Dynamique de relaxation des porteurs photo-excités dans GaAs :  théorie et expériences ARPES.

Dynamique de relaxation des porteurs photo-excités dans GaAs : théorie et expériences ARPES.

Dans une cellule photovoltaïque, l'absorption de la lumière excite les électrons à assez haute énergie, de l’ordre d’un électronvolt au-dessus du bas de la bande de conduction d’un semiconducteur. La relaxation de ces « porteurs chauds » est le principal phénomène limitant les performances de ces cellules, ainsi que de nombreux autres capteurs photo-électroniques.

Le premier processus de diffusion inélastique subis par les électrons chauds est le transfert d’énergie vers les vibrations du réseau (phonons). Comprendre cette dynamique de relaxation électronique, en particulier le rôle du couplage électron-phonon, est un enjeu majeur pour proposer les matériaux les plus performants pour les dispositifs photovoltaïques. Le travail collaboratif entre les théoriciens du LSI, de l’IMPMC, de l’université de Rome, et les expérimentateurs de l’Université d’Osaka, Japon, a permis de mettre en évidence dans le composé GaAs, deux régimes de relaxation distincts, entièrement dus à l’interaction électron-phonon. Ce résultat a pu être obtenu grâce à une méthode de calcul ab initio très avancée, développée récemment par les chercheurs du LSI en collaboration avec l’IMPMC. Les concepts élaborés dans ce travail faciliteront la description de la dynamique de relaxation des porteurs chauds dans des nombreux matériaux semiconducteurs.

Quand l’énergie solaire est absorbée par un dispositif photovoltaïque, ses électrons sont excités très au-dessus du bas de la bande de conduction, formant ainsi une population d'électrons « chauds ». Pourtant, cette énergie supplémentaire est presque immédiatement perdue au profit des vibrations du réseau : le matériau est alors chauffé par la relaxation des électrons. La conception d’une cellule photovoltaïque dite « aux électrons chauds », où toute l'énergie des porteurs peut être récupérée avant relaxation, demeure aujourd’hui un rêve des scientifiques. Pour y aboutir, des éléments de réponse peuvent être apportés par la compréhension détaillée du processus de transfert de l’énergie des électrons chauds vers le réseau atomique : l’interaction électron-phonon.

Au LSI, un important travail de développement théorique et numérique a été mené, depuis plusieurs années, afin de pouvoir décrire le couplage électron-phonon complètement ab initio, sur la base de la théorie de fonctionnelle de la densité [1]. Récemment, en collaboration avec l’IMPMC, une nouvelle méthode a été développée, permettant de calculer les temps de vie électronique liés au couplage électron-phonon avec grande précision [2]. Cette méthode a permis d’interpréter, avec succès, les résultats expérimentaux obtenus par le groupe du Prof. K. Tanimura, de l’Université d’Osaka.

Diagramme énergie-moment cinétique de l’interaction électron-phonon, en émission et absorption : un état électronique initial (point bleu) est diffusé vers un état électronique final (point noir) suite à l’interaction avec un phonon. L’électron perd de l’énergie dans le cas de l’émission d’un phonon, il gagne de l’énergie en cas de l’absorption d’un phonon. Le moment cinétique de l’électron change dans les deux cas.

Dans ce travail, la relaxation des électrons chauds dans GaAs a été expérimentalement étudiée par photoémission résolue en angle, en temps et en énergie (ARPES). Cette expérience met en évidence deux temps de relaxation des électrons chauds bien distincts : une relaxation initiale très rapide, de l’ordre de quelques dizaines de femtosecondes, suivie d’une relaxation dix fois plus lente.

Expérience de photoémission résolue en angle, en temps et en énergie sur Γ de GaAs.
(a) : Dispersion des électrons 20 fs après l'excitation initiale dans la vallée Γ de GaAs. b) Après 70 fs, le transfert des électrons dans la vallée L est bien visible . (c) et (d) : intensité intégrée du courant de photoémission pour les deux temps de mesure (20 et 70 ps), montrant la relaxation depuis la vallée Γ vers la bande L. (f) à (j) dépendance en temps du courant intégré de photoémission, pour les vallées Γ et L à diverses énergies.
Les énergies des électrons sont indiquées par rapport au bas de la bande de conduction. Les deux régimes de relaxation sont bien visibles, le temps de relaxation le plus lent pouvant être attribué aux électrons issus de la bande L.

Ces résultats ont pu être interprétés, en montrant que le couplage électron-phonon est entièrement responsable des deux temps de relaxation observés des électrons chauds. Le temps « rapide », de l’ordre de quelques dizaines des femtosecondes, correspond à la relaxation du moment cinétique, i.e. l’électron, excité initialement dans la vallée, est dispersé sur toute la zone de Brillouin. . Le temps « lent » correspond à la relaxation de l’énergie par cet ensemble d’électrons chauds répartis sur l'ensemble de l’espace réciproque [3].

Ces conclusions peuvent être étendues et généralisées à une large classe des matériaux semiconducteurs.

Références :

[1] Ab initio method for calculating electron-phonon scattering times in semiconductors: application to GaAs and GaP,
J. Sjakste, N. Vast, V. Tyuterev, Phys. Rev. Lett. 99, 236405 (2007).

[2] Wannier interpolation of the electron-phonon matrix elements in polar semiconductors: Polar-optical coupling in GaAs
J. Sjakste, N. Vast, M. Calandra, F. Mauri, Phys. Rev. B 92, 054307 (2015), Editor’s suggestion.

[3] Formation of hot-electron ensembles quasi-equilibrated in momentum space by ultrafast momentum scattering of highly excited hot electrons photoinjected into the Γ valley of GaAs,
H. Tanimura, J. Kanasaki, K. Tanimura, J. Sjakste, N. Vast, M. Calandra, F. Mauri, Phys. Rev. B 93, 161203 (R) (2016).


Contact CEA-IRAMIS : Jelena Sjakste, Nathale Vast (IRAMIS/LSI – Théorie de la science des matériaux)

Collaboration :

Temps de relaxation des électrons chauds dans GaAs, à 300 K. Symboles : données extraites des expériences ARPES. Traits pleins : courbes théoriques ab initio.