Brèves de l’IRAMIS n° 344 (Mai 2025)

Brèves de l’IRAMIS n° 344 (Mai 2025)

Sommaire :

  • Lidyl : Suivi de la dynamique d’un vortex magnétique par dichroïsme magnétique hélicoïdal
  • Brèves des labos / SPEC partenaire de deux projets Horizon Europe – Doctoral Network 2024
  • Jeune chercheur / SPEC/SPHYNX : Julie Meunier, « Transport par un écoulement tourbillonnaire : de l’équation de Navier-Stokes 2D à la turbulence océanique »
  • Brèves des labos / IRAMIS-LIDYL : Programme DRF « Audace ! », lancement du projet « Intrication Attoseconde » – IntriqAtto

Actualité scientifique

Mauro Fanciulli : tél. 01.69.08.19.40,

Le stockage de données sous forme magnétique ainsi que la réalisation de capteurs magnétiques ultra sensibles stimulent la recherche de nouvelles méthodes de mesure et contrôle de la dynamique de l’aimantation au sein des micro et nanostructures de matériaux magnétiques. Une de ces méthodes est la mesure de dichroïsme magnétique circulaire (MCD) à l’aide d’un faisceau laser polarisé circulairement, ou porteur d’un moment angulaire de spin.

Une autre forme de dichroïsme existe, dit magnétique hélicoïdal (sigle anglais : MHD) et lié au moment angulaire orbital ℓ (OAM) porté par l’impulsion laser. Celui-ci a déjà été confirmé expérimentalement par une preuve de concept en 2022 : lorsqu’un faisceau de lumière UV porteur d’OAM est réfléchi par une structure magnétique présentant des vortex avec un sens de rotation droite ou gauche, la différence de profil de la lumière diffusée pour les 2 sens de rotation d’aimantation fournit une image dichroïque du vortex. L’image présente également des symétries, fonction de la valeur de ℓ.

Aujourd’hui, cette technique MHD a pu être implémentée dans une expérience pompe-sonde, ce qui a permis de suivre la dynamique de désaimantation – ré-aimantation d’un vortex initialement excité par une impulsion laser infrarouge femtoseconde. Un comportement complexe est observé, avec une dynamique qui reste à l’échelle de la picoseconde, et qui se propage dans l’épaisseur du disque, jusqu’à même observer un renversement transitoire du sens de rotation de l’aimantation du vortex en surface.

À gauche : signal initial de dichroïsme MHD pour un faisceau porteur d’OAM ℓ=1, du profil de lumière diffusée sur un vortex magnétique. L’image résulte de la différence entre 2 images obtenues pour des rotations opposées d’aimantation du vortex. À droite : inversion de signe du signal observé, 14 ps après l’excitation du vortex par une impulsion laser infrarouge femtoseconde.

Ce résultat permet de comprendre plus en détail l’évolution d’une structure magnétique perturbée par une impulsion laser femtoseconde, qui est une méthode d’écriture et de lecture de l’information. Ce travail, réalisé au sein d’une large collaboration internationale incluant notamment le Lidyl et Spintec (CEA-DRF/IRIG), montre ainsi les potentialités du MHD résolu en temps comme une nouvelle technique pour la caractérisation des propriétés magnétiques dans des micro et nanostructures.

Magnetic vortex dynamics probed by time-resolved magnetic helicoidal dichroism
M. Fanciulli, M. Pancaldi, A.-E. Stanciu, M. Guer, E. Pedersoli, D. De Angelis, P. R. Ribič, D. Bresteau, M. Luttmann, P. Carrara, A. Ravindran, B. Rösner, C. David, C. Spezzani, M. Manfredda, R. Sousa, L. Vila, I. L. Prejbeanu, L. D. Buda-Prejbeanu, B. Dieny, G. De Ninno, F. Capotondi, T. Ruchon, and M. Sacchi, Phys. Rev. Lett. 134 (2025) 156701.

Contact CEA et CYU : Mauro Fanciulli, Lidyl/DICO


Brèves des labos

Logo SPEC

Le projet ORBIS a pour objectif de comprendre les mécanismes à l’origine des effets de moment angulaire orbital dans les solides, et de trouver des matériaux émergents permettant la génération, le transport et un contrôle efficace de ces moments angulaires orbitaux, et de construire des dispositifs fondés sur ces phénomènes. Le consortium multidisciplinaire réunit douze universités, quatre centres de recherche dont le CEA et huit industriels.

