Les fluctuations du spin pourraient être à l’origine de la supraconductivité dans les pnictures de fer

Les fluctuations du spin pourraient être à l’origine de la supraconductivité dans les pnictures de fer

Une expérience proposée par des chercheurs de l'Université de l’Académie des sciences chinoise de Pékin en collaboration avec le CEA/Irig/D-Phy/MEM et le LLB révèle que les fluctuations du spin dans un supraconducteur à base de fer ont une direction privilégiée, ce qui suggère un mécanisme potentiel pour la supraconductivité dans ces matériaux.

Dans les supraconducteurs classiques, le mécanisme qui permet aux électrons de s'apparier (paires de Cooper) et de circuler sans résistance est relativement bien compris. Il en va autrement dans les supraconducteurs non conventionnels à base de fer qui apparaissent comme des oxymores, la supraconductivité rejetant en principe tout champ magnétique de l’échantillon. Dans ces matériaux déroutants, ce serait justement le magnétisme local qui favoriserait l’appariement des électrons de conduction, via l’interaction « spin-orbite » couplant les spins des électrons et des atomes de fer.

Pour en savoir plus, des chercheurs ont étudié la dynamique de spin dans le pnicture de fer supraconducteur CaK(Fe1-xNix)4As4, qui est un composé bicouche dans lequel des couches d'arséniure de fer et de nickel séparent des couches alternées de calcium et de potassium.

L'un des ordres (antiferro-) magnétiques de ce matériau est connu sous le nom de « cristal de spin-vortex », dans lequel les atomes de fer sont disposés sur un réseau carré avec leurs spins pointant vers les centres des carrés.

L'étude par diffraction de neutrons polarisés a été réalisé auprès de la source de l'ILL à Grenoble, sur la ligne D23 et les instruments que le CEA/Irig exploite dans cet environnement. L'expérience a permis de sonder les fluctuations des spins des atomes de fer d'un échantillon dans lequel cet ordre de spin-vortex coexiste avec la supraconductivité.

Ils constatent que les spins subissent des fluctuations de faible énergie, qui ont tendance à faire pivoter les axes de spin jusqu’à un alignement (selon l'axe c), perpendiculaire aux couches d'arséniure de fer et de nickel. Ils attribuent cet axe de fluctuation préférentiel au couplage spin-orbite entre les atomes de fer et les électrons de conduction. L'équipe observe également que cette tendance est la plus forte dans le régime supraconducteur mais persiste bien au-delà de la température critique. Lorsque le matériau refroidit jusqu’à sa température critique, ces fluctuations favorisent la supraconductivité en aidant les électrons de conduction à s'apparier.

Schéma de la structure du composé fer-nickel-arsenic.
Le réseau carré des atomes de fer (boules bleues) et leurs moments magnétiques (flèches rouges) forme des couches horizontales. Perpendiculairement, les agitations des spins des atomes de fer renforcent la formation de paires d'électrons de conduction pour favoriser l’état supraconducteur à basse température.
Crédit : Huiqian Luo team/Institute of Physics, Chinese Academy of Sciences.

Des recherches antérieures avaient révélé que d'autres ordres magnétiques des pnictures de fer supraconducteurs présentaient également cette direction préférée de fluctuation de spin. Les chercheurs affirment que cela suggère un mécanisme commun pour la supraconductivité induite par les fluctuations de spin dans ces matériaux, indépendamment de leur état magnétique.


Référence :

Preferred spin excitations in the bilayer iron-based superconductor CaK(Fe0.96Ni0.04)4As4 with spin-vortex crystal order,
C. Liu, P. Bourges, Y. Sidis, T. Xie, G. He, F. Bourdarot, S. Danilkin, H. Ghosh, S. Ghosh, X. Ma, S. Li, Y.Li, and H. Luo, Phys. Rev. Lett. 128 (2022) 137003.

Voir l'actualité Physics : « Spin fluctuations may drive iron-based superconductivity », March 31, 2022• Physics 15, s45.

Voir le fait marquant IRIG : « Une nouvelle clef en fer pour la supraconductivité à haute température« .

Contacts CEA :

Collaboration :

  • Beijing National Laboratory for Condensed Matter Physics, Institute of Physics, Chinese Academy of Sciences, Beijing 100190, China
  • School of Physical Sciences, University of Chinese Academy of Sciences, Beijing 100190, China
  • Laboratoire Léon Brillouin, CEA-CNRS, Université Paris-Saclay, CEA Saclay, 91191 Gif-sur-Yvette, France
  • Neutron Scattering Division, Oak Ridge National Laboratory, Oak Ridge, Tennessee 37831, USA
  • International Center for Quantum Materials, School of Physics, Peking University, Beijing 100871, China
  • Université Grenoble Alpes, CEA, INAC, MEM MDN, F-38000 Grenoble, France
  • Australian Centre for Neutron Scattering, Australian Nuclear Science and Technology Organization, Lucas Heights NSW-2234, Australia
  • Human Resources Development Section, Raja Ramanna Centre for Advanced Technology, Indore 452013, India; et Homi Bhabha National Institute, BARC training school complex 2nd floor, Anushakti Nagar, Mumbai 400094, India
  • Songshan Lake Materials Laboratory, Dongguan, Guangdong 523808, China
  • Collaborative Innovation Center of Quantum Matter, Beijing 100871, China