvent également la question de l’origine de la réponse optique non linéaire de génération de second harmonique (SHG) de nanocristaux de BTO individuels largement décrite dans la littérature. En effet, compte-tenu de la texture ferroélectrique mise en évidence dans les simulations, les nanocristaux apparaissent comme constitués au cœur et en surface de domaines orientés à 180° les uns des autres avec une compensation globale de polarisation. Cela devrait a priori donner lieu à une absence de SHG par interférences destructives, ce qui n’est pas ce qui est observé expérimentalement. Des analyses complémentaires couplant PFM et SHG seront prochainement menées afin d’approfondir la compréhension de la structure de ces nanocristaux.

Polarisation électrique d’un nanocristal ferroélectrique : étude par microscopie de force piézoélectrique (PFM) et modèle à champ de phase (simulation).
Gauche : empilement d’un nanocristal ferroélectrique de BTO (orange) sur une fine couche de polymère conducteur (vert), déposé sur un dépôt conducteur (gris-bleu) couvrant une lamelle de verre. Une différence de potentiel alternative est appliquée entre la pointe du PFM en contact avec la face supérieure et la face inférieure de la nanoparticule.
Droite, haut : amplitude (code couleur) et direction (flèches) de déplacement de la pointe du PFM en réponse au champ électrique alternatif.
Droite, bas : simulation (modèle de champ de phase, module FERRET) de la polarisation électrique dans le plan vertical au milieu du nanocristal, montrant la structure en domaines d’orientation alternée de la polarisation (selon la direction de l’axe cristallographique), ainsi que l’absence de polarisation verticale dans les faces inférieure et supérieure, en accord avec les mesures PFM. © F. Treussart, C. Paillard et C. Fiorini


Référence :
Ferroelectric texture of individual barium titanate nanocrystals.
Athulya K. Muraleedharan, Kevin Co, Maxime Vallet, Abdelali Zaki, Fabienne Karolak, Christine Bogicevic, Karen Perronet, Brahim Dkhil, Charles Paillard, Céline Fiorini-Debuisschert, and François Treussart, ACS Nano 18 (28) (2024) 18355

Article consultable sur les bases d’archives ouvertes HAL et Arxiv (suivre le lien)

Contact CEA-IRAMIS : Céline FIorini, SPEC/LEPO

Collaboration :

  • Université Paris-Saclay, Laboratoire lumière-matière aux interfaces (LUMIN), UMR CNRS/ENS Paris-Saclay, Université Paris-Saclay,
  • Laboratoire Structures, propriétés et modélisation des solides (SPMS), CentraleSupélec,
  • Université Paris-Saclay, Laboratoire d’Électronique et nanoPhotonique Organique, Service de Physique de l’État Condensé – SPEC, UMR CEA-CNRS,
  • Département de physique de l’Université d’Arkansas aux États-Unis.