Vers une pile à combustible sans métaux

Vers une pile à combustible sans métaux

Contact : Bruno Jousselme

L’utilisation usuelle de l’hydrogène est une voie possible d’évolution de notre paysage énergétique, mais qui demande un large déploiement de piles à combustible. Pour ceci, il est nécessaire de développer et mettre en œuvre de nouveaux catalyseurs sans métaux nobles. En effet, dans les piles actuelles, le catalyseur de référence le plus efficace est le platine, dont l’abondance, le prix croissant, et notre dépendance vis-à-vis des pays étrangers interdisent la fabrication massive des dispositifs basés sur cette technologie.

Après avoir montré l’efficacité de catalyseurs sans platine pour l’oxydation de l’’hydrogène à l’anode, des catalyseurs sans métaux efficaces pour la réduction de l’oxygène à la cathode ont été obtenus à l’IRAMIS/SPCSI.

L’objectif affiché du projet ANR Enzhyd (Pan’H 2009 – Plan d’Action National sur l’Hydrogène et les piles à combustible) est de développer de nouveaux matériaux d’’électrodes stables et peu coûteux pour le développement de dispositifs de pile à combustibles sans métaux nobles.

Dans une première étape, des matériaux catalyseurs pour l’oxydation de l’’hydrogène à l’anode, composés de complexes moléculaires bio-inspirés à base de nickel et immobilisés sur des nanotubes multi-parois, ont été développés, en collaboration directe avec l’équipe de Vincent Artero et Marc Fontecave (DSV Grenoble). Dans un premier procédé les complexes sont fixés aux nanotubes de manière covalente [1] ou par un procédé innovant en une seule étape via pi-stacking [2], A noter que ces matériaux présentent les avantages majeurs par rapport au platine, d’’être sélectif vis-à-vis de l’hydrogène et de ne pas réagir avec d’autres polluants tels que le monoxyde de carbone.

A la cathode, lieu de réduction de l’’oxygène, les catalyseurs à base de platine présentent les meilleures performances catalytiques. Cependant la cinétique associée est lente et il s’ajoute l’impossibilité d’un développement massif dû au coût du platine lié a sa rareté. Le développement à grande échelle des piles à combustible demande ainsi le développement de catalyseurs sans Pt [3]. Une première possibilité est l’utilisation de porphyrines ou des phthalocyanines de cobalt ou de fer, physisorbées sur des nanotubes de carbone [4]. L’utilisation de nanotubes de carbone comme support est à nouveau privilégiée, puisqu’ils offrent les avantages de pouvoir être aisément fonctionnalisés et de permettre de garnir les électrodes avec une très grande surface spécifique. Mais ils ne présentent malheureusement pas une bonne stabilité dans le temps (< 1 h).

Fig.1 : A gauche, structure chimique du benzotriazole (BTA) et représentation schématique de la synthèse des nanotubes de carbone à plusieurs parois fonctionnalisés (MWNTs) et de leur activité catalytique. Diagramme : courbes voltammétriques montrant les propriétés catalytiques en milieu basique.

L’utilisation de nanotubes dopés azote (N) est une autre voie en vogue et qui semble très prometteuse pour la réduction de l’oxygène. Le laboratoire LCSI a mis au point une méthode simple et peu coûteuse de post-traitement des nanotubes de carbone pour la synthèse de structures de carbone enrichis en azote. Elle nécessite l’utilisation de précurseurs organiques riches en azote et comportant une fonction tétrazole ou triazole (figure 1 et 2). Ces dérivés azoles sont chauffés sous argon à 700°C en présence de nanotubes de carbone afin de former des espèces radicalaires réagissant sur les parois des CNTs. Les matériaux obtenus ne contiennent ainsi aucuns métaux et présentent pourtant une excellente activité catalytique en milieu basique (figure 1, [5], [6]) avec seulement 80 mV de surtension par rapport au Pt/C pour une densité de courant équivalente.

Fig.2 : A gauche, synthèse de nanotubes de carbones multiparois (MWNTs) fonctionnalisés avec du cobalt et des centres azotés. A droite : diagramme voltammétrique montrant les propriétés catalytiques en milieu acide.

Afin d’’être aussi efficace en milieu acide, ces mêmes matériaux ont été associés avec du cobalt (métal non noble) afin d’obtenir une meilleure activité (figure 2 et [7]). Cependant les performances par rapport au platine restent encore modestes avec une surtension par rapport au platine, de l’ordre de 200 mV. Une optimisation des différents paramètres de synthèse est en cours dans le but de tenter de rivaliser avec le platine.


Références :

[1] From hydrogenase mimics to noble-metal free electrolytic nanomaterial for hydrogen evolution and uptake,
A.
Le Goff, V. Artero, B. Jousselme, P. Dinh Tran, N. Guillet, R. Métayé, A. Fihri, S. Palacin, M. Fontecave, Science, 326 (2009) 1384.

Voir aussi le fait marquant : Nanosciences et chimie bio-inspirée : un nouveau pas vers la production d’’hydrogène sans platine.

[2] Noncovalent modification of carbon nanotubes with pyrene-functionalized nickel complexes: carbon monoxide tolerant catalysts for hydrogen evolution and uptake,
P. D. Tran, A. Le Goff, J. Heidkamp, B. Jousselme, N. Guillet, S. Palacin, H. Dau, M. Fontecave, V. Artero, Angewandte Chemie International Edition, 50(6) (2011) 1371.

[3] Low-platinum and platinum-free catalysts for the oxygen reduction reaction at fuel cell cathodes
A. Morozan, B. Jousselme and S. Palacin, Energy Environ. Sci., 4 (2011), 1238.

[4] Catalytic activity of cobalt and iron phthalocyanines or porphyrins supported on different carbon nanotubes towards oxygen reduction reaction,
A. Morozan, S. Campidelli, A. Filoramo, B. Jousselme and S. Palacin, Carbon 2011, 49, 4839-4847.

[5] Brevet déposé BD12879.

[6] ChemSusChem 2011 accepté.

[7] Electrochemical performance of annealed cobalt–benzotriazole/CNTs catalysts towards the oxygen reduction reaction, A. Morozan, P. Jégou, B. Jousselme and S. Palacin, Phys. Chem. Chem. Phys. 13 (2011) 21600.

Contact : B. Jousselme.

Fig1PropCatalBasiqueHoriz.png

Fig2PropCatalAcideHoriz.png