La génération d’ions moléculaires est à la base de nombreuses méthodes d'analyse, comme le SIMS (Secondary Ion Mass Spectroscopy), le MALDI (Matrix Assisted Laser Desorption Ionisation) ou le FIB (Focused Ion Beam). Au-delà des principes élémentaires de ces techniques, les phénomènes de double ionisation ou de fragmentation des ions formés doivent être mieux compris pour une meilleure interprétation des résultats de ces méthodes analyses.
Le CIMAP, le GPM de Rouen et le MPIE de Düsseldorf ont mis en commun leurs compétences pour analyser la stabilité d’ions doublement chargés : les dications. Leurs temps de vie ont été analysés en combinant des mesures de sonde atomique tomographique (SAT) et des simulations multi-techniques basées sur des calculs ab initio.
La méthode originale plus particulièrement étudiée ici consiste à utiliser un dispositif de type sonde atomique tomographique, où la pointe nanométrique contient les molécules à analyser. L’application d’un potentiel électrique crée par effet de pointe un champ électrique proche de celui permettant l’émission spontanée d’ions. Une brève impulsion laser suffit alors pour que des ions soient émis de la pointe, et dont la nature peut être identifiée par la mesure de leur temps de vol. La décroissance extrêmement rapide du potentiel électrique entre la pointe et le détecteur permet d'étudier la métastabilité des espèces excitées créées dans une large gamme de temps allant de la picoseconde à la microseconde. La sonde atomique tomographique (SAT) est ainsi détournée de son utilisation habituelle pour en faire un microscope à réaction chimique original et sans équivalent.
Principe de l'expérience : une polarisation électrique de 3 à 10 keV est appliquée entre une pointe et l'écran détecteur qui lui fait face. L'effet de pointe exacerbe le champ électrique à la surface de la pointe, qui est ajusté pour se placer au seuil d'évaporation. Des impulsions laser picosecondes induisent l'émission d'ions dont on peut observer le point d'impact sur le détecteur bi-dimensionnel et mesurer le temps de vol, ce qui permet d'identifier les espèces ioniques formées et leur éventuelle dissociation.
La figure ci-dessous montre les résultats obtenus pour la dissociation de C22+. Pour ce dimère homo-nucléaire, la répulsion entre les deux fragments chargés les fait arriver à des positions et des temps différents sur le détecteur. On peut ainsi identifier leur origine en analysant la corrélation temps-position sur ce détecteur. Dans l’expérience (fig. 1a) on observe plus particulièrement deux contributions distinctes. Ces deux contributions sont reproduites par la simulation (fig. 1b), ce qui permet l’interprétation sans ambiguïté de l’expérience. La bande la plus intense sur la gauche provient des niveaux vibrationnels les plus bas de l’état électronique 5Σu– du C22+ alors que la trace moins intense à droite provient d’états électroniques moins liés qui se dissocient juste après leur formation à la surface de la pointe sous l’effet du champ électrique [1].
Le calcul combine des simulations ab-initio pour traiter de la structure électronique des ions, couplées à des simulations du transfert des ions formés depuis la pointe jusqu'au détecteur.
Les simulations réalisées apportent ainsi une aide précieuse pour interpréter tous les détails de cette technique très originale de spectroscopie ionique moléculaire, basée sur un dispositif de sonde atomique tomographique. Seule cette technique est à même d'apporter des informations claires sur les processus de dissociation de tout un ensemble d'espèces ioniques excitées, formées au cours du processus d'évaporation de la pointe.
Référence :
[1] Unraveling the metastability of Cn2+ (n=2−4) clusters
Z. Peng, D. Zanuttini, B. Gervais, E. Jacquet, I. Blum, P.-P. Choi, D. Raabe, F. Vurpillot, and B. Gault, J. Phys. Chem. Lett. 10(3) (2019) 581.
Contact CEA-IRAMIS : Benoit Gervais (CIMAP – Centre de recherche sur les Ions, les MAtériaux et la Photonique (UMR6252), Caen, France)
Collaboration :
- Groupe de Physique des matériaux, Université de Rouen
- Department of Microstructure Physics and Alloy Design, Max-Planck-Institut für Eisenforschung GmbH, Max-Planck-Straße 1, 40237 Düsseldorf, Germany