C’est bien connu, l’or brille et c’est l’une des raisons de son succès ! A l’état de nanoparticule, son aspect « doré » disparait, mais sous forme de nanoparticules il présente des propriétés de luminescence assez inattendues, compte-tenu de son très faible rendement quantique (10-10) pour la réémission d'un photon après excitation.
Ainsi, une très forte luminescence visible (centrée dans le vert) est observée après excitation par des photons infrarouge de nanobâtonnets d'or : le signal d’un bâtonnet unique (10 nm x 40 nm) excède plus précisément de quelques millions le signal d’un fluorophore tel que la fluorescéine. Lors de son travail de thèse, Céline Molaro, a mené des études approfondies qui ont permis d’identifier l’origine de ces effets, et le rôle joué par les modes plasmons des nano-objets uniques étudiés, lors de l'absorption et de l'émission de lumière.
Les nanoparticules (NP) de métaux nobles en interaction avec la lumière sont bien connues pour pouvoir être le siège d’oscillations collectives des électrons libres de la bande de conduction. Lorsque la fréquence de l’onde incidente correspond à la fréquence propre de ces oscillations, il se produit un phénomène de résonance, appelé résonance de plasmon de surface. Pour l’or, la position spectrale de cette résonance peut être facilement ajustée depuis la gamme visible jusque dans l’infrarouge, en modulant la taille et la géométrie des NPs (voir le spectre de nano-bâtonnets sur la figure ci-contre). Ceci confére aux particules une couleur caractéristique de leur taille, et très différente de celle de l’or massif. Ceci étant, même si les NPs d’or ont perdu l’aspect brillant de l’or massif, celles-ci n’en possèdent pas moins des propriétés de luminescence non-linéaire tout à fait inattendues, les rendant particulièrement intéressantes pour, par exemple, l’imagerie en profondeur en biologie.
L’origine plasmonique de ces effets est aujourd'hui clairement établie, mais l’identification des processus impliqués continue à faire l’objet de nombreuses discussions, l’une des difficultés étant l’hétérogénéité des études rapportées dans la littérature : mesures d’ensemble ou sur des objets individuels, taille et cristallinité des objets considérés, conditions d’excitation…
Dans le cadre de sa thèse, Céline Molinaro, a mené des études résolues en polarisation de la luminescence nonlinéaire de particules colloïdales anisotropes uniques de type nano-bâtonnets, après excitation dans l’infrarouge. La topographie des objets a pu être simultanément cartographiée, de façon à corréler les propriétés optiques des nano-objets à leurs caractéristiques géométriques. Pour ce faire, un dispositif expérimental spécifique a été mis en place, couplant un microscope à force atomique à un microscope optique inversé, associés à l'excitation par les impulsions d'un laser Titane-Saphir. Une forte dépendance de la luminescence nonlinéaire avec la longueur d’onde d’excitation et l’orientation du nano-bâtonnet est alors observée (figure ci-dessous).
L’analyse de ces données a permis de mettre en évidence que le signal généré résultait de l’absorption de 2 photons par la nanoparticule, absorption exacerbée à la résonance plasmon. L'analyse spectrale de la luminescence dite à 2 photons (Two-Photon Luminescence – TPL) a été réalisée, montrant la présence de deux bandes d’émission : une première autour de λ= 550 nm, soit à une énergie proche de la transition interbande de l’or, et une seconde dans le proche infrarouge, mais en grande partie masquée par les filtres utilisés pour atténuer la lumière du laser d’excitation. Comme le montre la figure ci-dessous, le point clef concerne le très fort taux de polarisation de la luminescence visible selon l’axe transverse du bâtonnet, qui prouve le rôle joué par le mode de plasmon transverse de la particule dans l'émission de la lumière rayonnée.
On en tire alors la conclusion suivante (schéma en insertion) : l’exaltation de l’absorption de bâtonnets excités à la résonance plasmon longitudinale entraîne la création 'une forte densité de paires électron-trou. Après thermalisation, ces paires électrons-trous se recombinent radiativement et émettent via les modes de plasmon de la particule. Ce schéma d'excitation-désexcitation, tous deux renforcés par les modes plasmons des nanoparticules, est confirmé par l’étude de nano-bi-pyramides d'or présentant des caractéristiques plasmoniques très différentes (article en préparation).
Ainsi, ces études montrent que l'absorption renforcée par les modes de plasmons peut être mise à profit pour réaliser des nanosources de lumière. La très forte brillance d'émission à 2 photons de nanobâtonnets d’or en fait notamment des objets intéressants pour l’imagerie en profondeur en biologie, i.e. en utilisant une excitation dans l’infrarouge, dans la fenêtre de transparence des tissus biologiques (autour de 800 nm typiquement). L’utilisation de processus d’imagerie nonlinéaire impose cependant de développer des marqueurs fluorescents spécifiques et aussi efficaces que possible afin de limiter la dégradation des tissus, ce qui reste encore actuellement un défi. D’un point de vue plus fondamental, en tirant parti de l’expertise acquise lors de la thèse de Céline Molinaro, notre objectif est désormais d’approfondir la dynamique des électrons chauds générés suite à l’excitation de modes plasmons et de déterminer les paramètres clefs permettant de contrôler leur relaxation (transfert de charges, échauffement local …).
Référence :
Two-photon luminescence of single colloidal gold nanorods: revealing the origin of plasmon relaxation in small nanocrystals,
C. Molinaro, Y. El Harfouch, E. Palleau, F. Eloi, S. Marguet, L. Douillard, F. Charra, and C. Fiorini-Debuisschert, J. Phys. Chem. C 120, 23136 (2016).
« Etude par luminescence à deux photons des propriétés plasmoniques de nano-objets uniques métalliques ou hybrides«
Céline Molinaro, thèse soutenue le 21 Octobre 2016.
Contact CEA : Céline Fiorini-Debuisschert, DRF/IRAMIS/SPEC, Laboratoire d'Electronique et nanoPhotonique Organique (LEPO)
Collaboration :
- Céline Molinaro, Yara El Harfouch, Etienne Palleau, Fabien Eloi, Ludovic Douillard, Fabrice Charra et Céline Fiorini-Debuisschert,
Service de Physique de l'Etat Condensé (IRAMIS/SPEC UMR 3680 CEA-CNRS), CEA Saclay - Sylvie Marguet, Service Nanosciences et Innovation pour les Matériaux, la Biomédecine et l'Énergie (IRAMIS/NIMBE – UMR 3685 CEA-CNRS), CEA Saclay.