La silice ou dioxyde silicium (SiO2) est un des constituants principaux (60 %) de l'écorce terrestre sous forme de sable ou de roche. Matériau transparent dans le visible, elle est très utilisée pour les composants en optique (lentilles, prismes, fibres optiques…). Les polymorphes de la silice sont nombreux : sa structure peut varier de la plus compacte sous forme cristallisée, i.e monocristal de quartz, à des structures plus ouvertes voire amorphes, impliquant des variations de propriétés du matériau (densité, propriétés mécaniques, indice optique…).
Un verre de silice qui présente un important volume libre, peut être densifié avec un taux significatif sous haute pression (jusqu’à 20 %), mais les mécanismes et évolutions structurales associées sont encore l’objet de controverses, particulièrement entre expériences et modèles théoriques.
En irradiant avec des électrons de 2.5 MeV des silices ayant subi un traitement thermique ou préalablement densifiées par compression, il est montré qu'une densité d’équilibre de l’ordre de 2,26 g/cm3 peut être atteinte, pour une dose d'irradiation de l'ordre de 10 GGy [1].
Ces résultats permettront de mieux comprendre la structure des couches minces de silice, fondamentales pour l’industrie verrière, ou plus spécifiquement de maitriser l'élaboration et le comportement en conditions extrêmes (haute température ou irradiation) de fibres optiques de type « capteur à réseau de Bragg » (*).
Différentes méthodes sont utilisées pour moduler la densité des verres de silice :
- par des traitements thermiques, il est possible de modifier la température à laquelle se fige le verre (ce qui définit sa température fictive), ce qui a un léger effet sur sa densité.
- par irradiation UV, X ou gamma, la densification reste aussi faible, de l'ordre de 3 % au maximum…
- une densification pouvant atteindre 20% peut être atteinte sous haute pression (supérieure à 9 GPa et à température ambiante).
Une étude de la relaxation sous irradiation de silices faiblement densifiées par traitement thermique (température fictive : 1050, 1250 et 1400 °C) et d'autres, comprimées sous haute pression à haute température (densité initiale : 2.2, pression appliquée : 5 GPa à 350 et 1000°C) a été conduite par une équipe de chercheurs, à l’aide de l'accélérateur d'électron SIRIUS (2.5 MeV) du laboratoire des Solides Irradiés (LSI) [1].
La figure ci-contre montre l’évolution de la densité de ces silices avec la dose d’irradiation. Pour les silices légèrement densifiées par traitement thermique, l'irradiation a pour effet d'augmenter leur densité, alors que celle-ci diminue pour les verres comprimés à chaud. Sur cette figure on peut aussi noter l’existence d’une densité d’équilibre vers laquelle tous les verres semblent converger : 2.26 g/cm3. Cette valeur apparait comme remarquable, car elle est identique à celle du quartz ou de la silice amorphe irradiée par des neutrons rapides [2].
La maille élémentaire de la silice est tétraédrique, avec un atome de silicium au centre et 1 atome d'oxygène sur chaque sommet. Dans le solide ces tétraèdres se connectent entre eux par les sommets, pour former localement des cycles constitués d'un nombre variable de tétraèdres allant de 3 à 9. La spectroscopie Raman permet d'obtenir des informations sur l'ordre à courte et moyenne distance du verre de silice, en particulier sur le nombre de tétraèdres par cycle. Elle montre en particulier une augmentation du nombre de cycles courts (3 à 5 tétraèdres) accompagnant une augmentation de la densité, tant que celle-ci reste inférieure à 2.26 (en accord avec la littérature sur les verres densifiés par irradiation). De façon plus surprenante, elle montre aussi une augmentation du nombre de cycles courts au fur et à mesure que la densité des verres comprimés à chaud diminue avec l’irradiation.
Ce dernier résultat est intéressant car il prouve que la diminution du nombre de cycles à 6 ou 7 tétraèdres en faveur de cycles à 3 ou 4 n’est pas prépondérante dans le mécanisme de densification du verre de silice. Il faut enfin souligner par ailleurs la grande similitude en termes de structure et de statistique de taille de cycles, entre les verres densifiés et relaxés par irradiation électronique et les couches minces de silice (généralement plus denses) déposées par pulvérisation par faisceau d'ions (IBS – Ion-beam Sputtering) ou pulvérisation magnétron.
Ces résultats complètent ainsi les études antérieures pour mieux comprendre le lien entre densité et structure des verres de silice, données nécessaires pour identifier les bons procédés permettant de moduler la densité de la silice. L'irradiation apparait ainsi comme un bon moyen pour ajuster le matériau aux propriétés requises, en particulier pour ses applications en optique (fibre optique notamment). Ces études se poursuivent sur l’effet de la température (irradiation à 600 K) et du régime d'irradiation (105-108 Gy), à la recherche de données plus précises sur les angles Si-O-Si, la statistique de taille des cycles et le volume libre de la silice, notamment par RMN de 17O et de 29Si.
Références :
[1] « Relaxation study of pre-densified silica glasses under 2.5 MeV electron irradiation «
N. Ollier, M. Lancry, C. Martinet, V. Martinez, S. Le Floch, D. R. Neuville, Scientific reports 9, 1227 (2019).
[2] « Fast-neutron-induced changes in quartz and vitreous silica. »
W. Primak, Phys. Rev. 110, 1240 (1958).
(*) Comprendre… les capteurs à réseaux de Bragg, L. Quetel et P. Leboudec ( IDIL Fibres Optiques), Photonique 80 (2016) 41.
Contact CEA-IRAMIS : Nadège Ollier (LSI/D2SM – Défauts, Désordre et Structuration de la Matière)
Collaboration :
- Matthieu. Lancry, ICMMO Institut de Chimie Moléculaire et des Matériaux d’Orsay, CNRS-Université Paris Sud, Université de Paris Saclay, 91405, Orsay
- Daniel Neuville, Géomatériaux, CNRS-IPGP-USPC, 1 rue Jussieu, 75005, Paris
- Christine Martinet et Sylvie Le Floch, Institut Lumière Matière, Univ Lyon, Université Claude Bernard Lyon 1, CNRS, F-69622, Villeurbanne.