Réalisation et étude d’un couplage optique fort entre une couche mince de molécules auto-assemblées et les plasmons de surface

Réalisation et étude d’un couplage optique fort entre une couche mince de molécules auto-assemblées et les plasmons de surface

L’auto-assemblage de molécules optiquement actives sur des surfaces métalliques ouvre de nouvelles opportunités pour les sources de lumières organiques et les milieux amplificateurs de lumière. La surface d’un métal supporte des plasmons de surface (PPS), excitations électroniques sous forme d'ondes électromagnétiques se propageant le long de la surface. Une collaboration saclaysienne, entre le SPEC/LEPO et l'équipe de Sylvain Barbay du C2N, montre que l’auto-assemblage de molécules spécifiques optiquement actives, permet de maximiser leur couplage électromagnétique avec ces plasmons de surface.

Le milieu ainsi réalisé permet d'atteindre une forte densité de molécules fluorescentes. De plus, le moment dipolaire des molécules est idéalement orienté perpendiculairement à l’interface, selon la direction de polarisation prédominante des PPS. Enfin, cet assemblage des molécules donne naissance à un mode d’excitation collective (exciton ou formation de paires électron-trou) en interaction avec les PPS. La combinaison unique de ces trois caractéristiques permet d’atteindre le régime de couplage fort entre l’exciton et les PPS. Dans ce régime, l’échange très rapide d’énergie entre les molécules et les PPS donne naissance à des modes hybrides qui présentent un grand intérêt fondamental et appliqué en photonique. En particulier l’analyse de l’émission spontanée dans ces modes hybrides permet de clarifier la physique en jeu, dans ces conditions de couplage fort, sujet fortement débattu actuellement pour la réalisation de sources cohérentes nanométriques.

La plasmonique est une branche émergente de la photonique qui utilise des nanostructures métalliques pour contrôler la lumière aux échelles nanométriques sub-longueur d'onde. Il y a un intérêt croissant pour la combinaison des propriétés photoniques de colorants organiques et la plasmonique, avec pour objectif de passer des composants plasmoniques passifs à de nouveaux composants actifs (sources, convertisseurs… ). Dans ce contexte, une collaboration saclaysienne, entre le SPEC/LEPO et l'équipe de Sylvain Barbay du C2N, a développé un matériau composé de molécules organiques fluorescentes auto-assemblées, qui présente une association unique de propriétés permettant de maximiser l’interaction entre les molécules et les plasmons supportés par une surface d’or.

Le système étudié présente trois avantages décisifs :

  • La densité des molécules obtenue par adsorption directe est maximale. Elle est en particulier bien plus importante que ce qui est rapporté dans la littérature, où le matériau déposé sur la surface métallique est généralement composé d’une matrice polymère dopée par des molécules actives.
  • Les molécules adsorbées ont leur moment dipolaire orienté perpendiculairement à la surface métallique, selon la direction principale du champ électromagnétique des plasmons de surface.
  • Le recouvrement entre les orbitales π-conjuguées des molécules adjacentes donne naissance à une excitation collective des molécules (de type « exciton de transfert de charge de Frenkel », qui possède une forte force d’oscillateur. Cet exciton donne naissance à une bande d’absorption de faible largeur spectrale, dont la longueur d'onde associée est compatible avec celle d'un plasmon se propageant avec peu de pertes.
a) Topographie d’un film auto-assemblé mesuré par microscopie par force atomique, b) Coupe présentant la topographie le long de la ligne rouge indiquée en a), montrant l’arrangement de molécules verticales, c) représentation d’une molécule formant l’auto-assemblage,

Cette couche ordonnée se fabrique simplement par évaporation sous-vide des molécules, sur une surface d’or, dans des conditions bien définies (Vitesse de dépôt 0.2 nm/ minute, température de surface : 200 °c) favorisant l'auto-assemblage.

La relation de dispersion (vecteur d'onde-énergie) du système a été mesurée par réflectivité résolue spectralement et en angle. L’excitation des modes du système se traduit notamment par une absorption et donc une baisse de la réflectivité (zone rouge sur la figure ci-contre). L'anticroisement observé (points noirs) entre la courbe non dispersive du mode excitonique (énergie fixe de 2.19 eV, selon la ligne horizontale en pointillé bleu) et le mode de plasmon dispersif (courbe en pointillé bleu) est la traduction directe de la présence d'un couplage fort entre ces deux modes en absorption.

Dans une dernière étude, le spectre de luminescence résolue en angle a été étudié. L’émission de ce système moléculaire montre un large décalage de Stokes (énergie d’émission décalée vers les basses énergies par rapport à l’énergie d'absorption). L’émission spontanée incohérente par nature, ne peut donc être réabsorbée par les molécules du film moléculaire. Un couplage fort ne peut donc être obtenu en émission, mais simplement une forte émission dans la branche inférieure résultant du couplage fort à l'excitation.

L’étude de ce système organisé se démarque ainsi des réalisations précédentes qui utilisent des molécules désordonnées et diluées dans des matrices : la forte densité de la structure moléculaire auto-assemblée conduit à la réalisation d'un système où un couplage fort entre plasmon de surface et exciton a pu être observé et largement étudié. Cette compréhension des phénomènes au sein de tels systèmes est un guide précieux pour la réalisation de nouvelles architectures hybrides mettant en jeu des modes plasmons de surface et des couches moléculaires organiques, à la recherche d'un système permettant l’émission d’un rayonnement cohérent.

Relation de dispersion expérimentale montrant le couplage fort entre le plasmon de surface  et l’exciton à 2.19 eV. Points bleus : relations de dispersion théorique de l’exciton (droite horizontale) et du plasmon, sans couplage entre eux. Les courbes pointillées noires montrent les deux branches hybrides exciton-plasmon, issues du couplage fort.

Référence :

[1] Strong coupling between self-assembled molecules and surface plasmon polaritons
J. Bigeon, S. Le Liepvre, S. Vassant, N. Belabas, N. Bardou, C. Minot, A. Yacomotti, A. Levenson, F. Charra, and S. Barbay, Journal of Physical Chemistry Letters 8, 5626 (2017)


Contact CEA-IRAMIS : Simon VASSANT (SPEC/LEPO)

Collaboration :