Physico-Chimie et Chimie-Physique
Physico-Chimie  et Chimie-Physique

Déclenchement par laser de la réaction d'’insertion de calcium dans la molécule de CH3F sur un agrégat de gaz rare (Illustration IRAMIS/LIDYL-LFP).

Une réaction chimique dépend non seulement des atomes et des molécules mises en jeu mais aussi de leur environnement à courte distance. Comprendre le déroulement d'une réaction chimique demande ainsi une approche fondamentale prenant en compte à la fois ses aspects temporels et spatiaux. L’IRAMIS met donc en œuvre tout un ensemble de spectroscopies résolues en temps de la femtoseconde à la milliseconde avec des lasers pour étudier la dynamique de systèmes moléculaires, allant de biomolécules telles que l’ADN à des molécules chromophores pour le photovoltaïque.

Différentes problématique sont étudiées. En particulier des études conformatio-sélectives sont abordés par une double approche expérience – théorie avec des simulations de chimie quantique. Des systèmes plus complexes hors équilibre, isolés en phase gazeuse ou liés à des agrégats, sont étudiés dans le but d’identifier et de modéliser les forces qui pilotent leur dynamique réactionnelle.

 
#811 - Màj : 07/11/2022

Domaines Techniques
Les serveurs laser femtoseconde du SLIC (Saclay Laser matter Interaction Center) offrent aux chercheurs nationaux et européens des lignes de faisceaux lasers à impulsions intenses et ultra courtes pour étudier l’interaction laser matière en champs fort ou analyser la cinétique de processus ultra-rapides en chimie, physique du solide ou biologie.

Femtochimie en phase gazeuse

Laser femtoseconde
Spectroscopie et Spectrométrie en phase gazeuse
L'étude de molécules isolées permet la determination de leur propriétés intrinsèques, quelles soient spectroscopiques ou dynamiques. Il s'agit d'une approche particuliairement intéressante dans le cadre d'une démarche couplée à des calculs de chimie quantique. Les études en milieu dilué demandent l'utilisation de techniques de mesures dédiées.

Femtochimie en phase gazeuse

Isolation d'une réaction chimique dans un agrégat de grande taille. Technique CICR.

Slow PhotoElectron Spectroscopy (SPES)

Faits marquants scientifiques
L'étude des macromolécules biologiques, telles que l'ADN, l'ARN et les protéines, nécessite une connaissance préalable et approfondie des propriétés physico-chimiques de leurs briques constitutives, soit respectivement les bases nucléiques et les acides aminés. Expérimentalement, plusieurs espèces (isomères* et tautomères**) coexistent, ce qui rend très difficiles l’interprétation et la déduction des propriétés des molécules biologiquement importantes qu’elles constituent. Un consortium scientifique international, structuré autour de l’Université Paris-Est Marne-La-Vallée et comprenant notamment le LIDYL du CEA-Université Paris-Saclay et le synchrotron SOLEIL, a pu identifier en phase gazeuse, les tautomères et isomères du cation d'une base nucléique : la cytosine (C4H5N3O), en utilisant les méthodes de la chimie quantique les plus sophistiquées associées à la photoionisation VUV par imagerie de photoélectron implémentée sur la ligne DESIRS du Synchrotron SOLEIL. Ces travaux viennent de paraitre dans J. Am. Chem. Soc.


 

Dans un système hôte-invité, un petit ensemble ‑ l'invité ‑ interagit avec un grand ensemble ‑ l'hôte ‑ qui joue souvent un rôle de thermostat. Suite à l'excitation de l'invité, la relaxation de l'énergie suit diverses voies à déterminer et c'est une question importante qui se rencontre en photophysique, photochimie, photobiologie ou encore en physique de la matière condensée. Les processus associés sont responsables de phénomènes aussi importants et divers que les photo-dommages en biologie, la conversion de l'énergie lumineuse (photosynthèse et cellules photovoltaïques) ou la dégradation de l'information quantique (décohérence) du fait du couplage avec l'environnement.

