L'électromagnétisme classique permet de rendre compte de l'ensemble de l’optique usuelle. Mais il existe des phénomènes lumineux qui ne peuvent être compris que dans le cadre de la mécanique quantique, tels que le paquet d’onde à un photon unique, ou encore l'émission de paires de photons intriqués…
Cette possibilité « d’intriquer » deux objets arbitrairement distants est une des conséquences les plus spectaculaires de la physique quantique : l’état des deux objets doit alors impérativement être décrit de façon globale, et les corrélations qui existent entre eux imposent de les traiter comme un système unique. Ainsi l’obtention et la caractérisation d’états dits « non classiques » du rayonnement est une part majeure de l’optique quantique, qui a notamment permis l'observation de la violation des inégalités de Bell par le groupe d’Alain Aspect, confirmant l’intrication des deux photons détectés.
Les équipes « nanoélectronique » et « quantronique » de l'IRAMIS/SPEC viennent de montrer qu’une jonction Josephson (jonction supraconducteur/non supra/supraconducteur) couplée à deux résonateurs micro-onde, peut constituer une source particulièrement simple et brillante de rayonnement non classique. Plus précisément, nous avons montrés que les fluctuations relative d’amplitude des deux résonateurs sont supprimées au dessous de la limite classique. Nous montrerons leur intrication dans une expérience à venir.
On a pu assister au cours des dernières années au développement rapide de l’optique quantique avec des photons micro-ondes, qui présentent des avantages les rendant complémentaires des photons optiques : leur fréquence, sensiblement inférieure, permet de les guider aisément grâce à des guides d’onde unidimensionnels couplés à des « atomes artificiels » réalisés à partir de jonctions Josephson (constituées de deux électrodes supraconductrices séparées par une fine barrière isolante). Ces atomes artificiels ont permis la production d’états non classiques du champ électromagnétique, notamment celle d’un état arbitraire d’un résonateur, ainsi que celle des états « NOON » de deux résonateurs (formés de la superposition cohérente de l’état à N photons dans le premier résonateur et de 0 photon dans le second, et de 0 photon dans le premier et N dans le second).
Notre équipe a récemment démontré qu’une jonction Josephson couplée à un résonateur micro-onde peut constituer une source particulièrement simple et brillante de rayonnement non classique. Nous avons montré qu’en appliquant aux bornes de la jonction une tension appropriée, celle-ci est parcourue par un courant de paires de Cooper émettant chacune un ou plusieurs photons dans le résonateur. L’origine de ce rayonnement est l’impulsion de courant créée dans le résonateur par le passage d’une paire de Cooper. Nous avons également observé l’émission d’une paire de deux photons de fréquences différentes par une même paire de Cooper [1].
Figure 1 : Notre échantillon est constitué d’un SQUID (boucle supraconductrice interrompue par deux jonctions Josephson) polarisé en tension. Ce SQUID , qui constitue une jonction Josephson réglable, est placé à la fin d'un résonateur micro-onde, lui-même couplé à une ligne de transmission coaxiale, où sont émis les photons. Dans la pratique, on utilise un double résonateur quart d’onde présentant des résonances aux fréquences νn=(2n+1)ν0 où ν0=6GHz.
Nous avons ensuite montré, grâce à des mesures de corrélations, que ce dernier processus permet d’intriquer les composantes du champ électromagnétique d’une ligne coaxiale à deux fréquences différentes. Un des avantages de ce dispositif, outre sa grande simplicité, est qu’il permet d’émettre un flux de photons beaucoup plus fort que ceux fondés sur l’utilisation d’atomes artificiels. Ceci permet notamment d’exacerber les effets de l’émission stimulée, que nous sommes en train d’étudier.
Figure 2 Tirée de [1]
a) Principe de l’expérience : une paire de Cooper traverse la jonction Josephson (dans la pratique un SQUID) polarisée à une tension V en émettant un ou plusieurs photons dans un des modes propres du résonateur micro-onde (représentés par les paraboles violettes). Ce processus n’est possible que si la somme des énergies des photons émis est égale à 2eV, fournie par le générateur lors du passage de la paire de Cooper.
b) Schéma de l’expérience: un SQUID (boucle supraconductrice interrompue par deux jonctions Josephson) est placé à la fin d’un double résonateur quart d’onde de fréquence fondamentale ν0=6GHz, connecté à une ligne de transmission et à une T de polarisation, permettant de séparer les composantes haute fréquence du courant (correspondant à l’émission des photons), et basse fréquence (correspondant au flux moyen de paires de Cooper au travers de la jonction). Le taux d’émission des photons Γph est déduit de la mesure de la puissance micro-onde émise après amplification par un amplificateur cryogénique. Le taux de passage est déduit de la mesure du courant basse fréquence traversant la jonction , obtenue en mesurant la chute de tension aux bornes d’une résistance de 1kΩ placée en série avec la jonction.
[1] Bright side of the coulomb blockade,
M. Hofheinz, F. Portier, Q. Baudouin, P. Joyez, D. Vion, P. Bertet, P. Roche, and D. Esteve Phys. Rev. Lett., 106, 217005 (2011)
Contact CEA-IRAMIS/SPEC : Fabien Portier.