Imagerie RMN operando de cellules « pouch » Li-Ion

Imagerie RMN operando de cellules « pouch » Li-Ion

L’IRM (basée sur la Résonance Magnétique Nucléaire – RMN)* est une méthode d’analyse et d’imagerie bien connue pour son utilisation en médecine pour le diagnostic clinique. La technique est également très utilisée en chimie, biologie ou encore pour l’étude des matériaux.

Une nouvelle méthode, récemment développée et basée sur l’IRM, permet d’explorer l’aimantation locale de surface d’un objet. Applicable à l’étude de processus électrochimiques, la méthode peut ainsi permettre d’améliorer les dispositifs de stockage d’électricité des équipements nomades.

Cette technique originale, mise au point sur la plateforme RMN du NIMBE au CEA-Saclay, utilise un spectromètre RMN à grande ouverture (Brücker Avance – Super-Wide-Bore NMR instrument NEO, 7T), des techniques avancées d’IRM et des capteurs RF ultra-sensibles fabriqués sur mesure. Ce nouveau procédé d’analyse a pu être mis en œuvre avec succès pour l’étude operando de batteries. Elle révèle en particulier une série de phénomènes électrochimiques fondamentaux, associés au transport des ions lithium dans les matériaux d’électrode positive de cellules Li-ion commerciales de type « pouch ».

Parmi les nombreuses méthodes d’IRM, une technique d’imagerie de surface a été adaptée avec succès par K. Romanenko pour une analyse rapide de batteries d’appareil portables [1-7]. Dans ces systèmes de type Li-ion, l’intercalation inhomogène des ions lithium dans les électrodes de la batterie introduit des inhomogénéités magnétiques locales qui peuvent être révélées par l’IRM.

Pour obtenir ce type image IRM, un capteur a été spécifiquement conçu : il est constitué d’une fine couche de polymère riche en protons entourée d’un ruban de cuivre enroulé servant de bobine pour l’excitation RMN. Après une première mesure « à blanc », l’ensemble est placé au contact de l’objet à étudier (voir Figure). Les variations de fréquence de résonance des protons étant fonction du champ magnétique local, la cartographie IRM différentielle révèle les inhomogénéités de susceptibilité magnétique au sein de la batterie étudiée.

À gauche: La méthode d’imagerie utilise un aimant polarisant 7 T (B0) à très large ouverture, permettant d’insérer le dispositif de mesure (voir texte).
Au centre : a) Le capteur IRM à balayage de surface est composé de fines bandes de cuivre (épaisseur ~ 60 μm ), entourant une couche de polymère d’épaisseur ~1 mm et riche en protons. b) Les variations locales de susceptibilité magnétique au sein de la batterie , fonction de la concentration en Li, induisent un champ inhomogène (selon B0) au sein du polymère, mesurable par RMN du proton.
À droite : au cours de la charge ou de la décharge, la concentration en Li devient inhomogène au sein de l’électrode, puis s’homogénéise par diffusion. Le Li migre depuis la phase 03-R1 vers la phase O3-R2 de LixCoO2.

Une étude récente des électrodes positives LTMO, (L= Li, TM= métal de transition, ici LiCoO2) des cellules de type « pouch », utilisées comme batteries Li-ion de téléphone mobile, illustre la méthode [7]. L’imagerie permet ainsi la surveillance non destructive des processus cinétiques au sein de ces dispositifs électrochimiques avec des résolutions spatiales et temporelles élevées. Pour ce système, les fluctuations spatiales et temporelles de susceptibilité magnétique qui peuvent être détectées, sont associées à la lithiation** non uniforme de l’électrode solide positive, induisant une diffusion du Li+ et des transitions de phase chimiques, révèlées par leur signature magnétique. Un autre résultat remarquable de la technique est la capacité de suivre la densité locale de courant électrique, via la cartographie des niveaux de lithiation de l’électrode positive. De plus, elle permet de suivre en temps réel l’homogénéisation de la lithiation qui est un processus lent se déroulant sur plusieurs heures.

Image IRM à balayage de surface pour un champ polarisant de 3T d’une cellule « pouch – iPhone-5S » en cours de décharge (états de charge de 50 à 0%). L’imagerie révèle les variations de susceptibilité magnétique au sein de l’électrode, liées aux variations locales de concentration en Li.

L’IRM à balayage de surface doit également permettre d’explorer les propriétés magnétiques d’autres types d’électrodes positives, telles que LiNixMnyCozO2 (NMC), LiFePO4 et LiMn2O4, qui peuvent présenter d’autres réactions d’intercalation. Le couplage entre les propriétés électrochimiques et magnétiques locales de ces diverses électrodes ouvre une large gamme d’applications, telles que des études de conduction ionique à l’état solide pouvant permettre de mettre l’accent sur les effets liés au type et à la concentration de l’intercalant, ainsi que sur les effets de la température.

En perspective, ces résultats pourraient également être pertinents pour la conception de cellules plus performantes, pour lesquelles on pourrait ajuster localement le niveau de lithiation à travers l’électrode. Une autre voie de développement pourrait-être le contrôle en ligne de dispositifs commerciaux.


* La méthode IRM-RMN :

L’IRM est une méthode d’analyse et d’imagerie bien connue pour ses applications médicales basée sur la RMN. La technique est basée sur l’excitation résonante de transitions induites par radiofréquence entre les niveaux d’énergie nucléaire (effet Zeeman), séparés en énergie par un champ magnétique intense. Des gradients spatiaux transitoires de champ magnétique induisent un déplacement en fréquence des résonances, ce qui permet de localiser l’information et de construire l’image. L’IRM est largement utilisée en médecine dans le diagnostic clinique, et pour la recherche en chimie, biologie ou encore pour l’étude des matériaux.

**Lithiation : réaction chimique où des atomes de lithium sont insérés dans un matériau.


Références :

[1] Operando magnetic resonance imaging reveals phase transitions driven by nonuniform cathode lithiation in Li-ion pouch cells,
Konstantin Romanenko*, Nikolai Avdievich, Alan Wong, Magali Gauthier, Remith Pongilat, and Alexej Jerschow, Chem. Mater. 35 (22) (2023) 9789.

Autres références :

[2] “Distortion-free inside-out imaging for rapid diagnostics of rechargeable Li-ion cells” K. Romanenko, A. Jerschow, Proc. Natl. Acad. Sci. U.S.A. 116 (38) (2019) 18783–18789.

[3] “Accurate visualization of operating commercial batteries using specialized magnetic resonance imaging with magnetic field sensing” k. Romanenko, P. W. Kuchel, A. Jerschow, Chem. Mater. 32 (2020) 2107–2113.

[4] “Observation of memory effects associated with degradation of rechargeable lithium-ion cells using ultrafast surface-scan magnetic resonance imaging” K. Romanenko, A. Jerschow, J. Mater. Chem. A 9 (2021) 21078–21084.

[5] “Numerical modeling of Surface-Scan MRI experiments for improved diagnostics of commercial battery cells” K. Romanenko, A. Jerschow, J. Magn. Reson. Open 10–11 (2022) 100061.

[6] “Surface-Scan MRI diagnostics of Li-ion cells: Boosting the sensitivity with high performance flat RF Sensors” K. Romanenko, N. Avdievich, J. Phys. Chem. C 127 (2023) 85−91.

[7] « Unilateral RF sensors based on parallel-plate architecture for improved Surface-Scan MRI analysis of commercial pouch cells », K. Romanenko, N. Avdievich, Journal of Magnetic Resonance Open 18 (2024) 100141.


Contact CEA-IRAMIS : Konstantin Romanenko (NIMBE/LSDRM)

Collaboration :