Le système hôte possédant un très grand nombre de degrés de liberté électroniques et géométriques, aucune approche théorique ne permet de saisir toute la complexité du phénomène de relaxation et de nouvelles méthodes génériques doivent être établies. En physico-chimie l'équipe Dynamique Réactionnelle du LIDyL en collaboration avec le LCPQ de l'IRSAMC, a étudié expérimentalement et modélisé le système hôte-invité bien défini constitué d'un agrégat libre inerte hébergeant un atome ou une molécule. Un tel système présente le grand intérêt de pouvoir être étudié sur toutes les gammes de complexité géométrique et électronique selon que l'on joue avec la taille de l'agrégat hôte ou l'excitation électronique de l'atome hébergé, permettant ainsi de valider l'effort de modélisation.

 

L'acte chimique élémentaire est souvent associé au franchissement d'un col : 2 réactifs se collisionnent, remontent le long de la surface d'énergie potentielle fondamentale, atteignent un point selle (col) puis dévalent une vallée vers les produits de la réaction. Le paysage se complique en présence d'excitation électronique car plusieurs surfaces de potentiels sont couplées, souvent via des intersections coniques (voir Fig.1). Les surfaces de potentiel sont très déformées à leur voisinage ce qui permet des échanges ultrarapides - ~100 fs=10‑13s, voire moins - entre énergie électronique et énergie de déformation. Le groupe de Dynamique Réactionnelle du LIDyL/LFP est très impliqué dans la clarification du rôle de ces intersections. Il associe pour cela des expériences de femtochimie pompe-sonde à des approches théoriques extrêmement raffinées.

Un résultat récent sur la 2-hydroxypyridineexcitée électroniquement révèle une dynamique surprenante (Ref. et Fig.1). La molécule est excitée vers l'état S1 (Fig.1, flèche mauve), au voisinage d'un point selle, dans une zone où la configuration électronique dominante est pp*. Le paquet d'ondes ainsi formé se déplace de part et d'autre de ce point selon des trajectoires schématisées par les spaghettis rouge ou brun portés sur la figure. Le départ de la zone d'excitation se fait en 100 fs environ, essentiellement via des déformations du cycle pyridine. Il est suivi d'un comportement plus lent (durée 1.3 ps), très probablement chaotique, quand les mouvements de l'hydrogène lié à l'oxygène se couplent aux autres déformations de la molécule. Le paquet d'onde entame alors un mouvement d'errance au cours duquel il s'étale dans des zones de configuration électronique np*. Ce comportement d'errance, plusieurs fois invoqué pour interpréter des expériences non résolues en temps, n'avait encore jamais été observé directement dans une expérience de femtochimie.

Un des objectifs de la physico-chimie est de suivre de façon fine et détaillée les chemins réactionnels des différents composants au cours d'une réaction chimique. Pour ceci de nombreuses techniques ont été mises en point : études en cellules, en jets effusifs ou supersoniques, spectroscopie laser, spectrométrie de masse…

Une technique originale "Cluster Isolated Chemical Reaction" (CICR) a été développée par le groupe de Dynamique Réactionnelle du LIDyL/LFP à des fins d'études de spectroscopie et de dynamique réactionnelle [1]. Elle consiste à observer ces réactions sur un nanoréacteur, constitué d'un simple agrégat de van der Waals. Elle a été récemment appliquée avec succès au cas d'une simple goutte d'hélium refroidie, qui constitue un milieu assez fascinant, car réunissant très basse température (0.37 K), superfluidité et taille finie. Cette taille finie permet de piéger et d'isoler un nombre contrôlé de molécules et de stabiliser des complexes intermédiaires de très faible stabilité. L'étude de telles molécules apporte des informations d'une très grande précision sur les surfaces de potentiel intramoléculaire, permettant d'améliorer la fiabilité des modèles associés.

Les molécules ionisées interviennent dans beaucoup de réactions chimiques, et participent pour une part importante à la chimie de la très haute atmosphère ou des nuages interstellaires. Les données sur la spectroscopie vibrationnelle de ces ions sont ainsi indispensables pour mieux comprendre la dynamique et l'énergétique de ces milieux dilués.

