Lien avec leurs propriétés photovoltaïques et maitrise de la séparation e–-trou
Les cellules solaires à base de pérovskites présentent de fort rendement car elles permettent d'élargir la fraction du spectre solaire qui peut être converti en électricité. Ces performances sont directement liées à leur structure cristalline bien particulière, dont les propriétés de vibrations ont été étudiées par diffusion de neutrons.
Cette étude permet d'atteindre l'ensemble des propriétés élastiques de ces matériaux, données indispensables pour progresser dans l'utilisation des pérovskites hybrides halogénées pour une utilisation en cellule photovoltaïque ou comme émetteur de lumière.
Depuis ces six dernières années, l’actualité scientifique a été marquée par le développement de cellules photovoltaïques à base de pérovskites hybrides halogénées [1]. Récemment, de grands progrès ont été réalisés avec des records de rendement de photoconversion supérieurs à 23% pour les cellules solaires basées sur les pérovskites hybrides en films minces (similaire à celui des cellules photovoltaïque silicium). Ces matériaux sont des « organo-halogénures de plomb », composées d'ions organiques (carbone, hydrogène et azote) au sein d'un réseau minéral régulier d'halogène et de plomb.
Ces matériaux sont aussi au cœur de nouvelles applications optoélectroniques variées, telles que l’émission de lumière (lampe LED) ou comme photodétecteur. Mais si d'excellentes performances sont obtenues au laboratoire, il faut maintenant passer le cap de l'industrialisation. Pour ceci, une meilleure connaissance des propriétés intrinsèques du matériau en lien avec leurs performances permettra à la communauté scientifique de proposer des voies d’amélioration des dispositifs et de leur fiabilité. En particulier, la résistance des matériaux aux contraintes mécaniques extérieures reste un enjeu majeur, ainsi que leur résistance à l’humidité, à la température ou au rayonnement.
La structure cristalline particulière de type pérovskite des métaux halogénés est à l’origine des propriétés optoélectroniques prometteuses de cette nouvelle classe de semiconducteurs [2]. Les pérovskites hybrides se révèlent idéales pour le fonctionnement en cellule photovoltaïque, où l'absorption d'un photon produit une paire électron/trou (exciton) avec une grande durée de vie (i.e. une grande longueur de diffusion). Les excitons formés ont ainsi le temps d'être drainés vers les électrodes de sortie, où se produit à la jonction la séparation des charges. Selon leur caractère hybride, la partie organique permet une absorption de la lumière 10 fois supérieure à celle du silicium, et la nature multigap et multi-vallées de la structure de bande électronique du métal halogéné offre de bonnes propriétés de conduction. Objet de nombreuses études, plusieurs propriétés fondamentales de ces pérovskites hybrides restent encore controversées ou mal connues.
Permettre une séparation efficace des charges est indispensable pour pour les applications photovoltaïques. Il est ainsi proposé que les mouvements en rotation des cations (CH3NH3+) à haute température, apporte une contribution supplémentaire à l’écrantage diélectrique et abaisse l’énergie de liaison excitonique à moins de 5 meV à la température ambiante. Cette énergie est dans la gamme des énergies de vibrations du réseau (phonons) dans ces matériaux, qu'il faut donc bien connaitre et maitriser pour pouvoir améliorer les performances du matériau [2].
