Alors que dans le monofeuillet de graphène tous les atomes sont équivalents, l’empilement particulier de ces feuillets dans le graphite, déterminé par Bernal [1], conduit à distinguer deux types d’atomes, α et β, suivant qu’ils sont superposés ou non à un atome du feuillet inférieur (figure a). Les atomes α et β de la surface ont alors des propriétés électroniques différentes, un effet bien connu des utilisateurs de microscopie à effet tunnel (STM) puisque seuls les atomes β y sont visibles. Au contraire, la topographie du graphite vue par le microscope à force atomique (AFM) fait apparaître une structure en nid d’abeille identique à celle du graphène en monofeuillet, où tous les atomes sont équivalents (voir schéma c).
Cet effet électronique peut-il se manifester à plus grande échelle, par exemple sur des molécules déposées sur le graphite ou le graphène ? Pour le savoir, il faut être capable de positionner très précisément des molécules sur une telle surface. C’est justement ce que permettent les techniques d’auto-assemblage développées au LEPO depuis plusieurs années [2]. Cependant, ces techniques basées sur l’épitaxie de groupes méthylènes (-CH2-) ne dépendent que de la topographie et ne distinguent donc pas les atomes α et β. L’astuce consiste à utiliser un réseau de molécules auto-assemblées comprenant deux molécules par maille et de symétrie telle que l’une des molécules est en contact principalement avec des atomes α du substrat de graphite et l’autre avec des atomes β (en bleu et jaune respectivement sur la figure a). Ces molécules de tristilbène ont une structure carbonée alternant simple et double liaisons proches de celle du graphène. Les images STM de l’assemblage montrent alors une différence de brillance entre les deux molécules imagées simultanément (figure b), permettant ainsi de comparer les densités spectrales d’orbitales électroniques de ces deux configurations. Lorsque le même système est déposé sur du graphène (figure c), les deux molécules sont équivalentes et ne montrent aucune différence de brillance (figure d) ce qui confirme l’origine de l’effet : la structure électronique d’une molécule adsorbée sur le graphite est influencée par la couche de graphène sous-jacente à la surface, avec laquelle elle n’est pourtant pas en contact direct [3].
Ces résultats illustrent la possibilité de positionner des molécules fonctionnelles sur le graphite ou le graphène avec une précision sub-atomique par auto-assemblage, et démontrent qu’on peut en tirer parti pour contrôler les propriétés électroniques de tels assemblages.
Contact CEA: Fabrice Charra, Laboratoire d'Electronique et nanoPhotonique Organique (SPEC/LEPO)
Références:
[1] Bernal JD. The structure of graphite. Proceedings of the Royal Society of London. Series A. 106(740), 749–773 (1924)
[2] C. Arrigoni, G. Schull, D. Bléger, L. Douillard, C. Fiorini-Debuisschert, F. Mathevet, D. Kreher, A.-J. Attias et F. Charra, Structure and Epitaxial Registry on Graphite of a Series of Nanoporous Self-Assembled Molecular Monolayers. J. Phys. Chem. Lett. 1, 190–194 (2010)
[3] N. Kalashnyk, M. Jaouen, C. Fiorini-Debuisschert, L. Douillard, A.-J. Attias et F. Charra, Electronic effects of the Bernal stacking of graphite on self-assembled aromatic adsorbates, Chem. Commun. 54, 9607-9610 (2018)
Collaboration:
• Service de Physique de l'Etat Condensé, UMR 3680 CEA – CNRS, Université Paris-Saclay
• Institut Parisien de Chimie Moléculaire, UMR CNRS 8232, Sorbonne Université