Nanoélectronique : observer en direct la compression de la lumière

Nanoélectronique : observer en direct la compression de la lumière

Contact : Ludovic DOUILLARD

Ludovic Douillard1, Fabrice Charra1, Zbigniew Korczak1, Renaud Bachelot2, Sergei Kostcheev2, Gilles Lerondel2, Pierre-Michel Adam2 and Pascal Royer2

1CEA-Saclay, DSM/IRAMIS/SPCSI Service de Physique et Chimie des Surfaces et Interfaces,
2Laboratoire de Nanotechnologie et d’Instrumentation Optique, ICD CNRS FRE 2848, Université de Technologie de Troyes

Depuis les tous débuts de l'électronique, les efforts technologiques se sont poursuivis pour réaliser des circuits de plus en plus fins et permettant de traiter l'information à des fréquences de plus en plus élevées. Ainsi les dispositifs électriques, puis électroniques se sont miniaturisés, complexifiés (les micro-processeurs de nos ordinateurs) mais restent limités à des fréquences d'utilisation de l'ordre du gigahertz (1 GHz=109 Hz, 30-300 GHz en laboratoire). Les fréquences optiques sont un million de fois plus élevées (1015 Hz) mais les limites spatiales imposées par la longueur d'onde de la lumière (de l'ordre du micron) empêchent la très haute intégration de composants optiques.

Une solution intermédiaire peut être obtenue en convertissant le signal lumineux en plasmon (ou oscillation de charge : les électrons oscillent par rapport au réseau des noyaux atomiques), mais à condition de le faire à la surface d'un conducteur de taille nanométrique.

Champ électro-magnétique et plasmons peuvent en effet être fortement couplés : la lumière incidente excite le plasmon et un plasmon, par effet d'antenne, rayonne. Si pour un objet de forte épaisseur, la longueur d'onde associée au plasmon reste du même ordre que celle de l'onde optique, il n'en est plus de même lorsque la dimension transverse de l'objet devient inférieure à la profondeur nanométrique de pénétration de l'onde (typiquement < 30 nanomètres). Un plasmon est alors créé sur chacune des interfaces, et par interférence deux modes de plasmon distincts sont obtenus. Un de ces modes (appelé plasmon lent) à la propriété d'osciller à la fréquence de l'onde lumineuse et d'avoir une longueur d'onde très inférieure à celle de l'onde d'excitation (parfois mieux qu'un facteur 10, selon les conditions) !

a) Fil d’or de 30 nm de diamètre et 4 µm de long. b) Observation PEEM du signal d’électrons émis montrant les interférences entre la lumière incidente et le plasmon qui se propage le long du fil. Rectangle blanc : barre d’échelle, 1 µm.

Ces principes étaient connus, mais il restait à les observer concrètement. Il est possible de visualiser et d'étudier les plasmons excités par la lumière en observant leur désexcitation non radiative sous la forme d'émission d'électrons. L'idée a alors été d'utiliser un microscope PEEM (Photo Emission Electron Microscopy) qui permet en effet d'obtenir une image avec une très bonne résolution des zones émettant des électrons. La première figure ci-dessus montre ainsi l'émission issue d'un fil d'or. Les modulations d'intensité résultent des interférences entre le plasmon lent et l'onde lumineuse d'excitation.

La seconde image ci-contre montre l'émission électronique d'un réseau de bâtonnets de taille croissante (entre 50 nm et 1 µm). Seules les antennes dont les modes d'excitation de plasmons sont résonnants avec le signal lumineux sont excitées et émettent. L'observation a pu être reproduite par le calcul.

Emission d’un réseau de bâtonnets de taille croissante. Seuls les bâtonnets dont la longueur autorise la résonance avec l’onde incidente sont excités et émettent des électrons. Ceci montre les effets d’antenne (réceptrice) à l’échelle nanométrique.

Enfin la dernière image à très haute résolution montre le premier mode (λ/2) d'excitation plasmon d'un bâtonnet de 100 nm de long par de la lumière de longueur d'onde 807 nm. La longueur d'onde est ici réduite d'un facteur 3.

Ces expériences prouvent ainsi qu'en convertissant l'information d'un signal optique vers un plasmon lent, on a la possibilité recherchée de concilier haute fréquence et faibles dimensions spatiales. La condition essentielle pour obtenir cette réduction de longueur d'onde est de réaliser des structures avec une dimension transverse inférieure à typiquement 30 nm (franchir le mur du « nano » !) . Le chemin est encore long avant la réalisation de dispositifs complexes, mais les expériences réalisées au laboratoire du SPCSI montrent la réalité du principe et leur faisabilité.

L. Douillard, F. Charra, Z. Korczak, R. Bachelot, S. Kostcheev, G. Lerondel, P.-M. Adam, and P. Royer, Nano Letters 8(3) (2008) 935.

Voir aussi :

Visualisation par PEEM de l’excitation du mode de plasmon λ/2 d’un bâtonnet de 100 nm de long par de la lumière à 807 nm. Rectangle blanc : barre d’échelle, 100 nm.