Pour ceci, la présente étude par diffusion cohérente de neutrons et diffusion Brillouin a permis de mieux connaitre le spectre des phonons acoustiques des quatre composés phares de la famille des « pérovskites halogénées » [3], de type APbX3 (Fig. 1), avec deux cations différents méthylammonium (CH3NH3+=MA) ou de formamidinium (HC(NH2)2+=FA) et de l'iode ou du brome pour l'halogène X. Les monocristaux de ces quatre familles de matériaux ont été synthétisés à l'Institut des sciences chimiques (ISCR) de Rennes, ainsi qu’à l’institut KAUST (Arabie-Saoudite). Les mesures de diffusion inélastique de neutron, effectuées au Laboratoire Léon Brillouin (Saclay) et à l’Institut Laue Langevin (Grenoble), ont permis d’obtenir pour la première fois l'ensemble des constantes élastiques de ces matériaux. Les figures 2a et 2b montrent les courbes de dispersion (Énergie – vecteur d'onde) des phonons acoustiques longitudinaux et transverses. On note que les constantes élastiques de cisaillement sont particulièrement faibles dans les quatre composés, indiquant des matériaux très mous. Par ailleurs les deux matériaux iodés, cruciaux pour les applications photovoltaïques, possèdent de très faibles résistances à la compression et une plus faible dispersion longitudinale. La figure 2c, où sont représentés les constantes élastiques en fonction du paramètre cristallin de la phase cubique, résume ces résultats. On peut noter que le composé FAPbI3 est à la limite de la stabilité structurale avec un module d’élasticité quasi-nul. Ainsi, ces matériaux présentent une faible dureté élastique que l'on peut rapprocher de leur faible conductivité thermique et du comportement du gaz de porteurs chauds créé sous éclairement.
L'étude par diffusion de neutrons permet ainsi d'atteindre l'ensemble des propriétés élastiques des matériaux étudiées. Pour les pérovskites hybrides halogénées, ces données sont indispensables pour mieux maitriser leurs propriétés structurales et électronique, afin de progresser dans leur utilisation comme couche active d'une cellule photovoltaïque ou comme émetteur de lumière.
Références :
[1] « Une révolution pour le photovoltaïque », La Recherche, Janvier 2015.
« Photovoltaïque : le silicium bientôt éclipsé », Pour la Science, décembre 2015.
[2] “Entropy in halide perovskites”, C. Katan, A.D. Mohite and J. Even. Nat. Mater. 17 (2018) 377–379.
[3] “Elastic softness of hybrid lead halide perovskites”,
A. C. Ferreira, A. Létoublon, S. Paofai, S. Raymond, C. Ecolivet, B. Rufflé, S. Cordier, C. Katan, M. I. Saidaminov, A. A. Zhumekenov, O. M. Bakr, J. Even, and P. Bourges , Phys. Rev. Lett, 121 (2018) 085503.
Ce travail a été effectué dans le cadre de la thèse d’Afonso Ferreira (cotutelle IRAMIS et INSA), codirigée par Philippe Bourges (CEA/LLB) et Jacky Even (FOTON/INSA).
Voir aussi :
« Direct evidence of weakly dispersed and strongly anharmonic low frequency optical phonons at low temperature in hybrid organolead perovskites »
A.C. Ferreira, S. Paofai, A. Létoublon, J. Ollivier, S. Raymond, B. Hehlen, B. Rufflé, S. Cordier, C. Katan, J. Even, P. Bourges, arXiv:2001.05445 [cond-mat.mtrl-sci] (2020).
Contact CEA-IRAMIS : Philippe Bourges (DRF/IRAMIS/LLB) Collaboration :
A.C. Ferreira1,2 A. Létoublon2, S. Paofai3, S. Raymond4, C. Ecolivet5, B. Rufflé6, S. Cordier3, C. Katan3, M. I. Saidaminov7, A. A. Zhumekenov7, O. M. Bakr7, J. Even2 and P. Bourges1.
- Laboratoire Léon Brillouin (LLB/CEA Saclay)
- Groupe FOTON de l’INSA-Rennes,
- Institut des Sciences Chimiques de Rennes (ISCR),
- Institut Nanosciences et Cryogénie (INAC/CEA Grenoble),
- Institut de Physique de Rennes (IPR),
- Laboratoire Charles Coulomb (L2C, Univ. Montpellier)
- King Abdullah University of Science and Technology (KAUST, Thuwal, Arabie Saoudite).