Brèves de l’IRAMIS n° 333 (Mars 2024)

Brèves de l’IRAMIS n° 333 (Mars 2024)

Décomposition en processus photoniques de la génération d’harmoniques d’ordre élevé en champ fort

Thierry Ruchon (LIDYL/Atto)

LIDYL

Les flashs de lumière attoseconde constituent l’outil incontournable pour suivre la dynamique des électrons dans les atomes, les molécules ou la matière condensée. Ces impulsions laser ultra-courtes peuvent être obtenues par génération d’harmoniques d’ordre élevé (GHOE) produite par l’interaction d’un champ laser très intense avec la matière. Le processus en 3 étapes (voir figure) est habituellement expliqué de la façon suivante : l’ionisation partielle de la matière, au voisinage d’un maximum du champ électrique du faisceau laser, l’accélération de la partie ionisée du paquet d’onde électronique par le même champ laser, suivi d’une recombinaison avec l’ion parent, lorsque l’électron repasse près du cœur ionique. Lors de cette dernière étape, l’excès d’énergie cinétique du paquet d’ondes électronique est libérée sous la forme de rayonnement dans l’eXtreme Ultra-Violet. Ce modèle est extrêmement utile pour prédire de nombreuses propriétés de la GHOE, comme son rendement, l’extension spectrale du rayonnement en fonction des paramètres du laser, la réponse à des polarisations variées… À l’inverse aucune description entièrement satisfaisante en terme de « chemins de photon » ne permettait de décrire le phénomène.

Haut : Modèle de champ fort de la GHOE.
Bas : diagramme des processus identifiés pour la génération de l’harmonique q=9. Le schéma A correspond à la description habituelle, mettant en jeu q photons du laser pilote pour produire l’harmonique q. En utilisant un second faisceau laser non colinéaire au premier, les processus B et C, mettant en jeu respectivement une et deux paires supplémentaires de photons, et interférant avec le premier, ont pu être mis en évidence. En fonction de l’intensité de ce deuxième faisceau, ils peuvent même devenir les chemins dominants. La GHOE, est donc généralement le produit de l’interférence de nombreux « chemins de photons », ce qui explique son rendement particulier.

Une nouvelle expérience, menée dans l’équipe ATTO du LIDYL, permet de proposer une telle interprétation. Elle montre que la génération d’une harmonique par GHOE résulte de l’addition cohérente de plusieurs processus qui interférent : au-delà du nombre minimum de photons requis pour produire une harmonique donnée, des paires de photons supplémentaires, associées à la combinaison d’une absorption et d’une émission stimulée sont mises en jeu. Un modèle très simple permet de dénombrer les différentes voies contributives et de rendre compte des résultats expérimentaux avec une excellente fidélité. Cette approche est un nouveau pas décisif dans la longue quête d’une « image photonique » de la GHOE, qui offre de nouvelles pistes de réflexions sur les processus quantiques en jeu dans le régime en champ fort.

Références :
[1] Photon pathways and the non-perturbative scaling law of high harmonic generation. M. Vimal, et al., Phys. Rev. Lett. 131 (2023) 203402.

Contact CEA : Thierry Ruchon (LIDYL/Atto)


Brèves des labos

LLB

Premiers neutrons sur le diffractomètre petits angles SAM à l’Institut Laue Langevin

Alain Menelle (LLB)

La Diffusion de Neutrons aux Petits-Angles – DNPA est une technique qui permet d’explorer la structure et la dynamique d’objets peu organisés (non cristallisés), tels ceux que l’on désigne par « Matière molle ». Elle permet l’étude de structures « mésoscopiques » que l’on retrouve dans un grand nombre de thèmes de recherche en matière molle et condensée, biophysique et science des matériaux.
Après quatre années de conception et d’installation, le spectromètre « SAM-Small-Angle Modular Instrument » implanté à L’ILL de Grenoble a reçu ses premiers neutrons marquant l’entrée en phase de test début mars 2024. L’ouverture aux expériences est prévue dès Juin 2024. Bravo à l’équipe et à la collaboration LLB-ILL.

Effet de localisation dans le transport de photoélectrons, induit par le désordre d’alliage dans l’InGaN

Mylène Sauty (SPEC/LEPO)

SPEC

Un résultat scientifique marquant de sa thèse au Laboratoire de Physique de la Matière Condensée – -PMC de l’École polytechnique, a été l’observation d’états électroniques localisés dus au désordre d’alliage dans l’InGaN. L’InGaN constitue la partie active des dispositifs LED nitrures, aujourd’hui utilisées mondialement pour l’éclairage basse consommation. Alliage ternaire de GaN et d’InN, le gap et donc l’énergie d’émission de l’InGaN sont déterminés par la concentration en indium. On fabrique à l’heure actuelle des LED bleues (avec une concentration en indium d’environ 15%) extrêmement efficaces, qui sont associées à des phosphores pour produire de la lumière blanche. L’efficacité des LED nitrures chute cependant à fort courant d’injection, ainsi qu’à plus forte concentration en indium, pour des longueurs d’onde d’émission dans le vert et le rouge.

Dépendance en température de la distribution en énergie des électrons photoémis dans l’InGaN. (a) Principe de la photoémission basse énergie. Une grande partie des électrons photoexcités dans le volume de l’InGaN s’accumulent dans le bas de la bande de conduction avant de rejoindre la surface et d’être émis, donnant lieu à la contribution Γ. (b) Données expérimentales sur l’InGaN. La contribution des électrons de basse énergie Γ disparaît à basse température, en raison du gel du transport électronique par sauts entre états localisés.

Dans les matériaux nitrures, une question importante est de savoir si le désordre d’alliage, intrinsèque dans les alliages ternaires, est suffisamment fort pour induire des états localisés pour les électrons de basse énergie. Pour ceci, les propriétés des électrons de conduction de l’InGaN dopé p ont été sondés par spectroscopie de photoémission à basse énergie. Les spectres montrent que le rendement quantique de photoémission chute lorsque la température diminue, ce qui est expliqué par le gel du transport des électrons accumulés dans le bas de la bande de conduction. Ce phénomène, non présent dans le GaN non désordonné, est la signature d’un transport électronique par sauts entre états localisés, activé thermiquement. Des travaux théoriques plus récents montrent que les nombreux trous, présents dans l’échantillon p étudié, jouent probablement un rôle important pour la localisation de ces électrons.
Sauty et al., Phys. Rev. Lett. 129, 216602

Contact : Mylène Sauty (SPEC/LEPO)


Directeur de la publication : F. Daviaud – Comité de rédaction : L. Barbier, G. de Loubens – Réalisation : C. Becquet.