Impression 4D d’actionneurs en polymères magnéto-actifs

Impression 4D d’actionneurs en polymères magnéto-actifs

La rencontre entre impression 3D et matériaux « intelligents » permet aujourd'hui le développement d’un nouveau champ de recherche : l’impression 4D, qui explore la possibilité d’imprimer des objets dynamiques qui évoluent dans le temps (la 4ème dimension) par interaction avec leur environnement ou sous l'effet de stimuli externes. Dans ce cadre, une équipe du LSI, en collaboration avec des chercheurs du Politecnico di Torino et de CentraleSupelec, travaille à la réalisation de structures polymères magnéto-actives obtenues par le procédé d’impression 3D rapide de type DLP – Digital Light Processing, où la projection de lumière polymérise en un seul passage l'ensemble d'une couche de photopolymères.

La réalisation au laboratoire de divers actionneurs aux propriétés mécaniques et magnétiques contrôlées illustre les potentialités de ces méthodes d'impression « 4D ».

L'impression 3D permet de réaliser des objets par superpositions successives de fines couches de matière. L’impression 4D ajoute la possibilité d’imprimer des objets « à comportement », qui s’adaptent à leur environnement et évoluent de manière contrôlée sous l'effet de stimuli externes (température, lumière, champs électriques et magnétiques…). L’impression 4D est ainsi une forme fonctionnelle de l’impression 3D : au lieu d’imprimer uniquement des objets statiques, il est désormais possible d’imprimer des fonctions.

Dans ce domaine, les enjeux scientifiques ne reposent pas uniquement sur le développement de nouvelles méthodes de fabrication, mais aussi sur la recherche de nouveaux matériaux intelligents et imprimables. En effet, l’utilisation de la matière intelligente dans les processus de fabrication additive permet d’incorporer une information dans chaque voxel de l’objet imprimé (le volume unitaire d’impression équivalent au bit en informatique) et de l’activer de manière contrôlée. Puisque les propriétés des voxels déterminent les propriétés macroscopiques de l’objet imprimé, l'idée est de travailler au développement de stratégies top down ou bottom up pour structurer les matériaux composites au cours de l’impression.

L’objectif de la recherche menée au LSI est de montrer l’apport de la dimension temporelle dans l’impression 3D d’objets composites multifonctionnels actifs. Le travail porte actuellement sur la recherche de processus d’auto-organisation de particules magnétiques (magnétite Fe3O4, jusqu'à 6 % en poids) incluses dans des résines photosensibles, uréthane-acrylate avec un diluant réactif d'acrylate de butyle, pour la fabrication additive de polymères magnéto-actifs. Les propriétés mécaniques des polymères peuvent être ajustées selon la composition de la formulation, tandis que la réponse magnétique des échantillons peut être modulée en changeant la charge en nanoparticules et leur organisation spatiale (microstructure). En collaboration avec le Politecnico di Torino, une étude systématique des processus d'auto-assemblage des nanoparticules de magnétite en structures filaires a été réalisée. La cinétique de formation des chaînes de nanoparticules dans les résines d’impression, l’évolution de leurs dimensions ainsi que leur cinétique de rotation ont été étudiées en détails, et les résultats expérimentaux ont été couplés à des simulations numériques basées sur le modèle d'approximation dipolaire (collaboration avec CentraleSupelec). On dispose ainsi des procédés pour moduler de façon contrôlée à l'échelle de chaque couche, les propriétés mécaniques et magnétiques des objets imprimés. En exposant la résine photosensible à une source lumineuse (UV ou visible), sa polymérisation fige la microstructure ce qui fixe l’anisotropie magnétique de la couche imprimée. Cette propriété est ensuite utilisée pour contrôler le comportement de l'objet macroscopique (pliage-dépliage, rotation…).

Figure 1. Processus d’auto-assemblage des nanoparticules de magnétite (Fe3O4) observé par a-b) microscopie optique et c-d) simulations numériques. e) impression d’une pyramide où chaque niveau présente une orientation spécifique des chaines des nanoparticules la microstructure (les). Ce résultat est obtenue à l'aide d'une imprimante par traitement numérique de la lumière (DLP) modifiée pour permettre l’auto-assemblage des nanoparticules et l’orientation de la microstructure sous champ magnétique lors du processus d’impression.

Pour ce faire, une imprimante 3D commerciale à traitement numérique de la lumière (DLP) a été modifiée pour pouvoir appliquer un champ magnétiques d’intensité et direction variable pour chaque couche d’impression. Enfin, pour valider cette approche une série d’objets (voir figure) capable de subir des actions programmées ont été imprimés, comme par exemple des actionneurs permettant des mouvements de rotation ou de flexion. Il a aussi été possible de montrer que des engrenages magnéto-actifs avec des roues magnétiques, peuvent être combinés à des éléments non magnétiques pour créer des assemblages complexes, tels que des actionneurs linéaires ou des pinces actives.

Figure 2. Exemples d’impression 4D d’éléments magnéto-actifs et leurs mouvements: a-c) marteaux rigides, d-f) marteau souple, h-n) pince activée par une roue magnétique et un actionneur linéaire.

La prochaine étape de ce travail sera d’introduire de nouvelles espèces chimiques au sein de la résine photosensible, pour imprimer un matériau multifonctionnel, c’est-à-dire un matériau qui possèdera à la fois des propriétés magnétiques et plasmoniques. Par ailleurs, en ayant recours à l’impression à deux photons, nous chercherons aussi à transposer ce protocole de fabrication additive à des objets micrométriques, tels que les métamatériaux. Ce nouveau projet (Quattro-D) a obtenu un financement dans le cadre de la campagne 2021 du Programme Transversal des Compétences (PTC) du CEA. C'est le premier projet d'impression 4D au CEA.

Références :

[1] Programming the microstructure of magnetic nanocomposites in DLP 3D printing,
S Lantean, I. Roppolo, M Sangermano, M. Hayoun, H. Dammak, G Rizza, Additive Manufacturing 47 (2021) 102343.

[2] Printing of magnetoresponsive polymeric materials with tunable mechanical and magnetic properties by digital light processing,
S Lantean, G Barrera, CF Pirri, P Tiberto, M Sangermano, I Roppolo, G Rizza, 3D Advanced Materials Technologies, 4(11) 1900505 (2019).

[3] « Et bientôt l’impression 4D » , G Rizza, , Clefs CEA #72, 50, Avril 2021.

[4] « Impression 4D : les matériaux intelligents du futur ? » », Polytechnique Insights, Ecole Polytechnique, Novembre 2021.


Contact CEA-IRAMIS : Giancarlo Rizza (LSI/PCNano).

Collaborations :