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Univ. Paris-Saclay
27 août 2020
Photopolymérisation plasmonique : une voie de synthèse simple d’objets nanométriques hybrides fonctionnels

L’interaction de la lumière visible avec un objet métallique conducteur se traduit par un large spectre d’absorption, pouvant présenter des résonances "plasmon" qui correspondent à des oscillations collectives des électrons proches de la surface du métal. Lorsqu’un tel "plasmon de surface" est excité, une grande quantité d’énergie peut se concentrer autour de points localisés, à une échelle nanométrique bien inférieure à la longueur d'onde utilisée. Il est alors possible de mettre à profit ces résonances pour façonner la matière par des réactions de chimie locale, en particulier des réactions photosensibles.

Les travaux rapportés ci-dessous illustrent l’emploi de tels concentrateurs de lumière comme supports de réactions de photopolymérisation pour la fabrication de nano-objets hybrides d’intérêt technologiques, tels que des capteurs biochimiques, des sources de lumière nanométriques et des interrupteurs pour la photonique.

 

Sur un plan pratique, la géométrie de l’objet hybride final est conditionnée à celle de l’objet métallique support au travers de sa distribution de champ électrique. Le premier travail traite de ces aspects amont. Il introduit une méthode simple de prédiction des cartes de champ électrique de nanoparticules métalliques de géométries canoniques : prisme, cube, hexagone, disque, sphère, etc. Cette méthode s’appuie sur la théorie des groupes et permet de décrire en quelques minutes la réponse plasmonique de particules de groupes ponctuels de symétrie fini ou infini, là où des simulations numériques avancées (toutefois plus précises) nécessiteraient des heures de calcul. La validation expérimentale de cette approche générale est conduite sur un jeu représentatif de particules colloïdales d'or (voir Fig. 1). Elle consiste en l’acquisition de cartes du champ électrique particulaire à l’échelle nanométrique au moyen de la microscopie de photoémission d’électrons (PEEM). Ces cartes montrent une forte anisotropie pilotable par voie optique et confirment l’intérêt de l’emploi de résonateurs plasmoniques pour la manipulation du champ électrique à petite échelle. Ce travail est le fruit d’une collaboration étroite de deux groupes de recherche CEA NIMBE & SPEC.

 
Photopolymérisation plasmonique : une voie de synthèse simple d’objets nanométriques hybrides fonctionnels

Fig. 1. Plasmonique & Théorie des groupes. Cartes de champ électrique d’une nanoparticule d’or hexagonale sous excitation optique, pour différentes polarisations ((a) et (b)) du champ électrique incident. Les images de microscopie PEEM sont comparées aux prédictions de la théorie des groupes.

Les nanosources plasmoniques hybrides, constituées de l’assemblage d’une antenne optique et d’un milieu optiquement actif, ici des émetteurs ponctuels de type boites quantiques, ouvrent la voie au contrôle fin de la lumière. Les performances de tels objets restent toutefois conditionnées au positionnement précis, à l'échelle nanométrique, du milieu actif. Une opération délicate, difficile à mener à bien en routine. A ce jour, les méthodes de nanofabrication couramment accessibles conduisent à une distribution isotrope du milieu actif. Un consortium international de laboratoires du CNRS et du CEA (L2n-UTT, CINTRA CNRS NTU Thales, IS2M CNRS Univ. Strasbourg, CEA NIMBE, CEA SPEC, Univ. Paris Saclay) et d’universités (franco)chinoises (SHU UTSEUS, SUSTech) et singapourienne (NTU) est parvenu à lever cette limite. La méthode de fabrication consiste à fixer les émetteurs quantiques du milieu actif à des monomères qui, sous l’effet d’une impulsion lumineuse, vont (photo)polymériser selon les lignes de fortes surintensités locales du champ électrique du résonateur plasmonique support. En fin de réaction, le volume de matière réticulée épouse fidèlement la carte de champ proche de l’objet et les émetteurs quantiques se retrouvent ainsi naturellement emprisonnés dans les zones de forts champs du nanoobjet central. Après polymérisation, ces objets hybrides révèlent un comportement d’interrupteur tout optique, ouvert ou fermé selon la polarisation de l’impulsion lumineuse incidente (voir Fig. 2). La réponse optique du milieu actif est en effet conditionnée par la distribution du champ proche électrique de la particule antenne. Ces différents états d'émission de lumière sont mis en évidence par mesures de photoluminescence. En diminuant la concentration de boites quantiques dans la formulation monomère, il est possible de piéger un unique émetteur quantique à proximité de la particule métallique. Ces derniers objets se comportent comme des sources de photons uniques, contrôlables par la polarisation du champ excitateur.

 
Photopolymérisation plasmonique : une voie de synthèse simple d’objets nanométriques hybrides fonctionnels

Fig. 2. Nanosource de lumière. Schéma de principe d’une nanosource de lumière hybride obtenue par photopolymérisation plasmonique. L’ajout d’émetteurs quantiques (points rouges, milieu actif) à la formulation monomère (jaune foncé) permet un positionnement de ces émetteurs conforme à la carte de champ électrique du résonateur plasmonique (nanocube d’or). (a) Lors d'une première étape de polymérisation, les émetteurs quantiques se retrouvent piégés dans le champ proche de l'objet métallique (polarisation n°1). Tout éclairement ultérieur suivant la polarisation n°1 se traduit par une forte réponse lumineuse du milieu actif ("état allumé"). (b) Un éclairement sous polarisation n°2 ne génère pas de champ à la position des émetteurs et l'état optique de l'objet hybride demeure "éteint". Cet objet hybride constitue un commutateur tout optique pilotable par polarisation.

