Au XIXème siècle, obtenir une photographie nécessitait de longs temps de pose, car les pellicules étaient très peu sensibles. Le problème subsiste en photographie moderne : si l'obturateur est trop rapide, trop peu de photons entrent dans l'appareil pour obtenir une bonne image. Ensuite, la résolution ultime de l'image est limitée par les longueurs d'onde de lumière utilisées (typiquement quelques centaines de nanomètre pour les longueurs d'onde du visible).
De plus, pour les durées extrêmemement courtes, une impulsion lumineuse de durée attosecondes (quelques 10-18 s) est nécessairement composée d'un spectre très large en longueurs d'onde, dont la superposition brouille toute figure d'interférences. Ceci rend inefficace les méthodes usuelles de récupération d'image à partir d’algorithmes de résolution de problèmes inverses, bien connus au LIDYL. Tenant compte de ces limites, comment obtenir alors l'image d'un objet nanométrique avec une résolution attoseconde ?
Les chercheurs du LIDYL et du Synchrotron Soleil présentent une méthode originale pour dés-intriquer les contributions spectrales d'une impulsion attoseconde. Des images de très bonne qualité ont pu être reconstituées à partir de cette méthode, ce qui ouvre la voie à une imagerie à résolution nanométrique et attoseconde, accessible à partir des faisceaux de lumière générés par des sources de type Attosecond XFELs ou par génération d’harmoniques laser d’ordre élevé (ATTOLAB).
L’imagerie sans lentille est une technique de microscopie qui s’affranchit des limitations des systèmes de formation d’image traditionnels pour obtenir des résolutions spatiales a priori limitées uniquement par la longueur d’onde du rayonnement utilisé. Ces techniques reposent sur l’utilisation d’algorithmes itératifs, basés sur l’optique de Fourier, faisant office de « lentilles virtuelles ». Ces algorithmes reconstruisent l’image de l’échantillon à partir de la figure de diffraction résultant de l’interaction d’une onde spatialement cohérente avec l’objet à étudier. Associée aux sources de rayons X ou extrême ultraviolet (10-100 nm) de nouvelles générations, elle a déjà permis d’obtenir par exemple la structure tridimensionnelle de complexes de protéines qui ne peuvent être cristallisées ou de virus.
Permettant l'accès à des courtes longueurs d’onde, ces nouvelles sources de rayonnement délivrent des impulsions de durées ultrabrèves allant jusqu’à quelques dizaines d’attosecondes. Il devient ainsi envisageable d’ajouter aux résolutions spatiales nanométriques une dimension temporelle avec des résolutions attosecondes. Cette perspective ouvre la voie à de nombreuses études de dynamiques électroniques en physique du solide, notamment dans le cadre des recherche sur l’électronique du futur, telle que la spintronique attoseconde par laser ou bien l'optoélectronique pétahertz. Cependant, pour élucider les mécanismes en jeu il est nécessaire de suivre spatialement les dynamiques électroniques, ce qui reste hors d’accès par les techniques actuelles.
Les techniques d’imagerie par diffraction cohérente sont usuellement applicables pour un éclairement par une onde lumineuse monochromatique. Comme la largeur spectrale d’une impulsion est inversement proportionnelle à sa durée, elle excède les 10% pour les impulsions attosecondes actuelles, dans le domaine de l’extrême ultraviolet. Dans de telles conditions, les algorithmes de reconstruction d’images par recouvrement de phase deviennent inopérants. En effet, la figure de diffraction pour un large domaine spectral peut être vu comme la superposition incohérente des figures de diffraction monochromatiques créées par chacune des composantes de l’impulsion lumineuse. Comme illustré figure 1 dans le cadre de la diffraction par deux fentes parallèles, les franges d’interférences apparaissent brouillées.
Les travaux de thèse de Julius Huijts au LIDYL se sont focalisés sur la mise au point d’un algorithme qui permet de monochromatiser la figure de diffraction. Cette étape a permis d’obtenir une figure de diffraction monochromatique d’une qualité exceptionnelle (fig. 2). L’efficacité de l’algorithme a été démontrée expérimentalement sur une source laser dans le domaine visible et dans le domaine des rayons X sur la ligne Nanoscopium du synchrotron Soleil, avec dans les deux cas une largeur spectrale Δλ/λ de 12%. La résolution spatiale de l’image reconstruite est même légèrement meilleure dans le cas de l’illumination large bande, sans doute grâce aux propriétés de suppression du bruit de l’algorithme de monochromatisation.
Ce nouvel algorithme, facile à implémenter car se présentant simplement comme une étape intermédiaire entre l’acquisition des figures de diffraction et les algorithmes de recouvrement de phase traditionnels, ouvre ainsi la voie à l’imagerie nanométrique attoseconde, et par conséquent à l’étude de transitions de phase ultrarapides au sein des matériaux. En outre, il doit permettre de diminuer d’un ordre de grandeur les temps d’acquisition en imagerie statique sur synchrotron, en tirant profit de la grande largeur spectrale des faisceaux blancs pour augmenter le flux de photons sans perte de résolution spatiale.
Références :
J. Huijts, S. Fernandez, D. Gauthier, M. Kholodtsova, A. Maghraoui, K. Medjoubi, A. Somogyi, W. Boutu, and H. Merdji, arXiv:1909.11345v2 [physics.optics] 26 Sep 2019 – Nature Photonics (2020).
[2] « Imagerie par diffraction cohérente des rayons X en large bande spectrale et développements vers une source harmonique au keV pompée par laser moyen-infrarouge à haut taux de répétition », Thèse Julius Huitjs (2019).
Contacts CEA : Willem Boutu, Hamed Merdji (Lidyl/Atto)
Collaboration :
- Groupe Atto du LIDYL, CEA, CNRS, Université Paris-Saclay, CEA Saclay, Gif-sur-Yvette, France
- NanoSCOPIUM beamline at Synchrotron Soleil, BP 48, Saint Aubin, Gif-sur-Yvette, France.