Le procédé Langmuir-Blodgett est une façon élégante d’obtenir des couches minces d’épaisseur monomoléculaire. L’équipe LEPO du SPEC a ainsi réalisé des couches de pérylène-diimide (PDI), un colorant aux propriétés optiques intéressantes. Ce type de molécule présente en effet une forte absorption lumineuse dans le visible, ce qui lui ouvre de multiples possibilités comme élément actif dans les procédés optoélectroniques ou pour le photovoltaïque.
Par la présente étude, l’équipe du SPEC/LEPO fait le lien entre la structure de la couche ainsi préparée et ses propriétés optiques, lien indispensable pour développer de nouveaux matériaux photoniques aux propriétés ajustables.
Lorsque des molécules organiques, s’assemblent en phase condensée, elles acquièrent des propriétés optiques bien distinctes de celles observées pour la molécule individuelle ou en solution. Ces changements sont liés aux interactions intermoléculaires, fonction de la distance entre molécules et de leur orientation relative, qui modifient leurs niveaux d’énergie électroniques. L’organisation spatiale des molécules au sein du matériau joue ainsi un rôle crucial dans la détermination de ses propriétés optiques.
Parmi ces molécules, les molécules de colorant pérylène-diimide (PDI) sont particulièrement étudiées en raison de leur absorption dans le visible, de leur forte photo-stabilité et de leur potentiel pour de nombreuses applications en photonique. Les molécules de PDI sont des molécules planes et allongées, et leur orientation par rapport à un substrat et la distance qui les sépare sont des paramètres clés à connaître pour bien comprendre leurs propriétés.
Afin d’étudier l’influence de cette organisation moléculaire sur les propriétés optiques des PDI, l’équipe du SPEC/LEPO a élaboré des monocouches de ces molécules sur un substrat de verre en utilisant la technique de Langmuir-Blodgett. Cette méthode permet d’obtenir une couche monomoléculaire à la surface de l’eau, puis de transférer cette monocouche sur un support solide, ici du verre. Les molécules ainsi transférées peuvent alors présenter trois orientations : “à plat”, debout alignées sur leur longueur (“edge-on”) ou debout alignées verticalement (“head-on”) – Voir Figure 1.a.
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Figure 1. a) Les 3 orientations possibles des molécules de PDI sur une surface de verre. b) Après une excitation laser locale de la monocouche de PDI, la photoluminescence collectée par un objectif est enregistrée dans le plan focal. L’image obtenue (b) donne l’orientation du dipôle émetteur, liée à l’orientation de la molécule. c) Image simulée pour un dipôle unique parallèle à la surface. L’accord obtenu montre que l’orientation des molécules adsorbées est préférentiellement « edge on ».
Pour cette étude, différentes techniques optiques ont été combinées :
- Micro-absorption : cette technique révèle la présence d’une bande d’absorption caractéristique d’une forte interaction π-π entre les molécules, ce qui suggère une forte interaction entre des molécules proches. Cette observation élimine une organisation « à plat ».
- Photoluminescence : Après une excitation lumineuse locale à 532 nm, une large bande d’émission (600- 850 nm) est observée. Une figure de la photoluminescence est enregistrée dans le plan focal d’un objectif collecteur. En comparant le motif de photoluminescence obtenu (Figure 1.b) pour cette monocouche de PDI au motif théorique calculé (Figure 1.b et c) il est possible de conclure que l’orientation préférentielle du dipôle émetteur, et donc de l’axe principal des molécules adsorbées est “edge-on”.
- Polarisabilité : des mesures d’absorption en fonction de l’angle d’incidence montrent que la polarisabilité des molécules est maximale selon la direction parallèle à la surface, ce qui confirme l’orientation “edge-on” des molécules.
L’ensemble des résultats obtenus montrent de façon consistante que les propriétés optiques sont fonction de l’orientation des molécules de PDI dans une monocouche de Langmuir-Blodgett transférée sur une plaque de verre. Ce résultat ouvre de nouvelles perspectives pour la conception de matériaux photoniques aux propriétés ajustables, en jouant sur l’organisation moléculaire.
Référence :
N. Fabre, R. Trojanowicz, L. Moreaud, C. Fiorini-Debuisschert, S. Vassant, and F. Charra, Langmuir 39 (50) (2023) 18252.
Contact CEA : Nicolas Fabre, Université Paris-Saclay SPEC/LEPO – UMR CEA-CNRS.