Le second projet CAFE-BIO s’intéresse à la résolution de problèmes complexes dans les systèmes biologiques, en combinant différentes approches scientifiques. Celles-ci, fondées sur les domaines de la physique statistique et la matière condensée, visent une meilleure compréhension des interactions physiques qui interviennent au sein des systèmes biologiques, et qui sont essentielles à leurs fonctions de mouvement, croissance et régulation. Le consortium multidisciplinaire réunit onze universités, trois centres de recherche dont le CEA et quatre industriels.


Jeune chercheur

Logo SPEC

Julie Meunier : tél. 01.69.08.97.10, (SPEC/SPHYNX)

Si les tourbillons qui peuplent les écoulements océaniques turbulents participent de manière significative au transport de chaleur, sel, CO2, et autres traceurs biogéochimiques, leur petite taille (10 – 80 km) fait qu’ils ne sont pas résolus par la maille relativement grossière des modèles climatiques. Un enjeu important est donc de modéliser le transport qu’ils induisent par le biais d’une diffusivité effective associée à l’écoulement turbulent, afin d’implémenter cette diffusivité dans le modèle climatique. Comme les écoulements océaniques varient peu selon la direction verticale, il a été décidé d’aborder ce problème par la situation idéalisée d’un écoulement bidimensionnel, gouverné par l’équation de Navier-Stokes 2D. De façon très surprenante, les simulations numériques montrent que la théorie standard de la turbulence 2D ne décrit pas correctement la diffusivité effective de l’écoulement, car elle ne prend pas en compte les tourbillons cohérents qui émergent dans ce système (voir figure 1). Une nouvelle théorie a alors été développée, prenant en compte ces tourbillons cohérents, et permettant ainsi de prédire quantitativement le transport engendré par un écoulement 2D turbulent.

Instantané issu d’une simulation numérique de l’équation de Navier-Stokes 2D. On représente la vorticité afin de visualiser les tourbillons cohérents
(rouge : cyclones, bleu : anticyclones).

Cette étude, publiée récemment dans Physical Review Letters [1], pose un certain nombre de questions fondamentales en Physique et en Océanographie : à quel point le modèle standard de turbulence 2D doit-il être remis en cause ? Au-delà de la diffusivité effective de l’écoulement turbulent, est-ce que la taille des tourbillons, ou leur vitesse, diffère des prédictions de la théorie standard ? Et enfin, au-delà de l’équation de Navier-Stokes 2D, pourra-t-on développer la théorie plus avant, jusqu’à pouvoir décrire fidèlement le transport turbulent dans une parcelle d’océan réaliste ? Les recherches se poursuivent…

[1] Effective transport by 2D turbulence: vortex-gas theory vs scale-invariant inverse cascade, J. Meunier et B. Gallet, Phys. Rev. Lett. 134 (2025) 074101.


Le 16 avril 25 à Saclay, a eu lieu la réunion de lancement du projet Intrication IntriqAtto. Ce projet structurant du programme de Recherche à Risque « Audace ! » du CEA réunit les quatre principaux laboratoires (LIDYL, LCPMR, LCP, ILM) travaillant en France dans ce nouveau domaine où se rejoignent science attoseconde et optique quantique, et associe Anne L’Huillier (prix Nobel de Physique 2023) et le laboratoire suédois de Lund qui présente une expertise complémentaire.

L’objectif d’IntriqAtto est d’explorer les propriétés quantiques fondamentales que sont intrication et cohérence à l’échelle naturelle des mouvements des électrons dans la matière, à savoir l’attoseconde (1 as = 10-18 s). Il s’agit d’un changement de paradigme dans ce domaine, avec la généralisation des concepts issus de l’optique quantique. Ce projet permettra d’ouvrir une nouvelle fenêtre d’étude de la matière par le contrôle en temps réel des propriétés et dynamiques quantiques des atomes, molécules et agrégats.

Contact : Pascal Salières (Lidyl/Atto).


Directeur de la publication : F. Daviaud – Comité de rédaction : L. Barbier, G. de Loubens – Réalisation : C. Becquet.