Elaboration, caractérisation et modélisation de films minces de chromite (Fe,Cr)3O4 pour la corrosion et la spintroniquePamella Vasconcelos (DES/ISAS/DPC) et Jean-Baptiste Moussy (SPEC) |
Les oxydes de structure spinelle de type AB2O4 (A, B = Fe, Cr) sont des composés présents aussi bien dans les couches de corrosion des aciers inoxydables que dans les dispositifs de stockage des données haute performance. Ces couches minces jouent ainsi un rôle majeur,
- ) dans les processus de corrosion généralisée en milieu aqueux car elles régissent le transport entre le matériau et le milieu,
- ) dans le domaine de la spintronique car elles offrent une large gamme de propriétés magnétiques (ferrimagnétique, anti- ferromagnétique) et électroniques (demi-métallique, semi-conducteur).
L’enjeu est ici de développer les oxydes de composition chimique Fe3-xCrxO4 (0 < x < 1.7) sous forme de couches minces et de relier les données microscopiques (état d’oxydation, ordre cationique) aux grandeurs physiques macroscopiques comme la résistance électrique ou l’aimantation. Ainsi des films monocristallins d’épaisseur nanométrique ont été réalisés par épitaxie par jets moléculaires (fig. 1). Les analyses de structure fine (spectroscopie d’absorption de rayons X) en fonction de la teneur en chrome, couplées à des calculs multiplets basés sur la théorie du champ cristallin, ont permis d’extraire l’environnement local des cations (fig. 2).
1) Elaboration par épitaxie par jets moléculaires assistée par plasma d’oxygène atomique (MBE).
2) Spectre de dichroïsme magnétique circulaire (XMCD, points noirs), au seuil L3 du fer, obtenu avec le rayonnement synchrotron (SOLEIL) couplé à des calculs multiplets (spectres de fonds colorés) afin d’extraire la valence et le taux d’occupation des cations fer, dans les sites tétraédriques (A) et octaédriques (B) de la structure spinelle.
3) Résistance électrique en fonction de la température et cycles d’aimantation à T= 300 K pour différentes concentrations en chrome (x).
4) Modèle de conduction électrique : sauts possibles pour les électrons via les sites interstitiels A et B de la maille.
Les résultats montrent que le chrome se substitue exclusivement au fer en position octaédrique, tandis que les cations fer sont redistribués dans les sites tétraédriques et octaédriques de la maille. La quantification de cette redistribution en fonction de la concentration en chrome s’est révélée cruciale pour comprendre l’évolution de la résistance électrique ou de l’aimantation des films (fig. 3 et 4). La possibilité de contrôler ces propriétés physiques démontre également les potentialités de ces oxydes pour l’optronique ou la photocatalyse.
Contact : Pamella Vasconcelos (DES/ISAS/DPC) et Jean-Baptiste Moussy (SPEC).
Le prix Wolf 2022 en physique a été décerné aux professeurs L’Huillier, Corkum et Krausz « pour leurs contributions pionnières à la science des lasers ultrarapides et à la physique attoseconde ». |
Depuis 1978, les prix Wolf sont attribués chaque année par la Fondation israélienne Wolf à des artistes et scientifiques de haut niveau. En sciences, des prix sont décernés dans cinq disciplines : la médecine, l’agriculture, les mathématiques, la physique et la chimie. En physique et en chimie, le prix Wolf est souvent considéré comme le prix le plus prestigieux après le prix Nobel.
Anne L’Huillier (Centre des nanosciences, Université de Lund), Paul Corkum (Département de physique de l’Université d’Ottawa) et Ferenc Krausz (Institut Max Planck d’optique quantique, Garching) se partagent le prix Wolf de physique 2022 pour leurs travaux novateurs et pionniers dans le domaine de la science des lasers ultrarapides et de la physique attoseconde, ainsi que pour la démonstration de l’imagerie résolue en temps du mouvement des électrons dans les atomes, les molécules et les solides.
Anne L’Huillier a débuté sa carrière en recherche dans un laboratoire du CEA – aujourd’hui le LIDYL – où elle a notamment contribué à la découverte de la génération d’harmoniques d’ordre élevé dans les gaz, base de la physique attoseconde actuelle. Aujourd’hui Professeur de physique atomique à l’Université de Lund (Suède), elle collabore toujours étroitement avec les équipes de son laboratoire d’origine. En étant récipiendaire du Prix Wolf 2022, Anne L’Huillier devient la première femme à recevoir cette récompense en 44 ans.
Synthèse directe et contrôlée de films poly(acide méthacrylique)/nanoparticules d’orFlorian AUBRIT (CIMAP) |
Florian Aubrit est diplômé de l’ENS de Paris et docteur en physico-chimie des matériaux de l’Université de Bordeaux. Après un premier post-doctorat au Laboratoire de Chimie des Polymères Organiques (LCPO), il a rejoint l’équipe MADIR du CIMAP en 2021 pour y effectuer son deuxième post-doctorat dans le cadre du projet Polysens financé par le Labex EMC3. Son travail porte sur la synthèse et la caractérisation de matériaux nanocomposites polymère/nanoparticules inorganiques, et l’étude de leur évolution sous rayonnements ionisants.
Au cours des dernières décennies, l’usage des nanocomposites s’est généralisé avec le développement des nouvelles technologies. En particulier, les nanocomposites polymères/nano- objets inorganiques sont appréciés du fait de la versatilité de leurs applications, due aux synergies inhérentes à la combinaison des propriétés des matériaux les composant. L’introduction de nanoparticules d’or au sein d’une matrice polymère organique conduit à des matériaux très hétérogènes, en terme de densité électronique et de composition chimique, à l’échelle nanométrique. Le but de l'étude est de comprendre comment la présence des nanoparticules modifie le comportement des polymères sous rayonnements ionisants.
L’influence des nanoparticules peut intervenir à plusieurs niveaux. Il peut s’agir de transferts d’électrons secondaires des nanoparticules vers le polymère, de transferts d’excitations, ou d’une activité catalytique (grâce à leur surface spécifique élevée) sur les réactions chimiques radio-induites. Dans cette optique, nous avons développé de nouveaux procédés de synthèse de nanoparticules d’or de taille contrôlée, stabilisées par le poly(acide méthacrylique) (PMAA) permettant le dépôt de films nanocomposites homogènes. La synthèse se fait directement par réduction d’un sel d’or en présence de PMAA qui sert conjointement d’agent réducteur et de stabilisant. Ce rôle double contribue à limiter le nombres d’espèces chimiques intervenant dans la synthèse. De plus, l’encombrement stérique des chaînes de PMAA permet de limiter la croissance des nanoparticules. Ainsi, la variation de concentration en PMAA dans la solution de synthèse a permis d’obtenir des nanosphères d’or de diamètres aussi petits que 2 nm, et donc de surface spécifique importante. Des études ultérieures sous irradiation permettront d’examiner l’influence de la morphologie et de la concentration des nanoparticules d’or sur l’évolution de la matrice polymère sous rayonnements ionisants. L’extension de ces études vers un polymère d’intérêt majeur, le polyéthylène (PE), est également en cours mais requiert le développement de procédés de synthèse plus complexe, du fait de la nature apolaire de ce polymère.
Contact : Florian AUBRIT (CIMAP).