Origine de l’efficacité des cellules photovoltaïques en couche mince CuIn(S,Se)2

Origine de l’efficacité des cellules photovoltaïques en couche mince CuIn(S,Se)2

J. Vidal, S. Botti, P. Olsson, J.-F. Guillemoles et L. Reining

Les cellules photovoltaïques élaborées à partir de couches minces atteignent aujourd'hui des performances à même de concurrencer les cellules à base de silicium les plus performantes (~ 20 %). La technologie couche mince la plus prometteuse repose sur le composé CuIn(S,Se)2 qui se révèle être un excellent absorbeur de lumière. Malgré les nombreuses études théoriques et expérimentales menées sur ce composé, l'origine de son efficacité restait encore un mystère. Par des simulations ab-initio, une équipe du LSI, en partenariat avec le CNRS et EDF, lève le voile sur un mécanisme complexe permettant d'expliquer le rendement remarquable de ces cellules.
Les calculs ab initio (plus particulièrement dans le cadre de l'approximation GW[i]), montrent tout d'abord une forte dépendance de la largeur de la bande interdite, et donc des propriétés optiques du CuIn(S,Se)2, en fonction des distorsions du réseau atomique [1]. Cependant, ce phénomène n'est pas observé expérimentalement et un mécanisme compensatoire, identifié comme étant la présence de défauts intrinsèques, doit être considéré. Les détails du calcul indiquent en effet que la distorsion du réseau induit aussi la formation d'une lacune de cuivre, ce qui en retour compense la variation initiale de la largeur de la bande interdite (Les étapes du calcul auto-cohérent, séparant l'effet de la distorsion et celui de la formation de lacune, sont résumés schématiquement sur la figure 1). Seul le couplage de ces deux phénomènes permet d'expliquer la parfaite stabilité des propriétés optiques du CuIn(S,Se)2 indépendantes des variations structurales et stœchiométriques des systèmes expérimentaux.

L'application de nouvelles méthodes théoriques permet une meilleure compréhension des mécanismes microscopiques qui font de CuIn(S,Se)2 le meilleur composé photovoltaïque couche mince à l'heure actuelle. La présence de défauts, qu'ils soient relatifs à stœchiométrie ou structuraux, se révèle indispensable pour obtenir à la fois le dopage suffisant pour la conduction d'un courant à travers la cellule et la stabilisation de la largeur de bande interdite.

Au-delà de ce premier pas décisif révélant le mécanisme profond du fonctionnement de ces cellules, la poursuite de l'amélioration de leurs performances passera nécessairement par une meilleure prise en compte du rôle des défauts et des distorsions de structure, qui n'ont jusqu'alors pas été prises en compte. Ce travail remet également en cause le principe universel qui veut que les défauts soient usuellement les ennemis du rendement des cellules photovoltaïques [2], ceci pouvant permettre d'ouvrir la voie à de nouveaux concepts dans ce domaine.

Figure 1 : Cycle montrant le phénomène compensatoire entre les distorsions et la création de défauts. DVBM (Valence Band maximum) et DCBM (Conduction band Minimum) réfèrent respectivement aux variations du maximum de valence et au minimum de conduction.

Référence :

[1] J. Vidal, S. Botti, P. Olsson, J.-F. Guillemoles, L. Reining,
Physical Review Letters, 104 (2010) 056401.

[2] Les défauts agissent usuellement comme centre de recombinaison des paires électrons-trous, ce qui diminue la densité de charges libres dans la cellule, réduisant ainsi leur efficacité.


[i] Dans l'approximation GW, la self-énergie s'écrit comme le produit de la fonction de Green (G) à une particule et de l'interaction coulombienne électron-électron dynamiquement écrantée (W).