Les spectroscopies de photoélectrons sont des méthodes de choix pour caractériser ces molécules et leurs états vibrationnels, mais sont souvent inopérantes lorsque la structure de la molécule neutre est très différente de celle de l'ion. Le Laboratoire Francis Perrin (URA 2453, CEA - CNRS) en collaboration avec l’équipe de Chimie Théorique du Laboratoire Modélisation et Simulation Multi Echelle (MSME UMR 8208 CNRS, Univ Paris-Est Marne-La-Vallée) a participé à la mise au point d'une nouvelle méthode de spectroscopie permettant d'atteindre les données recherchées, difficilement accessibles par les méthodes usuelles.

 

La stabilité et la dynamique conformationnelle des biomolécules sont fortement influencées par la dynamique des liaisons hydrogène et par celle des transferts d'hydrogène dont ces liaisons sont le vecteur. Assez naturellement, une activité importante se développe depuis de nombreuses années pour comprendre finement quelles déformations moléculaires entrent en jeu lorsqu'une réaction de transfert d'hydrogène a lieu via une liaison hydrogène. La molécule d'acétylacétone (notée AcAc sur la figure) est souvent utilisée pour aborder cette question d'un point de vue fondamental car sous la forme qui est montrée sur la figure (la plus stable en phase gazeuse), c'est l'une des molécules les plus simples possédant une liaison hydrogène intramoléculaire qui place un atome d'hydrogène en bonne position pour être transféré d'un atome à un autre (ici les deux atomes d'oxygène en rouge sur la figure). Cette problématique renvoie à une autre, beaucoup plus générale qui forme l'essence de la dynamique réactionnelle, une discipline en chimie-physique: apporter les données expérimentales assez détaillées pour permettre de modéliser et prévoir comment plusieurs degrés de liberté se couplent pour conduire à une réaction chimique.

L’équipe MOMA de l’Institut des Sciences Moléculaire d’Orsay (ISMO), en collaboration avec l’équipe de Dynamique Réactionnelle du laboratoire Francis Perrin (LFP) a développé une méthode très originale permettant de visualiser (peut-être contrôler dans le futur) comment des déformations de grande amplitude associées aux rotations gênées des groupements méthyles de la molécule d’acétylacétone AcAc (schématisés par les flèches courbes dans le caisson gauche de la figure) se combinent pour stimuler le transfert d’hydrogène entre les deux atomes d’oxygène de la molécule (également indiqué par une flèche sur la figure). Cette collaboration a été initiée par le projet ANR GOUTTELIUM et se poursuit via le projet NOSTADYNE financé par le Triangle de la Physique. La molécule AcAc a été isolée dans une matrice de para-hydrogène, un solide quantique qui ne perturbe pas la déformation des molécules qui y sont hébergées. A la température du solide (4K), la relaxation de spin nucléaire des groupes méthyle est très lente ce qui a permis de montrer qu'il y a intrication entre la pseudo rotation des méthyles et le mouvement de grande amplitude lié au transfert de l’atome d’hydrogène. La méthode expérimentale qui a conduit à ce résultat (voir référence ci-dessous) est apparue comme un moyen élégant, quoiqu'indirect, pour répondre à une longue controverse sur le rôle de la rotation des méthyles dans le transfert d’hydrogène de la molécule AcAc. L’enjeu était important puisque AcAc est considérée comme prototype des molécules possédant une liaison hydrogène interne.

Les agrégats sont des ensembles de quelques, jusqu'à plusieurs millions d'atomes en phase condensée, et de taille finie nanométrique. Etudier leurs propriétés en fonction de leur taille croissante est parfois présenté comme un moyen de construire un monde condensé macroscopique à partir d’un gaz. Ceci apparaît souvent comme exagérément réducteur, car le comportement statique et dynamique des agrégats est souvent sans contrepartie macroscopique, puisque contrôlé par leur surface très importante et leur taille finie. Il s’agit alors de physico-chimie du monde mésoscopique, comme l’illustre cette étude expérimentale récente menée par une équipe du DRECAM/SPAM-Laboratoire Francis Perrin en collaboration avec une équipe de théoriciens de l’Université Paris VI.

 

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