La compréhension de la dissipation est un point crucial de la description des phénomènes physiques, à toute échelle. Cependant, comme relevé par Loschmidt, puisque nous décrivons le monde microscopique à partir de relations réversibles dans le temps, comment est-il possible d’observer l’irréversibilité à notre échelle macroscopique, tout particulièrement la seconde loi de la thermodynamique ?
Un premier élément de réponse, dérivant de l’effet statique mis en lumière par Casimir, est de considérer l’interaction dynamique de la matière avec son environnement, en particulier le vide électromagnétique, inéluctable fond quantique. Le mouvement d’objets en interaction avec ce milieu fluctuant se trouve ainsi perturbé et une friction peut apparaître, ce qui est le point de départ de l’étude des effets de friction quantique.
Je me suis ici intéressé à un cas particulier : deux atomes identiques, s’attirant par une force de dispersion issue des fluctuations du vide, tournant l’un autour de l’autre sur une trajectoire circulaire. Cette configuration, pouvant apparaître lors de collisions douces à grand paramètre d’impact, typiquement dans les fluides, est d’un intérêt théorique majeur puisqu’elle permet de justifier physiquement le calcul de forces attractives sans modification de la distance interatomique. L’objectif de cette étude a été la construction d’une analyse semi-classique du problème permettant le calcul exact de la force s’exerçant sur chacun des atomes.
Dans un premier temps, j’ai établi le modèle classique de l’atome, mettant en jeu la notion de réaction au rayonnement, cruciale pour la cohérence et la stabilité de la matière plongée dans les fluctuations du vide doté d’une énergie (infinie) de point zéro. Ensuite, j’ai décrit le champ électromagnétique du vide thermique à travers ses corrélations, incluant les effets dynamiques, permettant ainsi de conserver un formalisme classique. La dynamique des deux atomes sur leur trajectoire circulaire est par la suite décrite de manière quasi-stationnaire, rendant possible l’utilisation de transformées de Fourier sur les dipôles atomiques. Cette description permet alors le calcul de polarisabilités effectives, dues au couplage interatomique, modélisant l’induction par le champ du vide. Les forces s’exerçant sur les centres de masse des atomes sont alors écrites avec des intégrales de formes quadratiques du champ électromagnétique du vide thermique dans l’espace des fréquences, ce qui permet l’utilisation des corrélations obtenues en amont. Ainsi, j’ai pu calculer explicitement la force d’attraction interatomique, dont j’ai pu retrouver les résultats de la littérature, notamment ceux de London et Casimir-Polder et ainsi de valider la cohérence du modèle.
Pour finir, je me suis intéressé à la dissipation via le calcul d’une force de friction s’exerçant sur les atomes, dépendant à la fois de la température du rayonnement de corps noir du vide thermique, ainsi que de la distance interatomique. Le résultat de la friction d’un atome seul, en mouvement par rapport au référentiel du corps noir, comme étudié par Einstein et Hopf, est également retrouvé. Un point clé du travail a été de calculer la friction quantique, c’est-à-dire la force de freinage exercée sur la paire d’atomes en rotation par le vide électromagnétique à température nulle. La résolution complète du système dans le cadre du modèle aboutit à une friction nulle, contrairement au résultat partiel et préliminaire de 2015. Cependant, dans le cadre d’une future résolution améliorée d’électrodynamique quantique, l’introduction d’une coupure dans l’intégrale sur les fréquences pourrait faire apparaître une friction non nulle.
Mots-clés : Rayonnement de corps noir, Dispersion, Vide, Atome, Friction quantique.
Attraction and friction forces between revolving identical atoms mediated by the electromagnetic vacuum
Abstract:
The understanding of dissipation is a crucial point for the description of physical phenomena, at any scale. However, as pointed out by Loschmidt, if we describe the microscopic world through time-reversible laws, how is it possible to observe irreversibilities at our macroscopic scale, in particular the second law of thermodynamics? A first element of the answer, derived from the static effect highlighted by Casimir, is to consider the dynamical interaction of matter with its environment, in particular with the electromagnetic vacuum, inescapable quantum background. The motion of objects interacting with such fluctuating medium undergoes perturbations and a friction may arise, which is the starting point of the study of quantum friction effects.
Here, I focused on a special case: two identical atoms, attracted to each other by a dispersion force mediated by the vacuum fluctuations, revolving around each other on a circular trajectory. This configuration, which can occur in soft collisions with large impact parameters, typically inside fluids, is of great theoretical interest since it physically justifies the calculation of attractive forces without modifying the interatomic distance. The aim of this study was to build a hybrid quantum-classical analysis of the problem, allowing to compute exactly the force exerted on each of the atoms.
To begin with, I established the classical model for the atom, involving the notion of radiation reaction, of high importance for the self-consistency as well as the stability of matter when plunged inside the fluctuations of the vacuum field possessing (infinite) zero-point energy.
Then, I described the thermal vacuum electromagnetic field throughout its correlations, including the dynamical effects, allowing me to remain within a classical formalism. The dynamics of the two atoms on their circular trajectory is thereafter described with a quasi-steady-state picture, making possible the use of Fourier transforms on the atomic dipole moments. This description allows then the calculation of effective polarizabilities, due to interatomic coupling, which model the induction by the vacuum field. The forces exerted on the atomic centers of mass are therefore written as integrals of quadratic forms of the thermal vacuum electromagnetic field in frequency domain, which allows for the use of the previously derived correlations. Hence, I managed to compute explicitly the interatomic attraction force, which I was able to recover the literature results, especially the ones of London and Casimir-Polder, henceforth validating the consistency of the model.
Finally, I considered the dissipation through the calculation of a friction force exerted on the atoms, depending on both the temperature of the thermal vacuum blackbody radiation and the interatomic distance. The single-atom friction result, when moving relatively to the reference frame of the blackbody, as studied by Einstein and Hopf, is also recovered. A key point of the work was to calculate the quantum friction, i.e. the braking force exerted on the rotating pair of atoms by the electromagnetic vacuum at zero temperature. The complete resolution of the system within the framework of the model results in zero friction, contrary to the partial and preliminary result of 2015. However, in the context of an improved quantum electrodynamics resolution, the introduction of a cut-off in the integral over the frequencies would reveal nonzero friction.
Keywords: Blackbody radiation, Dispersion, Vacuum, Atom, Quantum friction.


