Brèves de l’IRAMIS n° 291 (Octobre 2019)

Brèves de l’IRAMIS n° 291 (Octobre 2019)

Obtention d’intensités lumineuses extrêmes à l’aide de miroirs plasmas relativistes courbés optiquement

Henri Vincenti (LIDYL)

LIDYL

Un des challenges majeurs de la physique des Ultra-Hautes Intensités est de mettre au point une source de lumière capable d’atteindre des intensités supérieures à 1025 W.cm-2, à partir desquelles des effets d’électrodynamique quantique (QED) non linéaires deviennent dominants. En particulier, aux alentours de 1029 W.cm-2 (Intensité de Schwinger), le champ laser pourrait littéralement « casser le vide » et produire des paires e-/e+. Toutefois, ces intensités sont plus de 3 ordres de grandeur supérieures à l’intensité maximale délivrée par les lasers PW actuels (1022 W.cm-2). Pour les atteindre, nous proposons un changement de paradigme, en exploitant le concept de miroir plasma courbe relativiste (MPCR), qui consiste à réfléchir un laser de puissance sur un plasma se contre-propageant à vitesse relativiste et possédant une courbure de qualité optique. Au cours de la réflexion sur un tel MPCR, l’intensité du champ réfléchi est « boostée » par deux mécanismes : (i) une compression temporelle de l’impulsion incidente associée à un raccourcissement de la longueur d’onde du champ réfléchi par effet Doppler, (ii) une focalisation du champ réfléchi sur des tailles de taches bien plus petites que celle d’origine. Une telle courbure peut être obtenue grâce à la pression de radiation exercée au foyer du laser (Fig. a).

Simulation Particle-In-Cell (PIC) 3D de la focalisation du champ réfléchi par un miroir plasma relativiste courbé optiquement par pression de radiation (a) Schéma de l’interaction. (b) Intensité du champ réfléchi en fonction de la distance au miroir plasma. (c) Profil spatio-temporel d’intensité dans le plan du miroir plasma. (d) Profil spatial du champ réfléchi dans le plan du miroir plasma. (e) Idem qu’en (c) mais au foyer du miroir plasma. (f) idem qu’en (d) mais au foyer du miroir plasma.

Des simulations « premiers principes » 3D de type Particle-In-Cell (PIC) réalisées à l’aide du code PICSAR (https://picsar.net) sur le supercalculateur MIRA (20 Mh CPU-800k coeurs) démontrent que des intensités de 1025 W.cm-2 (Fig. b-f) peuvent être atteintes au foyer du miroir plasma pour un laser incident de 3PW (intensité initiale de 1022 W.cm-2). Ces conditions d’interaction étant accessibles expérimentalement, ce nouveau schéma d’implémentation du concept MPCR devrait permettre des avancées majeures en science des champs forts.

Contact : Henri Vincenti (LIDYL).


SPEC

Structures antiferromagnétiques chirales aux parois de domaines multiferroïques

Jean-Yves Chauleau (SPEC)

Les matériaux multiferroïques représentent une plate-forme de travail très intéressante sur un plan fondamental, mais aussi potentiellement au niveau applicatif. En effet, la possibilité d’écrire une mémoire avec un champ électrique et de la lire magnétiquement serait le compromis idéal pour les mémoires de demain. Le BiFeO3 en est le meilleur représentant à température ambiante. Cette ferrite de bismuth possède des propriétés fondamentales complexes à cause de la présence (et du couplage) des ordres ferroélectrique et antiferromagnétique. Cette interaction magnéto-électrique a pour conséquence la stabilisation d’une structure cycloïdale antiferromagnétique. Nous nous intéressons aux propriétés spécifiques des parois de domaines, ces régions qui séparent deux domaines ferroélectriques différents. Nous avons effectué des mesures de diffraction résonante de rayons X (Fig. a) au synchrotron Soleil (ligne SEXTANTS) sur des couches de SrTiO3/SrRuO3/BiFeO3 qui présentent une grande densité de parois parallèles. Cette technique permet de mettre directement en évidence la chiralité antiferromagnétique par l’analyse de son dichroïsme circulaire. La figure (b) montre l’existence de deux populations de cycloïdes appartenant chacune à une famille de domaines ferroélectriques (fig. c).

Textures antiferromagnétiques chirales aux parois de domaines dans l’espace réciproque : (a) géométrie de la mesure de diffraction sur une couche mince de BiFeO3 intrinsèquement en bandelettes ferroélectriques. (b) dichroïsme de la figure de diffraction magnétique montrant les deux familles de cycloïdes (sur les diagonales) et leur signature chirale : un dichroïsme (différence d’intensité diffractée de la lumière polarisée circulairement gauche et droite) opposé sur chaque tache (bleu/rouge). (c) structure magnétique cycloïdale schématisée dans l’espace réel. Les taches horizontales attestent d’une structure périodique rectangulaire correspondant à des entités chirales aux parois de domaines.

Leur caractère chiral est directement donné par le contraste positif/négatif (rouge/bleu) des spots en diagonale. Plus intéressant encore, les taches horizontales centrales sont associées à la structure magnétique des parois et mettent en évidence l’existence d’un réseau rectangulaire d’entités magnétiques chirales. Une modélisation de la configuration magnétique confirme que les cycloïdes antiferromagnétiques se raccordent aux parois en générant des « bulles » régulières pouvant être considérées comme des embryons de « skyrmions antiferromagnétiques ». Ces structures forment les premières briques d’une future spintronique topologique avec les antiferromagnétiques.

Contact : Jean-Yves Chauleau (SPEC).


Directeur de la publication : F. Daviaud – Comité de rédaction : M. Soyer, G. de Loubens – Réalisation : C. Becquet.