Résumé : Quels sont les processus d’excitation électronique impliqués dans le claquage optique des solides diélectriques ? Cette question, débattue depuis la fin des années 60, a récemment connu un regain d’intérêt, dans le cas où le claquage est induit par des impulsions laser picoou femtosecondes. Dans cette gamme de durée, un modèle a récemment été proposé, selon lequel les électrons de conduction seraient essentiellement injectés par une très forte avalanche électronique, initiée par une faible densité de porteurs libres excités par absorption multiphotonique. Jusqu’à présent, les seules observations expérimentales en faveur de ce modèle sont des mesures de seuils de claquage en fonction de la durée de l’impulsion laser. Nous avons adopté une approche expérimentale plus directe de ce problème, fondée sur deux expériences pompe-sonde. Grâce à la technique d’interférométrie fréquentielle, nous avons mesuré la densité totale d’électrons de conduction excités par une impulsion laser ultra-brève, en fonction de la durée et de l’intensité de cette dernière, aussi bien en-dessous qu’au-dessus du seuil de claquage. Ces mesures démontrent de façon très directe que l’absorption multiphotonique par les électrons de valence est le processus dominant d’injection de porteurs : aucune avalanche électronique ne se produit avec des impulsions lasers de moins de quelques picosecondes. L’ionisation par impact des électrons de valence par les électrons de conduction est une étape cruciale dans les modèles d’avalanche. Nous avons donc réalisé une expérience de photoémission résolue en temps, afin d’évaluer l’efficacité de ce processus dans les diélectriques. Des électrons étaient injectés dans la bande de conduction, au-dessus du seuil d’ionisation par impact, grâce à une impulsion pompe UV (40 eV) femtoseconde. La relaxation de ces électrons était ensuite sondée au moyen d’une impulsion infrarouge intense. En mesurant la distribution en énergie des photoélectrons émis par le solide en fonction du délai pompe-sonde, nous avons montré que le processus d’ionisation par impact se produit sur une échelle de temps caractéristique de quelques dizaines de picosecondes pour des électrons de conduction de quelques dizaines d’eV dans SiO2 : cette faible efficacité pourrait expliquer pourquoi il ne peut pas se produire d’avalanche électronique avec des impulsions ultra-brèves, comme nous l’avons démontré par interférométrie fréquentielle. Mots clés : Study of the electronic excitation mechanisms involved in laser-induced breakdown of dielectrics
Abstract:
What are the conduction electrons injection mechanisms involved in laser-induced breakdown of dielectric solids ? This question, which has been debated since the late sixties, has been recently revived in the case where pico- or femtosecond pulses are used to destroy the solid. For this duration range, it has been proposed that most of the conduction electrons are injected through a very strong electronic avalanche, which would be initiated by a weak density of free carriers excited by multiphoton absorption. So far, the experimental evidences for this scenario only consists in measurements of the breakdown threshold as a function of pulse duration. We have tried to adopt a more direct approach to this problem, based on two pump-probe experiments. Using time-resolved interferometry in the frequency domain, we have measured the total conduction electron density excited by an ultra-short laser pulse, as a function of its duration and intensity, both below and above the breakdown threshold. These measurements directly show that multiphoton excitation of valence electrons is the dominant injection mechanism : clearly, no electronic avalanche occurs with laser pulses shorter than a few ps. Impact ionization of valence electrons by conduction electrons is a crucial step in avalanche models. Therefore, we have carried out a time-resolved photoemission experiment to evaluate the impact ionization rates in dielectrics. Valence electrons were injected in the conduction band, above the impact ionization threshold, thanks to a 60 fs, 40 eV pump beam. The ensuing relaxation of these ?high? energy electrons was then probed with an intense infrared probe pulse. By measuring the energy distribution of the electrons as a function of the pump-probe delay, we have showed that the typical time scale for the impact ionization process in SiO2 is a few tens of ps : this low impact ionization rate could explain why no avalanche occurs with ultra-short laser pulses, as we have demonstrated by the frequencydomain interferometry technique.
Keywords : Dielectric solids, Intense ultra-short laser pulses, Optical breakdown, Multiphoton absorption, Electronic avalanche, Frequency-domain interferometry, Time-resolved photoemission, High-order harmonics generation, Impact ionization, Electron-phonon coupling
DRECAM/SPAM et SRSIM