Les méthodes de nanostructuration de surface sont à la source de nombreux progrès en nanotechnologies. Une collaboration rassemblant des équipes française, italienne et une société franco-américaine [1] ont mis en évidence l’ouverture de nanotunnels sous la surface d’un semi-conducteur, le carbure de silicium (SiC). Ce phénomène, induit par l'interaction d'atomes d'hydrogène/deutérium (H/D) à la surface du SiC est particulièrement intéressant, du fait des propriétés intrinsèques de ce semi-conducteur. Il est aussi remarquable qu'en fonction de l'exposition à l’H/D, les nanotunnels suivent une séquence de transitions semi-conducteur/métal/semi-conducteur. Ces résultats ont été obtenus par des expériences de pointe (étude par rayonnement synchrotron, techniques de spectroscopies vibrationnelles) conjointement à des simulations théoriques.
Ce type de nanostructure à la surface du SiC, ainsi mis en évidence, peut ouvrir la voie à de nombreuses applications en électronique, chimie, stockage, ou pour des capteurs et en biotechnologie.
En nanotechnologie, une des étapes clés réside dans notre aptitude à concevoir des nano-objets à basse dimensionnalité, tels que des plots quantiques, des nano-fils, des couches atomiques bidimensionnelles ou des nano-systèmes poreux tridimensionnels. Le Carbure de Silicium (SiC), un semiconducteur à grand gap, a des propriétés structurales, thermomécaniques, électroniques et chimiques fascinantes, débouchant sur une large gamme d’applications avancées dans des dispositifs et capteurs grande puissance, hautes fréquences et hautes températures. De plus, il est résistant aux dommages des radiations et sa biocompatibilité le rend utile pour des applications biomédicales. De plus, c’est un substrat particulièrement bien adapté pour la croissance épitaxiée de graphène, avec des applications très prometteuses en électroniques et en spintronique. La contrainte est le facteur dominant dans l’organisation de la surface de SiC, entrainant la formation de plus de 10 reconstructions différentes de sa surface allant de terminaisons riches en silicium ou en carbone, et la formation auto-organisée de lignes atomiques passives ou actives et de nanofils. De plus, l’interaction d’atomes d’hydrogène (H) ou de deutérium (D) avec une surface riche en Si de 3C-SiC(001)-3×2 entraine la métallisation de surface, le premier exemple de la métallisation de la surface d’un semiconducteur par l’H [1]. Quoiqu’il existe quelques exemples de cavités générées sur une surface ou en dessous, la plupart d’entre elles sont aux échelles µm ou sous-µm, aucune n’offrant un ordre spatial.
La 1ère évidence de l’ouverture auto-organisée de nanotunnels sous une surface est montrée dans le cas d’un semiconducteur, le SiC – voir Figure. Cette découverte a pu se faire grâce à la mise en œuvre de calculs ab-initio et vibrationnels utilisant la méthode VASP dans l’environnement MedeA®, et des expériences de spectroscopie vibrationnelle et de photoémission utilisant le rayonnement synchrotron [2].
L’étape clé de l’ouverture du nanotunnel est marquée par le retournement induit par les atomes d’hydrogène des liaisons entre atomes de silicium localisés sous la surface (comme un parapluie qu’on ouvre). En fonction du taux de couverture, ces nanotunnels peuvent être soit métalliques, soit semiconducteurs, comme l’indiquent les densités états électroniques calculée et mesurée expérimentalement par photoémission utilisant le rayonnement synchrotron. Ces dernières expériences ont été effectuées au synchrotron 3ème génération SOLEIL sur la ligne de lumière TEMPO qui permet de suivre en direct le changement de la densité d’états électroniques en fonction de l’exposition à l’hydrogène. Ceci a permis d’identifier une transition semiconducteur/métal/semiconducteur en excellent accord avec les simulations théoriques comme le montre la figure ci-contre.
Les fréquences de vibration pour les surfaces 3C-SiC(001)-3×2 propres et couvertes d’hydrogène ou de deutérium mesurées par spectroscopie de pertes d’énergie à haute résolution sont aussi en excellent accord avec les fréquences calculées. Les liaisons pendantes crées à l’intérieur du nanotunnel offrent une excellente matrice pour capturer des atomes et des molécules. Ces caractéristiques dévoilent d’intéressantes perspectives pour des applications, aux échelles nanométriques, en électronique, chimie, stockage, capteurs et biotechnologie. Comprendre et contrôler un tel mécanisme ouvre à ces échelles, des routes vers la fonctionnalisation sélective de surfaces et d’interfaces.
1 – Nanochemistry at the atomic scale revealed in H-induced semiconductor surface metallization,
V. Derycke, P. Soukiassian, F. Amy, Y.J. Chabal, M. D’angelo, H. Enriquez, M. Silly, Nature Materials 2, 253 (2003).
2 – Hydrogen-induced nanotunnel opening within semiconductor subsurface
P. Soukiassian, E. Wimmer, E. Celasco, C. Giallombardo, S. Bonanni, L. Vattuone, L. Savio, A. Tejeda, M. Silly, M. D’angelo, F. Sirotti, M. Rocca, Nature Communications 4, 2800 (2013).
- Istituto Materiali per Elettronica e Magnetismo – CNR, 16146 Genova, Italy
- IRAMIS/SPCSI CEA : Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives, 91191 Gif sur Yvette, France, et Université Paris-Sud Orsay.
- Synchrotron SOLEIL, L’Orme des Merisiers, Saint-Aubin, 91192 Gif sur Yvette, France
- Materials Design Inc., Santa Fe, NM 87501, USA & Materials Design Sarl.. 92120 Montrouge, France
- Università di Genova, 16146 Genova, Italy
- Institut Jean Lamour, CNRS-Université de Lorraine, 54506 Vandoeuvre les Nancy, France
- Institut des NanoSciences Paris, CNRS-Université Pierre et Marie Curie, 75251 Paris, France
Contact CEA : Patrick Soukiassian.