Brèves de l’IRAMIS n° 336 (Juin 2024)

Brèves de l’IRAMIS n° 336 (Juin 2024)

Vers une simulation machine learning d’agrégats chargés

Benoit Gervais (CIMAP/SIMUL)

L’intelligence artificielle et plus généralement les méthodes de machine learning (ML) ont fait leur apparition tout récemment en simulation des matériaux. Dans leur principe, elles permettent de s’affranchir de calculs longs et complexes pour obtenir des grandeurs telles l’énergie et les forces d’interaction d’un ensemble d’atomes, suite à l’entraînement d’un modèle numérique sur un ensemble de données. Dans le cadre de la thèse de Paul Guibourg, préparée au CIMAP, un modèle combinant le machine learning et la fonctionnelle de la densité en liaison forte (DFTB) a été développé. Ce modèle permet d’étudier l’émission par effet de champ, qui constitue le principe de fonctionnement de méthodes d’analyse chimique telle la sonde atomique tomographique. Plutôt que de chercher à prédire directement l’énergie et les forces comme il est habituel dans les codes ML existants, le calcul se fait en deux étapes : En premier lieu, nous prédisons les paramètres d’un modèle d’énergie électrostatique sont prédits par ML et permettent d’obtenir une bonne approximation des charges atomiques pour la DFTB.

Barrière d’émission d’un atome de carbone à partir de la surface d’un agrégat chargé de (SiC)8+37. Comparaison entre la méthode de référence SCC-DFTB et la méthode ML-DFTB développe au CIMAP.

Ces charges sont ensuite utilisées pour construire un hamiltonien de liaison forte qui donne accès à la densité électronique et in-fine à l’énergie et aux forces. La reformulation de l’énergie à partir des charges obtenues par ML assure que l’énergie soit continument dérivable pour toute dissociation moléculaire. Cette condition, essentielle pour modéliser l’émission d’atomes à partir d’une surface, est loin d’être évidente à atteindre à partir d’un modèle ML, qui par nature, prédit des grandeurs approchées. Le modèle ML-DFTB a été appliqué au carbure de silicium (figure) pour le calcul de la barrière d’émission d’un atome de carbone hors d’un agrégat chargé (SiC)8+37.

Le modèle ML-DFTB reproduit bien le calcul de référence par Self Consistent Charge (SCC)-DFTB mais avec un coût numérique 30 fois moindre. Cette méthode sera appliquée par la suite pour analyser la dynamique d’émission d’atomes à la surface d’agrégats chargés de grande taille.

DFTB simulation of charged clusters using machine learning charge inference, P. Guibourg, L. Dontot, P.-M. Anglade, and B. Gervais, J. Chem. Theory Comput., 20(9) (2024) 4007.

Contact CEA : Benoit Gervais (CIMAP/SIMUL).


Brèves des labos

Logo SPEC

Bérengère Dubrulle du SPEC reçue à l’Académie des Sciences

Bérengère Dubrulle (SPEC/SPHYNX)

Élue membre le 12 décembre 2023, dans la section « Sciences mécaniques et informatiques », Bérengère Dubrulle a été reçue le 5 juin 2024 à l’Académie des Sciences. Son discours d’entrée a porté sur ses recherches en physique des écoulements turbulents. Dans son parcours, elle a abordé des systèmes de toutes tailles, de l’échelle atomique (turbulence quantique) aux échelles planétaires (dynamique du champ magnétique terrestre ou solaire), ou suivant la formation des grandes structures de l’univers. Elle s’intéresse aujourd’hui aux fondements de la mécanique des fluides, à la recherche d’indices de singularités ou quasi-singularités de dissipation dans les fluides, et de leurs conséquences sur la physique de la turbulence. Dans ce domaine, elle s’attache également à mettre au point des modèles numériques sobres, à même de réduire l’empreinte carbone des calculs.


Challenge CEA « 3 minutes pour une invention » : 2ème prix pour Marie Kobylarski du NIMBE

Marie Kobylarski (NIMBE/LCMCE)

2ème prix du Challenge « 3 minutes pour une invention 2024 » attribué à Marie Kobylarski du NIMBE, qui a présenté son travail sur « un procédé chimique qui transforme les nylons en de nouveaux matériaux ». Ce projet fait suite à ses travaux de thèse au NIMBE/LCMCE sur la dépolymérisation et le recyclage des plastiques : « Méthodes catalytiques innovantes de réduction de liaisons carbone-oxygène appliquées à la dépolymérisation réductrice des plastiques oxygénés », soutenue le 6 décembre 2022. Félicitations à Marie pour le parcours, qui met bien en visibilité son invention et ses projets !


Dynamique d’ionisation attoseconde dans l’eau gazeuse et liquide

Gabriele Crippa (LIDYL/ATTO)

Le processus de photoionisation n’est pas instantané mais se déroule sur l’échelle de temps attoseconde (10-18 s). Le paquet d’onde électronique alors libéré devient une sonde très sensible du potentiel électrostatique sur lequel il se disperse. La métrologie de ce phénomène a été rendue possible par la spectroscopie attoseconde résultant des travaux pionniers de Pierre Agostini et Anne L’Huillier initiés au LIDYL, et qui leur a valu le Prix Nobel de physique en 2023.

Délais de photoémission de l’eau en phases gaz et liquide calibrés par rapport à une référence commune (atomes de néon). Le point expérimental jaune est l’unique mesure précédemment publiée sur l’eau liquide : I. Jordan et al., Science 369, 974-979 (2020).

Les délais de photoionisation ont principalement été mesurés dans des systèmes atomiques. Ces dernières années, de nouvelles mesures dans des systèmes moléculaires montrent que cette observable est fortement influencée par la présence de résonances de forme, ou encore par la configuration électronique du cation formé. Une question en suspens est l’influence des effets collectifs électroniques (délocalisation de la fonction d’onde initiale) ou nucléaires (liaison hydrogène) sur les dynamiques de photoémission. Pour étudier ce point, un spectromètre capable de mesurer ces délais a été développé en collaboration avec le LCPMR. La méthode utilise l’interférométrie RABBIT sur des molécules en phase gaz ou bien liquide en prenant une référence atomique constante. Grâce à cet instrument il est possible d’accéder à d’infimes délais entres les phases gazeuse et liquide de l’eau, et ceci pour la première fois dans la gamme spectrale étudiée. Leurs mesures, qui sont en cours d’analyse, contiennent des informations sur la dynamique ultrarapide d’hydratation et les corrélations spécifiques de l’état liquide.

Contact : Gabriele Crippa (LIDYL/ATTO)


Directeur de la publication : F. Daviaud – Comité de rédaction : L. Barbier, G. de Loubens – Réalisation : C. Becquet.