L'oxyde de gallium (Ga2O3) est un oxyde transparent à grand gap (4.8 eV). Dopé avec des atomes de terre rare (néodyme, Europium…) ses propriétés de photoluminescence le rendent attractif pour la réalisation de dispositifs optoélectroniques. En film mince dans sa phase β (structure monoclinique), sa résistance au claquage électrique en fait aussi un composé intéressant pour l'électronique de puissance à très haute tension.
Une collaboration menée par le LSI (CEA-CNRS-École polytechnique) avec l’Unité Mixte de Physique CNRS Thales montre que l’irradiation de l’oxyde de gallium en phase β par des électrons de 2.5 MeV permet de créer sélectivement des lacunes de gallium et d’ajuster ainsi la position du niveau de Fermi dans la bande interdite. L’abaissement du niveau de Fermi révèle la présence des impuretés de métaux de transition (Fe3+, Cr3+). Ces résultats constituent un pas important vers le contrôle des propriétés de ce semi-conducteur émergent.
L'oxyde de gallium est un semi-conducteur émergent, « de troisième génération » à ultra-large bande interdite (4,8 eV), qui a le potentiel de révolutionner l'électronique de haute puissance du fait de sa bonne résistance au claquage. Son grand gap électronique en fait aussi un matériau de choix pour des applications dans la détection UV dite « solar blind » (insensible aux photons de longueur d'onde supérieure à ∼ 285 nm) qui pourraient être cruciales dans le domaine de la sécurité. Dopé avec des atomes de terre rare (néodyme, europium…) ses propriétés de photoluminescence le rendent potentiellement attractif pour la réalisation de dispositifs optoélectroniques. D'importants efforts sont actuellement en cours au niveau international afin de mieux maîtriser les propriétés de ce matériau, qui reste aujourd’hui au stade exploratoire. En particulier, le semi-conducteur natif est de type n à cause de la présence de lacunes d’oxygène, de sorte qu’un des défis à relever est l’obtention d’un dopage de type p pour ouvrir la voie à la réalisation de structures bipolaires.
Le LSI est équipé de la source SIRIUS d'électrons de haute énergie qui dispose d'une ligne d'irradiation à basse température (20 K). Ce type d'irradiation produit exclusivement des défauts ponctuels, et ceci contrairement à l'irradiation avec des particules lourdes comme des protons, des neutrons ou des ions. Les électrons transfèrent en effet au réseau une quantité d'énergie assez faible, juste suffisante pour éjecter un atome de son site, créant des paires lacune/interstitiel, dites paires de Frenkel. Lors du réchauffement de l'échantillon à température ambiante, les atomes interstitiels peuvent se recombiner avec une lacune ou migrer vers les surfaces ou interfaces où ils s'annihilent, laissant derrière eux des lacunes beaucoup plus stables. La concentration de lacunes résiduelles ainsi produites dépend de la dose d'irradiation et peut être contrôlée avec précision. La technique mise en œuvre est non destructive, les échantillons pouvant retrouver leur état initial après un traitement thermique approprié.
Densité électronique dans la bande de conduction d'un cristal de β-Ga2O3 de type n (carrés bleus) selon la dose d’irradiation et position en énergie du niveau de Fermi (triangles rouges) par rapport au bas de la bande de conduction.
(a) Spectres de photoluminescence avec excitation optique à 270 nm à température ambiante; d'échantillons non intentionnellement dopés soumis à différentes doses d'irradiation. On observe l'apparition d'une bande d'émission dans le visible ; (b) Pour ces mêmes échantillons : spectres de fluorescence après excitation avec une diode laser à 450 nm à basse température (100 K). Les différentes raies observées sont attribuées aux ions de métaux de transition présents en tant qu'impuretés.
Il est observé que l’irradiation induit des changements significatifs dans les propriétés électriques, optiques et des spectres de résonance paramagnétique électronique de couches minces de β-Ga2O3. Tous ces changements sont liés à l'introduction de lacunes de gallium, qui agissent comme des accepteurs d'électrons, conduisant à un abaissement notable du niveau de Fermi qui révèle la présence des impuretés dans des états de charge et de spin inhabituels. Ce procédé a donc le potentiel de convertir la conductivité de type n due aux électrons dans la bande de conduction de l'échantillon natif en une conductivité de type p liée aux trous dans la bande de valence.
L'irradiation par des électrons de haute énergie à des températures cryogéniques, tel que le permet l'installation SIRIUS, est ainsi un outil flexible pour façonner les propriétés électroniques de la matière. Appliquée aux couches minces de β-Ga2O3, elle permet d'envisager la conversion de conductivité du type n au type p. Le procédé pour obtenir une conversion optimale pour les applications potentielles reste cependant à définir du fait de la localisation profonde des accepteurs potentiels ou du possible auto-piégeage des trous dans ces cristaux à forte ionicité et les recherches se poursuivent dans ce sens.
Références :
[1] Effect of high-energy electron irradiation on the electronic properties of beta-gallium oxide,
Thi-Huong Dang, Marcin Konczykowski, Viatcheslav I. Safarov, Elie Hammou, Lucia Romero Vega, Nadège Ollier, Romain Grasset, Antonino Alessi, Henri-Jean Drouhin, Henri Jaffrès, Valery Yu. Davydov, Agnieszka Wołoś, David J. Rogers, Vinod E. Sandana, Philippe Bove, Féréchteh H. Teherani, Proc. SPIE 12002, Oxide-based Materials and Devices XIII, 1200207.
[2] Modification of β-gallium oxide electronic properties by irradiation with high-energy
electrons, T.-Huong Dang, M. Konczykowski, H. Jaffrès, V. I. Safarov, and H.-J. Drouhin, J. Vac. Sci. Technol. A 40, 033416 (2022) – special issue on gallium oxyde.
Contact CEA-IRAMIS : Henri-Jean Drouhin, Laboratoire des Solides Irradiés, Ecole polytechnique, CEA-CNRS- Institut Polytechnique de Paris, 91128 Palaiseau, France.
Collaboration : Henri Jaffrès, Unité Mixte de Physique, CNRS, Thales, Université Paris-Saclay, 91767 Palaiseau, France,