Une électrode en graphène pour améliorer la conduction d’un fil moléculaire

Une électrode en graphène pour améliorer la conduction d’un fil moléculaire

Des physiciens viennent de montrer qu’en connectant un fil moléculaire conducteur à une électrode de graphène, il est possible de réduire de manière importante l’atténuation du courant électrique à la jonction entre la molécule et l’électrode.

En utilisant des molécules comme composants élémentaires, le domaine de l’électronique moléculaire met directement à profit les propriétés quantiques des molécules. La synthèse chimique permet alors d’ajuster ces propriétés et d’élaborer des architectures variées. Toutefois, à cette échelle et dans ces nouveaux composants, la circulation du courant électrique est bien moins aisée que dans les conducteurs métalliques ou semi-conducteurs : une jonction moléculaire atténue fortement la propagation du courant. Et surtout, cette atténuation augmente exponentiellement [1] avec la longueur de la molécule. Une équipe internationale de physiciens du Service de physique de l’état condensé (SPEC, CNRS/CEA), de l’Université de Liverpool au Royaume-Uni et de l’Université Xi’an-Jiaotong-Liverpool en Chine, viennent de trouver une parade à ce problème en remplaçant l’électrode métallique traditionnelle par une électrode en graphène. Ils ont ainsi observé une nette augmentation du courant mesuré en fonction de la longueur de la molécule. Cette augmentation représente un facteur 2 par rapport à ce qui était connu dans les jonctions moléculaires classiques métal/molécule/métal. Ces résultats supportés par un modèle théorique ont fait l’objet d’une publication dans Nano Letters.

Alors qu’habituellement les électrodes pour l’électronique moléculaire sont en or, les physiciens ont utilisé une autre électrode, créée en déposant des molécules d’alcanedithiols sur un substrat de graphène. Ces molécules, constituées de chaînes hydrocarbonées, présentent des atomes de soufre à leur extrémité qui permettent une meilleure connexion aux électrodes. Ils sont venus les contacter à l’aide de la pointe métallique d’un microscope électronique à effet tunnel pour mesurer leur conductance. La jonction ainsi formée constitue un système asymétrique métal/molécule/graphène et l’évolution de la conductance, mesurée à l’aide du microscope a été déterminée en fonction de plusieurs longueurs de chaînes d’alcanedithiols. Afin d’interpréter les résultats, les chercheurs ont réalisé des simulations numériques de la conductance. Ils ont ainsi démontré que l’asymétrie des électrodes induit également un transfert de charges plus important du côté de l’électrode métallique. En effet, l’interaction métal-molécule est beaucoup plus importante que l’interaction molécule-graphène, essentiellement dominée par des interactions de type van der Waals. En conséquence, ce transfert de charges a pour effet de réduire la barrière de potentiel à l’interface métal-molécule et de faciliter la propagation des électrons dans la molécule. Cet effet est néanmoins contrebalancé par une résistance de contact plus importante au niveau de l’interface molécule-graphène. Cependant, pour des chaînes moléculaires suffisamment longues, ici de l’ordre du nanomètre, la conductance de la jonction asymétrique devient plus importante que dans le cas d’une jonction moléculaire standard.

Ce nouveau type de jonctions asymétriques permet donc de propager plus de courant dans une molécule que les jonctions moléculaires classiques. Ceci apporte une brique de plus à l’architecture de nouveaux circuits, basés sur l’électronique moléculaire basse consommation.

[1] L’atténuation exponentielle du courant est une propriété de la jonction métal/molécule, et particulièrement de l’alignement des niveaux électroniques moléculaires avec les niveaux électroniques du métal.

Représentation d’une jonction moléculaire constituée d’une électrode en graphène, d’une molécule de butanedithiol (HS(CH2)4SH ) et d’une pointe STM en or. A droite, histogramme 2D de la conductance en fonction de la distance pointe-graphène. © Yannick Dappe – SPEC (CNRS/CEA Saclay)


Référence :

Graphene as a promising electrode for low current attenuation in asymmetric molecular junctions
Qian Zhang, Longlong Liu, Shuhui Tao, Congyi Wang, Cezhou Zhao, César González, Yannick J. Dappe,
Richard J. Nichols et Li Yang, Nano Letters 16(10) (2016) 6534.

Actualité CEA-CNRS : « Une électrode en graphène pour améliorer la conduction d’un fil moléculaire » – Sur le site du CNRS/InP.

Contact CEA-CNRS : Yannick DappeIRAMIS/SPEC – Groupe Modélisation et Théorie ».

Collaboration :