Des interfaces bien maitrisées, pour la réalisation de composants basse consommation CMOS III-V de type antimoniure

Des interfaces bien maitrisées, pour la réalisation de composants basse consommation CMOS III-V de type antimoniure

Les équipements électroniques sont aujourd'hui de plus en plus performants, car interfacés avec leur environnement, via des objets ou capteurs communicants. Idéalement, ces objets devraient être intégrés « à vie » dans leur environnement, ce qui demande qu'ils soient le plus possible autonomes en énergie. Ceci est plus aisément réalisable si l’objet consomme 100µW, voire moins, ce qui impose une faible tension d'alimentation Vdd des transistors à effet de champ (FET) qui le compose.

Ceci exclu les futures générations de CMOS silicium (Vdd ~ 0.5-1V), mais une solution reste ouverte avec les transistors de type MOSFET à base de matériaux III-V de type antimoniure, à petite bande interdite (Vdd < 0.2 V) et à forte mobilité électronique. La réalisation de tels composants implique de maitriser les interfaces entre le substrat GaAs et les couches actives, que l'équipe P2ME de l'IRAMIS/CIMAP a cherché à caractériser.

L'équipe PM2E a participé de 2009 à 2012 au projet de « recherche industrielle » ANR MOS35 pour la réalisation de transistors hautes fréquences (HF) fonctionnant à très faible tension d’alimentation (< 0.5 V). L'objectif du projet était de définir et optimiser les bons systèmes de matériaux et l’architecture idéale pour obtenir un composant fonctionnel, pour une très faible consommation électrique. Le rôle de l'équipe PM2E du CIMAP a été de caractériser par microscopie électronique haute résolution, les interfaces GaAs/GaSb, entre le substrat et le drain du transistor MOSFET. C'est à cette interface, entre deux couches à fort désaccord de paramètre de maille (7.8% entre GaSb et GaAs), que se joue principalement la qualité cristalline des couches actives, qui ont une influence directe sur les performances du composant.

C'est par la formation d'un réseau périodique parfait de dislocations dites « de Lomer »[1] localisé sur l'interface que l'on peut espérer confiner à l'interface la compensation de cette importante contrainte paramétrique. À cet effet, des couches actives à base d'antimoine (antimoniures) sont ajoutées, au sein desquelles la densité des dislocations traversantes est < 106 cm-2, soit trois ordres de grandeur plus faible que ce qui est obtenu de façon conventionnelle [1]. Cependant, jusqu'à présent, ce type de résultat n'a pas pu être reproduit de façon systématique; on sait seulement qu'il peut être réalisé dans des conditions de croissance riches en antimoine (Sb).

Image par microscopie de la coupe d’un transistor MOSFET

Formation d'une paire de dislocation compensant le décalage paramétrique entre le substrat GaAs et la couche active GaSb, a) par glissement de la surface vers l'interface, b) configuration de 60°, c) dislocation de Lomer [1] et d) paire de dislocations de 60°.

Le travail a alors été récemment poursuivi pour essayer de comprendre le rôle joué par cet élément (Sb) dans la relaxation de la contrainte à l'interface. Les études structurales fines par microscopie électronique à transmission montrent que dans ces composés de structure sphalérite (ZnS), les dislocations induites par le décalage paramétrique sont toujours constituées de paires de dislocations dont le vecteur de Burgers est orienté à 60°. Une dislocation de Lomer est obtenue lorsque la distance entre ces paires est inférieure à 1 nm, ce qui dépend fortement des conditions de croissance. Trois principaux résultats ont pu être obtenus [7] :

  1. Un mode de croissance 2D de la couche d'interface GaSb/GaAs, initiée par une préparation de la surface du substrat adaptée (monocouche Sb initiale de mouillage), favorise la formation des dislocations de Lomer [2,3].
  2. La formation du réseau de dislocations de Lomer stabilisant résulte du glissement des dislocations de la surface vers l'interface [4,5],
  3. Le traitement optimisé de la surface du GaAs avec une couche de mouillage d'antimoine Sb, diminue l'énergie des dislocations de Lomer, ce qui permet d'obtenir un réseau de dislocation compact (fig. 2) [6].

Structure atomique d'une dislocation de Lomer, a) image obtenue au STEM (Scanning transmission electron microscope) en mode HAADF (High Angle Angular Dark Field) où le contraste observé résulte est fonction du numéro atomique, b) vue de la zone de c½ur de la dislocation, c) superposition avec le modèle atomique, e) image simulée avec le modèle atomique, f) modèle énergétique d'une dislocation de Lomer conventionnelle, g) Modèle énergétique de Lomer formée dans des conditions riches en Sb, pour f) et g) la densité locale d'énergie est proportionnelle à l'intensité de la couleur bleue.

Cette étude des structures d'interface GaSb/GaAs montre toute l'importance de bien maitriser la dynamique de la croissance à l'interface pour obtenir des couches de bonne qualité cristalline qui conduiront à un fonctionnement optimal des transistors MOSFET haute fréquence et basse consommation.


Références :

[1] S. Huang, G. Balakrishnan, and D. L. Huffaker, J. Appl. Phys. 105, 103104(2009)

Comme a montré en 2007 l'équipe de Diana Huffaker, alors à l'Université du New Mexico à Albuquerque,

[2] Y. Wang, P. Ruterana, L. Desplanque, S. El Kazzi and Xavier Wallart EPL 97, 68011 (2012)

[3] Y. Wang, P. Ruterana, L. Desplanque, S. El Kazzi, and X. Wallart, J. Appl. Phys. 109, 023509(2011)

[4] Yi Wang, P. Ruterana, S. Kret, J. Chen, S. El Kazzi, L. Desplanque, and X. Wallart, Appl. Phys. Lett. 100, 262110 (2012)

[5] Yi Wang, P. Ruterana, S. Kret, S. El Kazzi, L. Desplanque, and X. Wallart, Appl. Phys. Lett. 102, 052102 (2013)

[6] Antimony-mediated control of misfit dislocations and strain at the highly lattice mismatched GaSb/GaAs interface,
Y. Wang, P. Ruterana, J. Chen, S. Kret, S. El Kazzi, C. Genevois, L. Desplanque, and X. Wallart, ACS Appl. Mater. Interfaces 5, 9760 (2013)

[7] Yi Wang and P. Ruterana, Appl. Phys. Lett. 103, 102105 (2013)


[1] Dislocation de Lomer : couple de dislocations 60° adjacentes et en très forte interaction. Le vecteur de Burgers résultant n'est pas dans le plan de glissement.

Contact CEA-IRAMIS : Pierre Ruterana (CIMAP).

Collaboration :

CIMAP, CNRS UMR 6252, 6 Boulevard du Maréchal Juin, 14050 Caen Cedex, France
Institute of Physics PAS, AL. Lotników 32/46, 02-668 Warszawa, Poland
§ IEMN, UMR-CNRS 8520, CS 60069, 59652 Villeneuve d’Ascq Cedex, France
Groupe de Physique des Matériaux (GPM), CNRS UMR6634, Avenue de l′université, BP 12, 76801 Saint-Etienne-du-Rouvray, France