La métrologie (spectroscopie, mesures de temps ou de distances) ou encore la réalisation de réseaux optiques quantiques nécessitent des sources de photons uniques efficaces. Une équipe du SPEC à Saclay, en collaboration avec l'IQST d'Ulm en Allemagne, démontre expérimentalement une voie originale pour obtenir une source de photons microonde uniques, simple, efficace et brillante. Cette nouvelle voie exploite un régime de fort couplage lumière-matière rendu accessible grâce aux développements récents des circuits électriques quantiques. |
Les matériaux supraconducteurs sont des matériaux présentant une résistance électrique parfaitement nulle en-dessous d’une température appelée température critique et qui varie d’un composé à l’autre. Ils sont déjà largement utilisés dans divers domaines comme le transport d’électricité, la médecine, l’électronique. Les cuprates constituent la famille de supraconducteurs possédant les plus hautes températures critiques connues à ce jour, permettant ainsi un usage des propriétés supraconductrices à des températures facilement atteignables (température de liquéfaction de l’azote). Cependant, le mécanisme microscopique à l’origine de la supraconductivité dans les cuprates demeure inconnu à ce jour, après plus de trente ans de recherche intensive.
L’un des phénomènes les plus mystérieux observés dans les cuprates supraconducteurs est un phénomène commun à plusieurs familles de supraconducteurs non conventionnels ainsi qu’à divers métaux : la résistance électrique de ces matériaux, dans l’état non-supraconducteur et dans une région spécifique de leur diagramme de phases, varie linéairement avec la température à basse température. Ce comportement est différent de ce que l’on attend normalement dans les métaux conventionnels, qui présentent eux une variation quadratique en température, d’où le nom de "métal étrange" pour ces familles particulières. Cette observation dans les cuprates, dans la limite T→0 (permise grâce à la suppression de la supraconductivité par un champ magnétique intense), est faite près du point critique de la phase pseudogap [1-3], une phase particulière dont une meilleure compréhension apporterait des indices cruciaux sur l’origine de la supraconductivité et des hautes températures critiques dans ces matériaux [4].
Ce phénomène de résistivité linéaire en température fait partie des énigmes majeures des supraconducteurs à haute température critique et sa compréhension théorique pourrait, d’après certains chercheurs, dépasser le cadre même de la matière condensée, influençant des domaines comme celui des hautes énergies (trous noirs, gravité) [5].
C’est dans ce cadre qu’une collaboration entre des chercheurs du SPEC, du Laboratoire de Physique des Solides, du Laboratoire National des Champs Magnétiques Intenses et du Département de Physique de l’Université de Sherbrooke (des laboratoires tous membres du Laboratoire International Associé "Circuits et Matériaux Quantiques"), a récemment publié dans le journal Nature Physics [6] (voir également Quanta Magazine) la mise en évidence de l’universalité de ce phénomène de résistivité linéaire en T dans les cuprates fortement dopés.
Fig.2 Résistivité en fonction de la température pour l’échantillon film mince Bi2Sr2CaCu2O8+δ de dopage p = 0.23 mesuré. Un champ de 55 T est appliqué le long de l’axe c pour supprimer la supraconductivité en-dessous de la température critique.
Ces travaux ont en effet révélé, grâce à l’utilisation de champs magnétique intenses développés au Laboratoire National des Champs Magnétiques Intenses de Toulouse, l’existence de ce phénomène près du point critique de la phase pseudogap dans un nouveau cuprate (Bi2Sr2CaCu2O8+δ), très différent des autres cuprates qui avaient démontré un tel comportement jusqu’à présent (Fig.1 et 2).
En comparant différents cuprates présentant une résistivité linéaire en température à basse température, les chercheurs ont pu mettre en évidence une limite commune à la quantité d’énergie que les électrons peuvent dissiper. Elle correspond à la limite de Planck, ou Planckienne, qui est la limite supérieure de dissipation permise par la mécanique quantique, du fait du principe d'incertitude d'Heisenberg entre temps et énergie.
Cette limite Planckienne est également retrouvée dans les autres métaux présentant le phénomène de résistivité linéaire en température [7]. L’observation de cette caractéristique universelle dans les cuprates, comme dans d’autres familles de métaux, ouvre la voie à de nouvelles avancées des modèles théoriques décrivant la structure électronique des cuprates supraconducteurs et des métaux étranges en général.
Références :
(*) Dans l'article : "Universal quantum phenomenon found in strange metals"" de Quanta Magazine du 19 novembre 2018,
l'hypothèse suivante est proposée : le régime de résistivité observé dans certains supraconducteurs haute température serait lié à un état de corrélation quantique électronique où "l'énergie (des électrons) se dissiperait aussi rapidement que possible, en respectant le principe d'incertitude d'Heisenberg". L'article fait le lien avec le régime de perte de l'information au sein d'un trou noir qui atteindrait une limite "Plankienne" de même nature.
Contact CEA-IRAMIS :
Collaboration :
La collaboration rassemble des chercheurs français et canadiens du Laboratoire International Associé (LIA) : "Laboratoire de Circuits et Matériaux Quantiques".
• Physics, chemistry, nanoscience and materials around large instruments › Physique de la matière condensée, étude par l’interaction rayonnement matière
• Institut Rayonnement Matière de Saclay • IRAMIS: Saclay Institute of Matter and Radiation • UMR 3680 - Laboratory of Condensed Matter Physics (SPEC) • UMR 3680 - Service de Physique de l'Etat Condensé (SPEC)