Par-delà les applications optiques, les nanoparticules hybrides offrent une large palette de propriétés, utiles aussi bien pour la biologie que pour la mesure d’espèces gazeuses atmosphériques. Ces nanoparticules demeurent cependant difficiles à synthétiser et à fonctionnaliser avec précision. Nous proposons une nouvelle méthode de fonctionnalisation basée sur une photopolymérisation en deux étapes, localement activée par les surintensités de champ électrique d’un résonateur plasmonique sous excitation lumineuse. L’intérêt de la méthode réside en l’accès à une polymérisation vivante à l’échelle de l’objet. En première étape, un plasmon de surface spécifique de l’objet métallique central est excité par voie optique. La photopolymérisation plasmonique permet le greffage d’une fine couche de 1 à 2 nm d’épaisseur de photopolymère sur des zones de la surface de l’objet conformes à la distribution nanométrique du champ plasmon. La présence d’espèces dormantes réactivables au sein de cette première couche autorise la conduite d’une seconde étape fonctionnelle de photopolymérisation – polymérisation vivante. Un second greffage peut ainsi être mené avec un large choix de monomères et n’intervient que sur les zones dessinées à la première étape, comme le confirment les observations par microscopie électronique en transmission MET (voir Fig. 3). Pour preuve de concept, les chercheurs ont greffé en étape 2 des monomères fluorés pour rendre la nanoparticule localement hydrophobe. Les prochaines études consisteront à conférer des propriétés localisées variées aux nanoparticules en adaptant la nature des monomères mis en oeuvre.

 
Photopolymérisation plasmonique : une voie de synthèse simple d’objets nanométriques hybrides fonctionnels

Fig. 3. Objet hybride polymère - métal. Une particule d’or (en jaune) est fonctionnalisée par greffage de deux couches successives de polymères distincts. Les variations d’intensité du champ proche optique plasmonique de la particule métallique conduisent à une fonctionnalisation anisotrope : les couches successives de polymère sont présentes à l’équateur et absentes des pôles de la particule support. Sur les images vues du dessus de microscopie électronique en transmission (en haut), on observe (i) la particule nue en amont de l’exposition lumineuse, (ii) la particule recouverte d’une première couche de polymère réactivable (en fausses couleurs), et (iii) la fonctionnalisation par un second polymère, suite à une deuxième irradiation lumineuse.


Références :

[1] Plasmonics of regular shape particles, a simple group theory approach, S. Mitiche, S. Marguet, F. Charra, L. Douillard, Nano Research 13, 1597 (2020)

[2] Hybrid plasmonic nano-emitters with controlled single quantum emitter positioning on the local excitation field, D. Ge, S. Marguet, A. Issa, S. Jradi, T. Hoa Nguyen, M. Nahra, J. Béal, R. Deturche, H. Chen, S. Blaize, J. Plain, C. Fiorini, L. Douillard, O. Soppera, X. Quyen Dinh, C. Dang, X. Yang, T. Xu, B. Wei, X. Wei Sun, C. Couteau, R. Bachelot, Nature Communications 11, 3414 (2020)

[3] Plasmon-triggered living photopolymerization for elaboration of hybrid polymer/metal nanoparticles, F. Kameche, W. Heni, S. Telitel, D. Ge, L. Vidal, F. Dumur, D. Gigmes, J. Lalevée, S. Marguet, L. Douillard, C. Fiorini-Debuisschert, R. Bachelot, O. Soppera, Materials Today (2020), In press

Contact CEA : Ludovic Douillard (SPEC/LEPO), Sylvie Marguet (NIMBE/LEDNA)
Contact UTT : Renaud Bachelot (L2N, CNRS/Université de technologie de Troyes)
Contact CNRS : Olivier Soppera (IS2M, CNRS/Université Haute Alsace)

Collaboration :

  • SPEC, UMR 3680 CEA-CNRS : Service de physique de l’état condensé [1,2,3]
  • NIMBE, UMR 3685 CEA-CNRS : Laboratoire Nanosciences et innovation pour les matériaux, la biomédecine et l’énergie [1,2,3]
  • IS2M, CNRS/Université Haute Alsace : Institut de Sciences des Matériaux de Mulhouse [2,3]
  • L2N, CNRS/Université de technologie de Troyes : Laboratoire Lumière, Nanomatériaux et Nanotechnologies [2,3]
  • CINTRA, CNRS-International-NTU-Thales Research Alliance, Singapour [2]
  • Thales Solutions Asia Pte Ltd, R&T Department, Singapour [2]
  • School of Electrical and Electronic Engineering, Nanyang Technological University, Singapour [2]
  • School of Mechatronic Engineering and Automation, Key Lab of Advanced Display and System Application, Shanghai University, Chine [2]
  • UTSEUS, Université de technologie sino-européenne de Shanghai, Chine [2]
  • EEE, Department of Electrical and Electronic Engineering, Southern University of Science and Technology, Chine [2]
  • Shenzhen Planck Innovation Technologies Co. Ltd, Chine [2]
  • ICR, CNRS/Aix Marseille Université : Institut de chimie radicalaire [3]
 
#3273 - Màj : 03/09/2020

 

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